Transition : Entre dissolution et aliénation des partis politiques

Attendues sur le terrain d’une manipulation grossière et au forceps d’une éventuelle élection présidentielle, les autorités de transition auront surpris par une volte-face plus spectaculaire : l’évacuation de tous les potentiels obstacles à un pouvoir absolu dans le temps ainsi que dans son étendue, à travers le désarmement statutaire des protagonistes du jeu politique - dont la convoitise du pouvoir est la principale vocation.

20 Mai 2025 - 00:16
20 Mai 2025 - 10:43
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Transition : Entre dissolution et aliénation des partis politiques

Il en résulte, somme toute, un retour à l’ordre constitutionnel plus qu’hypothétique voire relégué aux calendes, faute d’acteurs autorisés à l’imposer. Ces derniers sont notamment désarçonnés et réduits au silence par privation de leurs droits politiques, au détour de concertations nationales mitigées sur les recommandations desquelles s’adosse l’ultime coup de poignard qu’est le décret de dissolution des formations. Longtemps pressentie dans coulisses et les intentions, le Rubicon a été franchi, la semaine dernière, dans le sillage de l’abrogation de la loi portant charte des partis politiques par le très obéissant organe législatif. Ce qui relève du domaine de la loi, selon les dispositions constitutionnelles en vigueur, est ainsi ravalé aux compétences d’un simple décret présidentiel, à savoir : le sort des partis politiques.

En effet, leur dissolution, que seule une Charte est habilitée à encadrer selon la loi fondamentale, n’était jusqu’ici prévue que sous deux formes : la dissolution statutaire et la dissolution judiciaire. La première forme relève de plein droit de la discrétion des militants voire de leur souveraineté finalement foulée aux pieds par un décret qui abrège et anéantit indûment les mandats politiques que leurs différents responsables tiennent de leurs instances respectives.

La dissolution judiciaire est prononcée quant à elle par les juridictions compétentes et n’intervient que pour sanctionner des manquements d’une formation politique donnée à leurs obligations vis-à-vis de l’intégrité territoriale et de la souveraineté nationale.

Quoi qu’il en soit, la dissolution des partis, en tant que sanction extrême, est forcément encadrée par des mesures d’accompagnement apparemment ignorées et reléguées par le décret présidentiel au profit des seules interdictions et privations que celui-ci préconise. Pas un mot, en clair, sur la dévolution des biens et patrimoines des 300 partis politiques dissous, le legs de leurs passifs et actifs, etc., entre autres aspects pourtant prévus par la loi abrogée à l’aveuglette, selon toute évidence. En vertu des dispositions de cette loi désormais  défunte, le sort du patrimoine d’un parti statutairement dissous est laissé à la discrétion de ses instances suprêmes en cas d’absence de dispositions y afférentes dans ses statuts, tandis que la dissolution par voie judiciaire préconise, entre autres, le placement des biens mobiliers et immobiliers sous séquestre et «leur liquidation par l’administration des Domaines dans les formes et conditions déterminées par les lois et règlements en vigueur». Or, aucune des formules et schémas ci-dessus décrits ne correspond au décret présidentiel, qui pèche par l’énormité de ses lacunes sur la question. À qui revient-il, en clair, d’hériter des passifs de centaines d’organisations politiques dont la liquidation n’est pas légalement assumée par les hautes autorités ? 

La question se pose avec beaucoup d’acuité au regard de l’accumulation d’arriérés locatifs et de salaires par certaines formations depuis la suspension de l’aide publique, tandis que d’autres étaient criblées de dettes beaucoup plus importantes avant la mesure de dissolution. Le parti ADP - Maliba, par exemple, a été reconnu redevable à son président d’honneur de plusieurs milliards selon le verdict d’un précédent contentieux tranché aux dépens d’une tendance adverse en son sein. L’Adema - PASJ, en revanche, pourrait s’être frotté les mains d’avoir récemment soldé ses dettes après la vente d’un précieux patrimoine foncier lui ayant permis d’acquérir en même temps un siège propre.

A. KEITA

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