Mamadou Diabaté dit Djelikedjan, lauréat Grammy awards traditionnel : Les artistes doivent quitter le monde des sourds

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Peu connu au Mali, le fils de Djeli N’Fa Diabaté, ancien membre de l’ensemble instrumental national, vient d’obtenir le Grammy Award dans la catégorie musique traditionnelle, avec son album Duga Mansa. Mamadou Diabaté, plus connu sous le sobriquet Djélikedjan, puisque c’est de lui qu’il s’agit, était à Bamako pour présenter son trophée au Président de la République, au ministre de la Culture et aux artistes de notre pays. Bamako Hebdo en a profité pour le rencontrer. Il parle de ses projets au Mali, de sa consécration, mais aussi du monde des artistes au Mali.

Bamako Hebdo : Que représente ce trophée  pour vous?

 Djélikedjan: C’est une très grande récompense du courage et du travail. Ce n’est pas une petite chose.

Celui qui parvient à obtenir le Grammy doit remercier le bon Dieu car ce n’est pas tout le monde qui a la chance d’avoir ce trophée.

Désormais, je n’ai plus le droit de baisser la main. Je dois bien travailler et rester correct. Pour moi, le Grammy, c’est aimer son travail, se respecter et aimer son instrument. Parce que c’est un signe de bonheur pour un artiste, jusqu’à la fin de ses jours. Il me faut tout faire, maintenant, pour ne pas décevoir les gens qui ont eu confiance en moi.

Racontez-nous comment vous avez  obtenu le Grammy ?

  Je l’ai eu grâce à la tradition de notre pays. Moi je suis koriste ; je suis la trace de certains, qui ont joué la kora bien avant ma naissance. Les morceaux qui m’ont permis d’avoir le Grammy sont ,entre autres, ‘‘Toutou Diarra”, ” Allaké”, ‘‘ Duga Mansa”, ” Taara” . Je n’ai pas oublié les genres de la kora, qui sont multiples et variés.

 Les anciennes chansons de notre pays ont été reprises, avec ma manière de jouer, mes idées et ma petite expérience.

En plus,  j’ai joué quatre nouveaux morceaux qui sont mes propres créations. Je me suis simplement basé sur la tradition malienne. Ce que les vieux ont fait, dans le passé, constitue les soubassements de cet album qui a eu le Grammy.

 Qui vous a aidé dans ce travail ?

  Je l’ai fait seul. L’album Duga Mansa a été produit pendant 7 heures de travail. Pour postuler au Grammy, il faut mentionner tout cela sur la fiche de compétition. J’ai fait les 12 morceaux, au nom du Mali, avec notre tradition et les chants de notre pays, tout ça pour faire honneur à notre pays le Mali. Les gens ont eu confiance en moi et le travail a été déposé. Toutes ces indications figurent sur la fiche de compétition.

 Quelle est la valeur du Grammy en termes financiers ?

  Le Grammy n’a pas de prix fixe, déterminé à l’avance. L’argent tombe à tout moment. C’est une assurance pour la vie d’un artiste. vous pouvez demander à tout ce qui l’ont eu avant moi, ils vous confirmeront que c’est une garantie, parce que ça ouvre des portes car l’album est mis dans les meilleurs points de vente de disque à travers le monde. La promotion est ainsi assurée. Donc on ne peut pas évaluer tout cela.

 Qu’est ce que vous comptez faire maintenant ?

 J’ai dit au ministre qu’avec mon Grammy, je vais construire un centre d’art. Il portera le nom Grammy. Je suis en train de faire les courses pour avoir une parcelle. Je veux avoir rapidement les documents fonciers pour faciliter le travail de construction et c’est une garantie avant de commencer les travaux.

Ce ne sera pas un lieu pour des concerts. Mais j’y ferai venir des amis artistes de par le monde, et aussi pour faire la promotion de la musique traditionnelle de notre pays. Ça sera aussi un centre d’apprentissage des instruments, un lieu de rencontre, d’échanges et de divertissement dans notre pays.

On ne peut pas avoir un tel prix et ne rien faire dans son pays. Ce grand centre sera construit à Bamako, ça permettra ainsi de renforcer les liens d’amitiés entre le Mali et les Etats Unis et si ça marche, à Bamako, je vais construire un autre à Kita, ma ville  natale.

 Le mot de la fin ?

  Je demande aux autorités de nous prendre en considération, que ça soit les artistes connus ou peu connus du peuple malien. Que ça soit ceux qui sont ici ou ailleurs, qu’on nous traite sur le même pied d’égalité. Nous sommes tous des maliens. Moi je ne suis pas connu au Mali, alors que je suis grand joueur de kora à travers le monde. En Australie, en Asie, aux Etats-Unis, je vends des CD comme du pain.

Je le fais partout dans le monde avec le nom du Mali, mon pays. Nous faisons connaître le pays à travers le monde, mais si on vient, on nous montre qu’on n’est pas connu, ça fait mal. Je demande aux artistes maliens de sortir du monde des sourds, le monde des sourds c’est le fait de refuser la valeur de l’autre. Ils sont pleins, ici au Mali, les artistes qui me connaissent, mais qui disent que je ne suis pas connu.

En tout cas, le Grammy est là. Si je suis connu ou pas, en voici la preuve. Une fois de plus, je leur demande de quitter le monde des sourds. Nous sommes maliens, donnons nous la main, pour construire notre pays. C’est ce qui fait avancer le Mali.

Kassim TRAORE

 

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