Entre Nous : Le paradoxe malien
Le paradoxe au Mali, c’est que l'atmosphère de malaise qui y prévaut actuellement n'existerait pas si la Constitution de 1992 avait été suspendue, celle de 2023 non encore initiée, les institutions dissoutes. Et le coup d'Etat assumé.

Le président de la Transition avait mis en place deux commissions de rédaction d’une nouvelle Constitution. Dirigées par Pr Fousseini Samaké, ancien Secrétaire général du Gouvernement et ex directeur général de l’Ecole nationale d’administration, ces commissions ont élaboré un avant-projet, puis un projet de loi fondamentale. Lequel projet a été directement soumis au référendum des Maliens par le Chef de l’Etat, sans même passer par le débat au niveau du Conseil national de Transition (CNT). À l’issu du scrutin organisé à cette fin le 18 juin 2023, le texte a été largement adopté avec 96,91% des électeurs qui se sont prononcés pour le « oui ». Le taux de participation a été de 38,23%.
L’adoption de cette Constitution, immédiatement suivie de sa promulgation, le 22 juillet 2023, donnaient en principe le coup d’envoi du retour à l’ordre constitutionnel avec la mise en place des institutions de la 4è République. Selon l’article 45 de la Constitution du 22 juillet 2023, « le Président de la République est élu pour un mandat de cinq (05) ans, au suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une seule fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux (02) mandats de Président de la République ».
Le 10 juin 2021, suite au coup d’Etat dit de ‘’rectification’’ contre le Président de la Transition Ba N’Dao, le Colonel Assimi Goïta a prêté serment, devant la Cour suprême du Mali, en qualité de Président de la Transition. Devant Dieu et le peuple malien, il a juré de « respecter et de faire respecter la Constitution et les lois ».
Pourtant, il y a quelques jours, en avril 2025, les concertations dites des forces vives organisées par les autorités, ont ‘’recommandé’’ de donner directement le titre de Président de la République au Président de la Transition avec un mandat de cinq renouvelable sans passer par le suffrage universel. Tout comme au Burkina et au Niger. A la différence de taille que ces deux pays de l’Aes ne sont pas passés par des tergiversations ! Mais au Mali, une telle option serait une flagrante violation de la Constitution, dont aucune disposition ne prévoit de nommer ou de désigner le Président de la République. Le locataire de Koulouba ne porte ce titre que s’il est élu par ses concitoyens en se soumettant à leur suffrage !
Voilà le paradoxe au Mali engagé, croit-on savoir, dans un processus dont la finalité est sa refondation, synonyme de renouer avec ces valeurs et principes inspirés de la vertu qui faisaient naguère la réputation de ce grand pays. Le processus devrait aboutir à ce qu’on a dénommé le ‘’Mali kura’’.
Mais le moins que l’on puisse constater, telle une évidence qui crève les yeux, est que certains Maliens ont un «incroyable talent» pour encourager le viol de « l’acte fondateur du Mali kura pris souverainement par le peuple malien ». Ils auront de la peine à convaincre que c’est cela leur compréhension de la refondation, tant espérée dans ce pays depuis belle lurette.
Notre pays, jusqu’à preuve du contraire, fait partie des 152 républiques sur les 197 officiellement recensées en 2021. Que valent donc les voix de 3 208 230 Maliens, qui ont massivement adopté la Constitution du 22 juillet en votant «oui» au Référendum du 18 juin 2023 ? Les délégués aux concertations des forces vives leur dament-ils le pion en terme de légitimité? Quelle image les acteurs de la Refondation renvoient-ils ainsi en acceptant la violation de la Constitution ? Où est donc la rupture avec les pratiques anciennes ? Le Président de la Transition cédera-t-il aux chants de sirène ?
Le succès de toute œuvre humaine reste tributaire de la manière de faire, et aussi de l'exemplarité de ceux qui le font.
Chiaka Doumbia
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