Valeurs et limites de la charte de Kouroukan Fougan

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1236, la constitution de Kouroukan Fougan devait être très révolutionnaire : 44 articles  organisant la société mandeka et  régissant les droits et les devoirs de ses citoyens.  Plus de sept cents ans après, voici  les valeurs et les limites de la célèbre charte.

Les valeurs                                          

 L’organisation sociale reposait sur cinq classes ayant chacune un rôle spécifique.                                 

Ce qu’on appellerait aujourd’hui les cohortes démographiques -classes d’âge étaient également prises en compte et invitées à jouer leurs rôles respectifs dans la gestion de la cité.                             

La vie, chaque vie est sacrée et elle ne peut être enlevée impunément.                                                   

C’est le travail qui crée la richesse.                               

La convivialité doit être de mise.                                   

La société doit être le  seul cadre  de référence.            

Le voisin est sacré, le droit d’aînesse respecté et l’hôte doit être bien traité                     

La femme mérite respect et doit être associée à la gouvernance.                        

La parole donnée est sacrée.                                       

La solidarité est obligatoire.

Le bien mal acquis n’est pas accepté.                          

L’environnement doit être préservé.                               

Les  limites                                                     

L’esclavage est toléré.                          

La succession est patrilinéaire.                                    

Les dirigeant n’est pas élu.                                          

Le « taureau confié ne peut diriger le parc » donc le mérite ne suffit pas.             

Adam Thiam    

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LA CHARTE DE KOUROUKAN FOUGA

Les représentants du mandé primitif et leurs alliés, réunis en 1236 à Kouroukan Fouga (actuel cercle de Kangaba en République du Mali) après l’historique bataille de Kirina ont adopté la charte suivante pour régir la vie du grand ensemble mandingue.

 

I – DE L’ORGANISATION SOCIALE:

Article 1er: La société du grand mandé est divisée en seize (16) porteurs de  carquois, cinq (5) classes de marabouts, quatre classes (4) de  nyamakalas. Chacun de ces groupes a une activité et un rôle  spécifiques.

Article 2: Les nyamakalas se doivent de dire la vérité aux Chefs, d’être leurs  conseillers et de défendre par le verbe les règles établies et l’ordre sur  l’ensemble du royaume.

Article 3: Les morikanda Lolu (les cinq classes de marabouts) sont nos maîtres   et nos éducateurs en islam. Tout le monde leur doit respect et  considération.

Article 4: La société est divisée en classes d’âge. A la tête de chacune d’elles est  élu un chef. Sont de la même classe d’âge les personnes (hommes ou  femmes) nées au cours d’une période de trois années consécutives.

Les Kangbès (classe intermédiaire entre les jeunes et les vieux) doivent être conviés pour participer à la prise des grandes décisions concernant la société.

Article 5: Chacun a le droit à la vie et à la préservation de son intégrité   physique. En conséquence, toute tentation d’enlever la vie à son  prochain est punie de la peine de mort.

Article 6: Pour gagner la bataille de la prospérité, il est institué le Könögbèn  Wölö (un mode de surveillance) pour lutter contre la paresse et  l’oisivété.

Article 7: Il est institué entre les mandenkas le sanankunya (cousinage à  plaisanterie) et le tanamanyöya  (forme de totémisme). En   conséquence, aucun différend né entre  ces groupes ne doit dégénérer, le respect de l’autre étant la règle.

Entre beaux-frères et belles-sœurs, entre grands parents et petits-enfants, la tolérance et le chahut doivent être le principe.

Article 8: La famille KEITA est désignée famille régnante sur l’empire.

Article 9: L’éducation des enfants incombe à l’ensemble de la société. La  puissance paternelle appartient en conséquence à tous.

Article 10: Adressons-nous mutuellement les condoléances.

Article 11: Quand votre femme ou votre enfant fuit, ne le poursuivez pas chez le  voisin.

Article 12 : La succession étant patrilinéaire, ne donnez jamais le pouvoir à un   fils tant qu’un seul de ses pères vit.

Ne donnez jamais le pouvoir à un mineur parce qu’il possède des liens.

Article 13: N’offensez jamais les nyaras.

Article 14: N’offensez jamais les femmes, nos mères.

Article 15: Ne portez jamais la main sur une femme mariée avant d’avoir fait intervenir sans succès son mari.

Article 16: Les femmes, en plus de leurs occupations quotidiennes doivent être associées à tous nos Gouvernements.

Article 17: Les mensonges qui ont vécu 40 ans doivent être considérés comme  des vérités.

Article 18: Respectons le droit d’aînesse.

Article 19: Tout homme a deux beaux-parents: Les parents de la fille que l’on  n’a pas eue et la parole qu’on a prononcé sans contrainte aucune. On  leur doit respect et considération.

Article 20: Ne maltraite, pas les esclaves, accordez leur un jour de repos par   semaine et faites en sorte qu’ils cessent le travail à des heures  raisonnables. On est maître de l’esclave et non du sac qu’il porte.

Article 21: Ne poursuivez pas de vos assiduités les épouses: du Chef, du voisin,  du marabout du féticheur, de l’ami et de l’associé.

Article 22: La vanité est le signe de la faiblesse et l’humilité le signe de la   grandeur.

Article 23: Ne vous trahissez jamais entre vous. Respectez la parole d’honneur.

Article 24: Ne faites jamais du tort aux étrangers.

Article 25: Le chargé de mission ne risque rien au Mandé.

Article 26: Le taureau confié ne doit pas diriger le parc.

Article 27: La jeune fille peut être donnée en mariage dès qu’elle est pubère sans   détermination d’âge. Le choix de ses parents doit être suivi quel que  soit le nombre des candidats.

Article 28: Le jeune homme peut se marier à partir de 20 ans.

Article 29: La dot est fixée à 3 bovins: un pour la fille, deux pour ses père et  mère.

Article 30: Venons en aide à ceux qui en ont besoin.

II – DES BIENS:

Article 31: Il y a cinq façons d’acquérir la  propriété: l’achat, la donation,   l’échange, le travail et la succession. Toute autre forme sans  témoignage probant est équivoque.

Article 32: Tout objet trouvé sans propriétaire connu ne devient propriété commune qu’au bout de quatre ans.

Article 33: La quatrième mise-bas d’une génisse confiée est la propriété du gardien.

Article 34: Un bovin doit être échangé contre quatre moutons ou quatre chèvres.

Article 35: Un œuf sur quatre est la propriété du gardien de la poule pondeuse.

Article 36: Assouvir sa faim n’est pas du vol si on n’emporte rien dans son sac   ou sa poche.

 

III – DE LA PRESERVATION DELA NATURE:

Article 37: Fakombè est désigné Chef des chasseurs. Il est chargé de préserver la   brousse et ses habitants pour le bonheur de tous.

Article 38: Avant de mettre le feu à la brousse, ne regardez pas à terre, levez la  tête en direction de la cime des arbres.

Article 39: Les animaux domestiques doivent être attachés au moment des  cultures et libérés après les récoltes. Le chien, le chat, le canard et la  volaille ne sont pas soumis à cette mesure.

III – DISPOSITIONS FINALES:

Article 40: Respectez la parenté, le mariage et le voisinage.

Article 41: Tuez votre ennemi, ne l’humiliez pas.

Article 42: Dans les grandes assemblées, contentez vous de vos légitimes  représentants et tolérez-vous les uns les autres.

Article 43: Balla  Fassèkè KOUYATE est désigné grand Chef des cérémonies et  médiateur principal du mandé. Il est autorisé à plaisanter avec toutes les tribus en priorité avec la famille royale.

Article 44: Tous ceux qui enfreindront à ces règles seront punis. Chacun est  chargé de veiller  à leur application.

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