Algérie : le voisin encombrant aux pieds d'argile

Depuis avril dernier, les relations déjà fragiles entre le Mali et l'Algérie ont basculé dans une confrontation ouverte.

4 Octobre 2025 - 01:20
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Algérie : le voisin encombrant  aux pieds d'argile

L'abattage par l'armée algérienne d'un drone malien a marqué un tournant décisif, cristallisant un climat de méfiance ancien, nourri par des visions irréconciliables sur la gestion de la crise sahélienne.  Bamako accuse Alger d'entretenir une posture va-t-en-guerre masquée sous le vernis diplomatique. Alger persiste à considérer les groupes armés du nord malien comme des interlocuteurs politiques là où Bamako les range dans le même camp que les djihadistes.

A la tribune de l'ONU, les invectives récentes échangées entre les deux capitales n'ont fait que confirmer cette fracture. La saisine de la Cour internationale de Justice(CIJ) par le Mali et le refus catégorique de l'Algérie de s'y soumettre illustrent la profondeur du fossé. Un État sûr de son bon droit aurait accepté de se défendre sur le terrain juridique ; en s'y dérobant, Alger accrédite l'idée qu'elle a beaucoup à perdre si la lumière est faite sur ses compromissions.

Les révélations récentes de sources russes viennent renforcer les soupçons maliens : elles évoquent l'existence de camps d'entraînement et de refuges sécurisés pour des forces hostiles au Mali sur des portions de territoires algérien et mauritanien. Si elles se confirmaient, ces informations constitueraient la preuve du double jeu d'Alger et le désaveu d'une prétendue posture de médiateur. Derrière le masque du "gendarme du Sahel", apparaissent alors les fissures d'un régime fragilisé, pris dans ses propres contradictions diplomatiques et minées par des tensions internes.

La disparition mystérieuse d'Abdelkader Haddad, alias Nacer El Djinn, ancien chef de la DGSI algérienne, ajoute à cette fragilité. Architecte d'opérations sensibles, détenteur de secrets d'État relatifs aux connexions entre Alger et certains groupes armés du nord malien, il représente une véritable bombe à retardement pour le pouvoir. Sa fuite, possiblement en Espagne, expose le régime à un double péril : la perte de contrôle sur un homme au cœur des arcanes sécuritaires et le risque de divulgation d'informations compromettantes concernant le Sahel. Dans un contexte de guerre asymétrique et hybride, cette défection constitue une onde de choc potentielle dont les répercussions pourraient bouleverser les équilibres déjà précaires de la région.

Pour le Mali, cette fragilité algérienne ouvre certaines perspectives. Depuis longtemps, Bamako observe avec suspicion les manœuvres d'Alger, soupçonnée de manipuler les accords de paix pour maintenir son influence plus que pour pacifier la région. Aujourd'hui, l'opacité fissurée du système sécuritaire algérien permet au Mali de reprendre l'initiative, d'affirmer sa lecture de la crise et de délégitimer l'Accord d'Alger. En s'appuyant sur de nouveaux partenariats stratégiques, Bamako peut envisager de redessiner le processus de stabilisation à son avantage.

Mais la prudence demeure de mise. Les fragilités d'Alger peuvent se retourner contre ses voisins. Un régime acculé pourrait multiplier les gestes d'hostilité pour masquer ses failles et ressouder son opinion interne. Les propos récents du ministre algérien Ahmed Attaf, faits d'attaques et de digressions, s'inscrivent dans cette logique défensive. Le Mali doit donc naviguer entre vigilance et fermeté, tirer profit des opportunités sans ignorer les contrecoups.

La vérité est désormais claire : l'Algérie ne peut plus prétendre jouer les arbitres impartiaux dans un conflit où elle agit en partie prenante. La passe d'armes diplomatique à l'ONU aura mis à nu un mythe : celui d'une Algérie gendarme régional incontesté. 

Les récents développements révèlent au contraire un voisin encombrant, tenté par la duplicité, affaibli par ses contradictions internes et exposé sur de multiples fronts.

Journaliste - Historien - Écrivain

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