Général Barrera, libérateur du Mali – “Mourir, un risque du métier”

13
En plein désert, par une température suffocante, au centre, le général Bernard Barrera.
En plein désert, par une température suffocante, au centre, le général Bernard Barrera.

Le général Bernard Barrera commandait les 4 000 hommes de la composante terrestre de la brigade Serval. « C’est lui qui a gagné sur le terrain, dans le nord du Mali, une des batailles les plus dures que l’armée française ait eu à livrer depuis la fin de la guerre d’Algérie », estime l’ancien chef d’état-major, le général Bentégeat. Parti de Bamako jusqu’à la frontière algérienne à travers le Sahara, le parcours de Serval rappelle l’épopée de la colonne Leclerc qui, jadis, quitta Fort-Lamy (N’djamena) au Tchad pour atteindre le nid d’aigle de Hitler en Allemagne après avoir libéré Paris en liesse. Intégré dans la brigade de blindés qui s’étirait sur des kilomètres, j’ai vu la joie des Maliens dans chaque village que nous traversions, heureux de retrouver la liberté après l’occupation par les djihadistes d’Al-Qaïda, que Barrera traquera jusqu’à leur repaire. Les combats furent d’une violence inouïe, finissant parfois quasiment au corps-à-corps et 900 terroristes ont été tués en deux mois. Près de ses hommes, un moral à renverser des montagnes, le général leur fit la guerre jusqu’au bout. Sans gloriole mais avec le panache et la pugnacité des officiers d’antan, qui sont à l’origine de sa vocation. Fait rarissime pour un général toujours en activité, il raconte « de l’intérieur », dans son livre, la guerre des sables qu’il vient de mener et qui continue aujourd’hui sous une autre forme.

 

Paris Match. L’opération Serval que vous avez conduite ­a-t-elle mis un coup d’arrêt à la menace des djihadistes ?
Général Barrera. Oui. Ils occupaient, il faut se rappeler, la moitié du Mali où ils imposaient la charia. On voyait sur des vidéos des gens qui étaient fouettés, des femmes lapidées. Ils contraignaient la population à vivre sous le diktat de lois moyenâgeuses, comme on peut le voir dans le film “Timbuktu”. Il fallait intervenir. Surtout que les djihadistes se croyaient tellement forts qu’ils pensaient conquérir tout le pays. Le président de la République a pris la décision de déclencher l’attaque qui a démarré le 11 janvier 2013. Et, sept mois plus tard, un président était démocratiquement élu au Mali. Cela a été possible grâce à notre action militaire.

Après la prise aux djihadistes de la boucle du fleuve Niger et des villes de Tombouctou et de Gao, vous vous êtes attaqué à ce que vous appelez leur “château fort”, le massif des ­Ifoghas, au nord du Mali.
On a progressé au nord jusqu’à la frontière algérienne et du côté est jusqu’à celle du Niger, qui étaient alors leurs sanctuaires. Pendant quinze jours, on ne savait pas où ils se trouvaient malgré les vols de reconnaissance. C’était “le brouillard de la guerre”, comme l’écrit le général et théoricien Clausewitz. Mais, le ­19 février, des légionnaires sont tombés dans une embuscade au début de la vallée d’Amettetaï. Ils ont résisté en attendant des renforts. C’est là que le sergent-chef Vormezeele du 2e Rep a été tué. J’ai compris que leur château fort était là, dans ce massif montagneux. Deux jours après, les combattants islamistes d’un autre groupe ­attaquaient Gao. Le 21 février, une trentaine de kamikazes y étaient abattus par des soldats français et maliens. Dans le massif des Ifoghas, nos alliés de l’armée tchadienne, malgré 26 morts et 70 blessés dans leurs rangs, pénétraient de l’autre côté de la vallée pour couper la route aux djihadistes. Il fallait faire tomber leur donjon. Pendant deux semaines, les combats sont quotidiens. Mon souci est à ce moment-là que l’infanterie soit appuyée par des chars, de l’artillerie, des hélicoptères et des avions. Sans oublier des sapeurs pour déminer et des médecins pour évacuer les blessés. Nous avons éliminé plusieurs centaines de djihadistes. Nous, on a eu une dizaine de blessés.

Est-ce que vous avez été surpris par l’agressivité au combat des islamistes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et des groupes armés qui sont leurs alliés ?
Oui. Ils sont très mobiles et effectuent des manœuvres ­rapides pour monter des embuscades et se cacher. Le caporal ­Charenton du 1er RCP a été tué pendant l’assaut d’une grotte. Pourtant, on avait tiré à l’intérieur un missile Hot depuis un hélicoptère et nos avions avaient largué des bombes GBU à guidage laser. Sans compter les tirs directs de chars. Mais il restait des ­défenseurs islamistes encore vivants. Les fantassins, c’est toujours l’arme des derniers mètres. C’est à ce moment-là que le caporal Charenton a été tué.

Quel est votre sentiment quand un homme que vous avez envoyé au combat est tué par l’ennemi ?
Je ressens une profonde tristesse, évidemment. Je sais que le deuil sera porté très longtemps par la famille. Le doute aussi est présent et je me pose toujours la même question : “Est-ce que j’ai bien tout préparé pour que mes hommes bénéficient de l’aide de toutes les armes que j’ai déployées sur le champ de bataille ?” Autour de moi, il y a toujours eu des militaires, depuis mon grand-père maternel, poilu en 14-18, et celui côté paternel, engagé dans la libération de la France pendant la Seconde Guerre mondiale, et enfin mon père, jeune lieutenant devenu une “gueule cassée” parce que grièvement blessé pendant un assaut en Algérie. Je sais ce que vivent les parents, la femme, les enfants de soldats disparus. Au Mali, chacun de nos morts me renvoyait au caporal-chef de 21 ans de ma famille qui a été tué en Indochine. J’ai pensé à lui tout le temps où j’ai commandé. Le brigadier-chef Yoann ­Marcillan, tué en 2012 en Afghanistan, était aussi présent dans mon souvenir. Commandant à l’époque la brigade Monsabert à Clermont-Ferrand, j’avais été chargé d’annoncer son décès à sa ­famille. C’était le jour du 6e anniversaire de mes fils jumeaux. J’ai quitté la maison pour me rendre au domicile du défunt. J’avais averti le maire du village. Lorsque nous sommes arrivés, la maison était vide. Les parents étaient partis faire des courses. On a attendu cinq heures devant la porte. C’est le père qui est arrivé en premier. Lorsqu’il m’a vu en uniforme, il a compris. Je lui ai dit : “Je suis venu vous annoncer la mort au combat de votre fils. Il est mort pour la France.” Je suis resté avec eux jusqu’à la nuit. Je leur ai dit que ce décès n’était pas vain.

Au Mali, quatre de mes soldats sont morts au combat. A chaque fois, à des milliers de kilomètres de l’Auvergne, je pensais à cette cour de ferme, à ce couple qui avait perdu son fils de 24 ans. A chaque famille, j’ai écrit une lettre où je décrivais les circonstances de la mort de leur fils ou de leur mari, et tout le bien que je pensais de lui. De retour en France, je suis allé les voir, ainsi que les blessés. A chaque fois, j’ai été impressionné non par la révolte, mais par la dignité de ces familles qui ont compris que le métier de soldat nécessite ­l’acceptation de la mort. La mort au combat n’est pas un accident de voiture. C’est un risque qui fait partie du métier. Celui du général, c’est de vaincre l’ennemi et de pas faire tuer ses soldats. Avant chaque opération, je leur disais : “C’est eux ou nous. Tuer l’ennemi avant d’être tué.” Malgré cela, la bataille continue et il faut faire en sorte que ces décès ne fragilisent pas le dispositif afin qu’il n’y en ait pas d’autres.

 

(…) Lire la suite sur Paris Match

Commentaires via Facebook :

13 COMMENTAIRES

  1. Touts le mali vous dit merci mon général pour touts ce que vous et vos hommes ont fait pour notre pays sans vous le mali allait disparettre sur la carte du monde

  2. il est très rare de nos jours de voir un général sur le front à la tete de ses troupes ,plutôt que d’etre planqué à des kms de là et donner des ordre par téléphone !!!Le général Barrera fait partie des derniers héros qui se battent au risque de se faire tuer simplement pour encourager ses troupes . J’ai lu la suite sur Paris match ou l’on voit un photo du général assit sous sa tente entrain de laver lui meme ses chaussettes !!!! rarrissime !
    Pour ce qui est de la mort d’un soldat ,en janvier 1971 j’ai entendu à la radio que le sergent chef Cortadellas venait d’etre tué d’une balle dans la tete au Tchad au moment ou il descendait de sa jeep!!!! A l’armée c’était mon meilleur copain et contrairement aux armées africaine ou l’on ne gagne ses galons que par piston , lui voulait les mériter ,son père était le général en chef des troupes françaises au Tchad !! Ca marque pendant longtemps de perdre un copain dans de telles conditions 🙁 🙁 🙁 🙁 🙁 🙁

    • BROULAYI dirait que c’est toi qui devrais mourir avant de venir piquer une belle Malienne …… 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀

  3. J’ai lu la suite sur Paris Match . Il faut noter une chose c’est que maintenant dans presque toutes les armées du monde ,le généraux ne montent plus au combat ,mais donnent leurs ordres à distance depuis un lieu sécurisé 😉 😉 😉 Le général BARRERA lui n’a pas hésité a prendre les armes pour montrer à ses hommes qu’il était comme eux et que lui aussi risquait sa vie ?Ca aide a remonter le moral de ceux qui ont la trouille !!!
    Une photo amusante a regarder ,le général assis parterre dans sa tente entrain de laver lui meme ses chaussettes 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 dans l’armée malienne le caporal qui a la chance de porter des chaussettes ,les fait laver par un bidasse lamda 💡 💡 💡 💡 💡 💡 💡
    Manager ses troupes c’est un métier et c’est ce qui manque à l’armée malienne 👿 👿 *J’ai le souvenir de mon meilleur copain à l’armée . Son père était général et commandait l’armée française au Tchad ,lui voulait gagner ses galons tout seul sans piston . Il était sergent-chef . Un matin de janvier 1971 j’entends une info à la radio pendant que je me rasais : le sergent chef Bertand Cortadellas venait d’etre tué d’une balle dans la tete en sautant de sa jeep ! J’ai mis longtemps a m’en remettre pensant à toutes les conneries qu’on avait faites ensemble , mais imaginez la reaction de son père dans les minutes suivantes 🙁 🙁 🙁 🙁 🙁 🙁 🙁 🙁

    • Un General qui lave lui-meme ses chaussette ? Vous avez des Generaux miserables, nous, nous n’en avons pas. 😆 😆 😆 😆

  4. Moussa Sinko COULIBALY aussi est Général !
    Amadou Haya SANOGO est Général !
    Dahirou ! Sada ! ….. ! ….. ! 😀 😀 😀 😀

    Dire que ces Bouffons sont nos BARRERA à nous. 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀

  5. Si nos “GENERAUX” pouvaient seulement nous dire combien sont morts au combat sans attendre les chiffres de RFI ou je ne sais plus qui encore, ce serait deja un bon debut. Jusqu’au jour d’aujourd’hui nous nos generaux ne peuvent pas dire avec exactitude combien d’hommes ils ONT face a l’ennemi. C’est triste mais c’est la verite. Certains croient que les deserteurs sont seulement du cote des rebelles, mais rien n’est plus loin de la verite. En effet il arrive tres souvent que nos soldats “noirs” disparaissent en pleine bataille pour apres reapparaitre des jours ou semaines apres, raison pour laquelle le commandement ne peut pas donner de bilan definitif au risque de paraitre pour un CON quand ces soldats reviennent apres dans les rangs.
    On a du chemin a faire 🙁 🙁 .

  6. Déclaration du général français de la force SERVAL:
    Mourir?: Les risques du métier…

    Déclaration conjointe des généraux maliens Gamou, Dackouo, et Ould Meydou:
    Mourir?: Les risques du métier…

    Déclaration d’un officier du légendaire bataillon (grêviste) WARABA:
    Mourir?: Les risques du métier………….. en France et au Tchad!

    Et aussitôt, il enchaîne d’un trait:
    Et en plus on manque de savon, la viande n’est pas bonne, on veut des primes, on veut des grades, on veut des matelas moelleux, on veut la télé écran plt, on veut des blindés climatisés, et on refuse les combats pendant les heures de pause! 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆

  7. Trop touchant , que leurs âmes reposent en paix ….
    Du courage vous l’avez ,
    Du détermination vous l’ avez ,
    De la dignité vous l’avez
    Et pour conclure vous êtes un brave parmi les braves !!!!!!
    Chapeaux à tous les hommes d’uniformes du monde ; bon courage à vous !

  8. C’est touchant ! 😥

    Paix à leur âme !

    Et je retiens cette phrase : “…Je lui ai dit : “Je suis venu vous annoncer la mort au combat de votre fils. Il est mort pour la France.”…”

    Oui, ces soldats tombés sont morts pour leur pays, la France, dans sa guerre de repositionnement géostratégique, sur le sol malien…

    Bref, un bon scénario de film, sauf qu’une épisode à été sautée (délibérément on dirait), il s’agit que de la soi-disante libération de Kidal par l’opération serval, qui a fait débarquer l’armée malienne aux portes de Gao pour renter seul à Kidal….Pourquoi ?

    Et c’est cette épisode qui est à la base de tout le problème actuel dans cette crise du Nord…

  9. Quel Militaire!
    J’apprécie la classe la diginité le courage de ce Général
    Repos Soldat et Vive Toutes Les Armées du Monde

Comments are closed.