Jean Marie Idrissa Sangaré, à propos des élections communales et régionales

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‘’ Dès que les conditions ne sont pas remplies, il est souhaitable que tous les acteurs politiques parlent d’une même voix, qu’on trouve une solution profitable pour le pays  ‘’ 

Jean Marie Sangare
Jean Marie Sangare

Les élections sont précisément prévues pour le 25octobre 2015 mais la classe politique dans sa majorité est hésitante sur la question. Car la paix n’est pas au rendez-vous. L’insécurité devient de plus en plus fréquente. Pour preuve nous ne pouvons pas  faire une semaine sans qu’il y ait d’attaque. Or, ces élections ont leur particularité, puisqu’elles sont des élections de proximité. Toutes les conditions ne sont pas réunies pour des élections crédibles, apaisées, équitables, justes et acceptées de tous. Si nous nous entêtons à faire les élections maintenant, nous aurions voulu la partition du pays. L’élection doit  se tenir sur toute  l’étendue du territoire national. Il n’est de secret pour personne la région de Kidal n’est pas toujours  soumise au  pouvoir central. La tenue de ces élections n’est pas opportune, même si nous sommes en porte- à- faux avec la loi. Donc à circonstance exceptionnelle, mesure exceptionnelle.  La CMA aussi n’est pas favorable à ce que les élections se tiennent à la date indiquée. La mise en œuvre de l’accord  est un long processus. Lisez l’interview  de Jean Marie Idrissa SANAGARE, Président du parti JAMAA, qui a bien voulu nous accorder.   

MALI SADIO : Pouvez-vous nous parler un peu du parti Jamaa ?

JEAN MARIE IDRISSA SANGARE :Le parti Jamaa est une jeune formation politique  qui a vu sa naissance en 2013.Il a comme crédo essentiel  de  faire  partie de la relève politique du paysage politique malien. Nous sommes  des jeunes et des moins jeunes. Nous croyons que  l’action politique doit être totalement renouvelée. En ce sens qu’il faudrait poser des actes qui tendront à encadrer  les futurs acteurs politiques  et d éviter de commettre les mêmes erreurs politiques qui ont été commises pendant la première phase d’apprentissage de la  démocratie dans notre pays. En cela, nous pensons essentiellement qu’on doit   se recentrer nos actions sur les aspects moraux de la pratique  politique. C’est vrai qu’il y a eu beaucoup de chose qui ont été faites depuis 1991, mais encore beaucoup de choses restent à faire. Notre pays est confronté à d’énormes problèmes, d’énormes défis de développement, des défis de développement  dans tous les sens. Il est important qu’en cela les acteurs politiques  soient à hauteur de souhait, pour  les décennies  à venir, afin de  faire du Mali un pays qui compte sur la chaîne nationale  et internationale. Pour que le Mali soit un pays qui fasse partie des pays émergents. Nous comptons jouer tout notre rôle là  et faire en sorte  d’impliquer beaucoup de jeune. Parce que nous savons que le temps d’apprentissage est très long. Pour devenir un acteur politique de niveau bien sûr, il y a une question de formation politique. Il faut que cela soit des  expertises avérées dans les différents domaines. On ne peut pas prétendre diriger un pays si l’on n’a pas des ressources humaines en niveau, donc au-delà de la formation académique.

Nous voulons être des acteurs qui ont souci du pays, qui ont souci du devenir du pays,  qui ne comptent pas qu’aujourd’hui. Nous pensons que nos actes s’inscriront dans la durée. Que ça soit avec nous ou sans nous. Il y a d’autres qui prendront la relève.   Nous comptons beaucoup nous inscrire  dans  l’action publique dans ce sens là.

MS : Depuis la création du parti Jamaa en 2013 peut-on savoir le nombre de participations aux élections ?

JMIS : Un mois après l’obtention de notre récépissé, nous avons participé aux élections législatives de 2013. Nous avons sorti 7listes malgré la jeunesse du parti, dont 5 à Bamako et 2 à l’intérieur (Nara et Koutiala). Nous tenons à rappeler  que nous sommes arrivé 3ème à Nara  et nous faisons partie de la majorité présidentielle  et nos voix ont permis à l’élection du député RPM à Nara.

A Koutiala, en alliance avec le MIRIA , nous sommes arrivé en 4ème position et à Bamako nous sommes en milieu de liste. C’est une force qui a besoin de continuer sa structuration et son implantation à travers le pays. En 2013, nous en étions à 5listes  aux élections législatives  et une quarantaine aux élections communales.  C’est le boulot qui  a été fait. Nous comptons continuer sur cette lancée, afin que le parti Jamaa soit implanté partout dans le Mali et puisse compter dans le paysage politique.

MS : Vous aviez initié un atelier d’information et  d’orientation électorale le 15août dernier à l’intention de vos militants et sympathisants. Est-ce que vous êtes satisfait de l’atelier ?

JMIS :L’atelier nous a permis de débroussailler le terrain, de savoir réellement ceux qui sont impliqués , qui se battent sur le terrain et ceux qui traînent la patte. Cet atelier nous a permis  de recadrer un certain nombre de choses au niveau du parti, de donner des orientations claires  aux militants et aux futurs candidats aux élections communales et régionales. C’est le résultat que nous voyons aujourd’hui.

Sincèrement, dans toutes les régions du Mali, de Kayes  jusqu’à Tombouctou,  nous avons au moins  quelques communes dans lesquelles nous présentons des listes. Cela montre un peu notre vision assez large du parti  et nous comptons, en tant que parti politique dans les années à venir, peser de tout  notre poids sur l’échiquier politique malien.

MS : Bientôt les élections communales et régionales. Quelle  est la vision du parti Jamaa par rapport à la tenue de ce scrutin ?

JMIS :Comme la loi le prévoyait, les élections communales auraient dû se tenir normalement à la fin de l’année  2013. Le Gouvernement a décidé de son report pour donner une chance à la paix. Elles ont été encore une fois reportées 6mois, pour des mêmes raisons. Parce qu’il n’y avait pas d’accord politique concernant la paix. Les groupes armés aussi bien la CMA que le GATIA n’étaient pas là. Les accords d’Alger étaient en cours. On a pris cela comme argument pour reporter les élections. La loi électorale, elle,  dit que le report est possible  deux fois. Aujourd’hui, il est évident que les aspects sécuritaires ne sont pas encore là. L’administration en charge des élections n’est pas partout comme le prévoit la loi. Nous assistons à des incidents multiples partout dans le pays. En première analyse, on est entrain de dire que les élections ne doivent pas se faire, mais nous avons une autre lecture qui est une lecture politique de la chose.

Je pense que c’est ce qui pousse  le Gouvernement à organiser ces élections. C’est la difficulté de la mainmise sur le calendrier de mise en route des accords. On a signé les accords, il y a quelques mois et il y avait un calendrier de mise en route d’un certain nombre d’organes. Mais aujourd’hui, on voit clairement que ce n’est pas le cas. Je pense que la mise en œuvre des accords peut prendre beaucoup de temps. Le Gouvernement peut rester derrière la loi, pour dire que c’est la loi qui prévoit de reporter deux fois. Qu’il n’y a pas de prévision  pour une 3ème fois. Mais, à mon sens  lorsqu’on lit l’accord, il dit qu’un an après sa signature, le Gouvernement devrait proposer une nouvelle loi électorale sûre à l’Assemblée nationale cette année là. En ce qui concerne les  aménagements institutionnels qui sont prévus dans l’accord,  probablement il faudra aller en référendum . Dans la pratique, je pense qu’il y a la crainte que le calendrier de l’accord ne soit pas respecté. C’est cela qui pousse le Gouvernement à aller  à ces élections. Or nous avons fait la lecture politique.

Deuxièmement, si nous devrions aller  à d’autres élections plus tard pour la mise en œuvre des accords, je pense que politiquement le RPM, en tant que parti,  compte gagner ces élections  communales pour avoir la mainmise sur l’administration. C’est la lecture que nous avons faite. D’un point de vue politique ça a du sens ;  mais il faut reconnaître que le RPM n’est pas le seul acteur  politique de la place. Il y a des alliés, l’opposition. Les gens ne sont pas prêts peut-être , mais la loi c’est la loi. Comme disait l’un de vos confrères, «  la loi est dure mais c’est la loi ». Mais, il faudrait trouver un modus opérandi pour que  les    acteurs  soient à l’aise pour aller à des élections apaisées. Le pays traverse déjà  beaucoup de problèmes. Il n’était pas nécessaire d’en rajouter. Aujourd’hui, 24 heures avant le dépôt des candidatures de listes, on était encore dans les hésitations. Les acteurs pensaient que le Conseil des ministres allait reporter. Aujourd’hui , même après  le dépassement de cette  date  limite on pense encore que l’élection sera reportée. Cela dénote un seul fait : Les acteurs politiques ne sont pas prêts pour aller à ces élections. J’avoue que les aspects sécuritaires sont très importants. Aucune zone du Mali n’est épargnée pour pouvoir aller aux élections dans  40 jours. Si on respecte la loi, il y a un truc simple : La commission locale de la CENI, qui doit être dans toutes les communes du Mali. Dès que les conditions ne sont pas remplies, il est  souhaitable que tous les acteurs politiques parlent d’une même voix , qu’on trouve une solution profitable pour le pays.

Le Gouvernement tient à organiser les élections ; la majeure partie des acteurs politiques ne veulent pas aller à ces élections. En tout cas pas dans les conditions actuelles.  Il faut que tout le monde se mette et  autour de la table, pour discuter sereinement et trouver une solution qui aille à la faveur du Mali. Les accords disent beaucoup de choses très importantes. Vous avez vu l’intervention de la CMA, qui dit qu’elle interdit toute forme de mobilisation dans les zones du nord. Il ne s’agit pas non plus d’envoyer les hommes au gaspi. Il y a eu déjà trop de morts. Ç a ne sert à rien que les hommes aillent au devant des problèmes.

Aujourd’hui, il est important pour la classe politique d’être intelligente  au-delà des intérêts partisans, en trouvant des solutions. Pour que les dernières élections avant 2018,  les élections communales et régionales sollicitent le suffrage le   plus large. Il est important que   la  représentativité politique soit en conformité avec  ce à quoi chacun aspire.

En ce qui nous concerne, un jeune parti politique,  nous avons travaillé d’arrache pied. Nous avons déposé des listes  pour des candidatures à des postes de conseillers communaux dans une quarante de localités, Bamako compris. Cela suppose que nous avons  envie  de participer au combat électoral, mais , comme je  l’ai dit, il  n’est pas intéressant que les aspects fondamentaux soient occultés. Il faut réunir la famille politique du Mali, pour qu’on aille aux élections ; pour que ceux qui seront choisis par le peuple soient réellement  leurs représentants élus pour 5ans. A moins qu’il y ait d’autres élections prévues avant 2018.

MS : Votre mot de la fin ?    

JMIS :Pour  la fin, je dirais de faire beaucoup de prières pour notre pays. Les choses semblaient aller  un peu mieux avec la signature de l’accord. Il y a beaucoup de travail à faire. Ma lecture de l’accord est que sa mise en œuvre n’est pas  un travail de quelques années. Puisque ce qui va permettre de donner la chance à la paix, c’est réellement faire des investissements au profit des populations, des investissements dans les secteurs clés, dans les secteurs producteurs du pays. Donc ça demande une certaine organisation.

L’Etat central doit s’organiser, s’entourer   de toutes les compétences avant de déléguer, parce que l’accord prévoit la délégation, mais très forte, pour les régions. La preuve, le Président de l’Assemblée régionale sera le patron de l’exécutif bien sûr, s’il doit être élu au suffrage direct.

Au-delà des moyens affectés ou des prérogatives qui lui seront affectées, il faudrait qu’il ait des hommes et  des femmes qui soient à des niveaux de compétences requises. C’est à cette condition que les programmes qui sont prévus pour être appliqués ou pour faire du Mali ceux que les Maliens attendent, le seront. Ces programmes auront une chance de voir vie.

Propos recueillis par Mamadou Sissoko 

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