Gouvernement Cheick Modibo Diarra : Cacophonie, diversion, irresponsabilité

2 Juillet 2012 - 11:09
2 Juillet 2012 - 13:30
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Issue d'une crise institutionnelle, donc de circonstances très peu souhaitables, l'équipe du Docteur Cheick Modibo Diarra accumule multiplie plus les erreurs qu'elle ne s'occupe de l'essentiel. Ce faisant, elle s'attire forcément davantage du mauvais sang et en rajoute en même temps à son déficit de légitimité populaire.

De mémoire de Malien, un gouvernement aura été rarement aussi contesté. En déphasage avec le courant démocratique du pays, aux plans de la légitimité historique comme de l'assise populaire,  le Gouvernement du Docteur Cheick Modibo Diarra continue de décevoir par son manque de répondant et de relief. Depuis plus de deux  mois qu'il est installé, il n'a posé aucun acte, dans le sens des grandes attentes, qui puisse justifier que le peuple continue de lui accorder un état de grâce, en dépit de son désaveu dans l'opinion.

Qu'il s'agisse de la libération des territoires occupés comme du retour progressif à la normale, les signaux et les indicateurs sont manifestement peu reluisants voire décevants. On peut même parler de grande désillusion et d'espoirs déçus, pour celui qui aspirait, avant le coup de force du 22 Mars, briguer le suffrage de ses concitoyens maliens dans le cadre du grand rendez-vous électoral raté.

Certes, la classe politique malienne avait émis des réserves, dès le départ, sur sa configuration inadaptée à l'Accord-cadre, mais les sonnettes d'alarme les plus criardes sur les carences du Gouvernement ne proviennent pas des Maliens. Elles émanent au fait de l'extérieur, notamment des organisations régionales et sous-régionales - dont certaines n'ont pas hésité à crever l'abcès en mettant publiquement en doute les compétences  de l'équipe retenue pour la transition au Mali. ''Le Mali a besoin d'un gouvernement crédible'' a ainsi lancé le président de la Commission de l'UA, Jean Ping, eu égard au haut-le-cœur des organisations régionales dans le traitement du dossier malien, à cause sans doute des accointances du gouvernement avec les putschistes hostiles à l'envoi des troupes étrangères pour intervenir et protéger les institutions de la République.

 Une impression similaire avait été également exprimée par les institutions sous-régionales, en l'occurrence la Cédéao, qui a fini par admettre que la configuration du gouvernement de transition n'est pas conforme au contenu de l'accord-cadre, qu'il faille s'y conformer en revenant à une équipe d'union nationale.

Il n'en fallait pas plus pour que le premier responsable du gouvernement passe aux grandes manœuvres. C'est ainsi que, dès son retour d'un bref périple à l'extérieur, le Dr. Cheick Modibo Diarra s'est engagé dans une logique de concertation plus active avec la classe politique. Objectif déclaré : créer un cadre de dialogue avec celle-ci en vue de combler un manque de répondant politique qui se traduit forcément par un déficit de légitimité. Peu de choses ont filtré des préliminaires d'un premier tour de table avec les différents fronts politiques, mais il nous est revenu qu'il a donné lieu à un grand déballage du Premier Ministre sur les raisons de l'absence de composantes politiques au sein de son gouvernement. ''On m'a dit de ne pas intégrer les représentants de partis'', a-t-il confié, par exemple,  à ses interlocuteurs du FDR sans préciser de qui émane l'instruction d'exclure la classe politique de son équipe. Qu'à cela ne tienne, la rencontre a tourné court, parce que la composante la plus significative et substantielle de la classe politique demeure acquise à une démission d'un gouvernement.

Visiblement contraint à l'acceptation, tout au moins à un élargissement au prix d'un éclatement des départements, le Premier Ministre n'a pour autant pas totalement désarmé, face à cette camisole de force qui contrarie ses plans de restauration, et confirme du même coup les présomptions d'incompétence qu'il traine, le chef du gouvernement a opté, selon toute vraisemblance, pour la diversion et la déviation vis-à-vis des priorités gouvernementales, telles que fixées par l'accord-cadre du 06 Avril dernier.

 Faute d'aptitude à s'affirmer et à se hisser au niveau des attentes populaires, le Premier Ministre s'est choisi lui-même des priorités qui n'en sont manifestement pas. Incapable en effet de se consacrer convenablement à la libération des territoires, ainsi qu'à l'organisation des élections, il a l'intention de se mettre en relief sur un autre registre : la gouvernance et la moralisation de la vie publique. Ces domaines, où son conseiller spécial et non moins frère consanguin s'est naguère illustré, ont fait une subite incursion dans les missions du gouvernementales, à compter du dernier conseil du ministre, après que le PM de plein-pouvoir ait informé les membres de son gouvernement de sa volonté de procéder à un audit des institutions de la République ainsi que de toutes directions nationales.

Pour un chef du Gouvernement, clairement affiché pour la restauration, la synarchie et la revanche contre l'histoire, une telle démarche pourrait tout aussi cacher la tentative de s'imposer par le biais des règlements de compte et du chantage aux cadres. Toutes choses qui contribueront difficilement à l'apaisement dont le pays a besoin, pour surmonter la crispation actuelle. Il nous est revenu que lors du conseil des ministres où il en a été question, des voix dissidentes se sont élevées pour lui signifier que sa démarche s'écarte considérablement des missions assignées à une équipe de transition.

Ce n'est pas l'unique épisode qui illustre le règne d'une cacophonie indescriptible au sein du gouvernement de transition. À l'occasion du Forum sur la Paix organisé par la Maison de la Presse, les épreuves de solidarité que traverse l'équipe ont été mises en exergue par un spectacle sans doute inédit en République du Mali, où les ministres manquent désormais jusqu'au sens de la responsabilité. Incapable d'accorder leurs violons dans les coulisses, les membres du gouvernement n'ont pu s'empêcher d'étaler au grand jour certains différends crypto-personnels. En tout cas, le public invité à l'ouverture a été sidéré de voir le Ministre des Sports dans tous ses états, à cause d'un discours dont il ne partage pas le contenu. Assurant l'intérim de son collègue de la Communication, Hamadoune Touré, Hamèye Founé Mahalmadane, c'est de lui qu'il s'agit, en était même arrivé à une prise de gueule avec le secrétaire général de ce dernier, en l'occurrence Cheick Oumar Maïga dit Gilbert. En cause, un speech dont il a refusé d'endosser la responsabilité à la place du Gouvernement,  parce qu'il le juge trop corsé et susceptible de le mettre en porte-à-faux avec le monde médiatique. Le discours en question fait allusion aux liens entre la crise actuelle au Mali et la responsabilité des médias avec lesquels l'actuel ministre des Sports a eu maille à partir, du temps où il assurait la présidence du Syndicat Autonome de la Magistrature. L'intérimaire du Ministre de la communication, qui ne semblait guère disposé à se refaire du mauvais sang dans la presse au nom d'une solidarité gouvernementale, a donc publiquement décliné l'offre de transmettre le message de son collègue à l'ouverture des travaux du Forum sur la Paix. Cette tâche est revenue au Secrétaire général du département de la communication, comme si les équipes gouvernementales dans ce pays étaient désormais plus assujetties au principe de défense des intérêts individuels qu'à la solidarité et l'interchangeabilité.

A.Keïta

 

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