Fode X. (pseudonyme) est un habitant de Gao. Il a assisté le 22 décembre à une autre amputation appliquée par le Mujao.
Au moment de l’amputation du voleur, il y avait une vingtaine de combattants islamistes qui assistaient à la scène, des journalistes locaux "conviés" pour l’occasion, mais aussi des badauds.
Sous le régime islamiste, la justice s’applique de la manière suivante : la population signale un délit à la police islamique qui se trouve à la mairie et au commissariat. Est alors établi un procès verbal. Le lundi et le jeudi sont les jours des jugements. L’application des peines se fait les autres jours. Lors du jugement, le sort des accusés est entre les mains des victimes. Le "juge" leur demande toujours si elles sont prêtes à pardonner. Si elles refusent, ils appliquent leur sentence. Si elles acceptent, il révise la peine à la baisse, par exemple, une amputation peut se transformer en quelques jours de prison ou un séjour à l’étranger.
Le Mujao fait tout pour promouvoir sa vision de la justice. Un ami journaliste m’a expliqué qu’il était régulièrement appelé par le Mujao pour aller voir les prisonniers. Ils lui demandent de rapporter ce qu’il voit pour que la population soit prévenue. Il avait aussi été "convié" le jour de l’amputation, autant dire qu’il n’avait pas le choix de ne pas venir. Mais ce jour-là, seuls les éléments du Mujao ont pu filmer.
"Les gens ici refusent d’assister à ces scènes, ça les heurte profondément"
Les journalistes sont très peu nombreux ici. Par exemple, sur les quatre radios, seuls deux ont encore le droit de diffuser des journaux. Les deux autres étant consacrées aux prêches et à la lecture du Coran. Le Mujao contrôle dans les moindres détails ce qui est dit et sait faire pression pour que sa version des faits soit toujours celle qui est diffusée. Tout le monde est obligé de se soumettre.
Au début, le Mujao annonçait publiquement les applications de la charia. Ils voulaient que tout le monde vienne voir. Mais les gens ici ne sont pas comme ça, ces punitions les heurtent profondément. Et des jeunes profitaient de ces moments pour venir manifester leur colère. Donc depuis peu, le Mujao se fait plus discret car s’ils veulent qu’on se plie à leurs règles, ils ne veulent pas pour autant de problèmes avec la population.