Le cauchemar d’Israël et sa cible de guerre ultime: que sait-on du site d’enrichissement de Fordo?
En plein centre de l’Iran, à environ 33 kilomètres au nord-est de la ville sainte de Qom et à environ 150 kilomètres au sud de la capitale Téhéran, se trouve le site de Fordo
Il est situé dans une zone montagneuse au sein d’une base du Corps des gardiens de la révolution islamique, entourée d’une surveillance stricte et de nombreuses défenses antiaériennes. À quelque 100 mètres sous la surface de la terre, cachée sous d’épaisses couches de granit et de béton armé, se trouve le cauchemar d’Israël et sa cible de guerre ultime: le site d’enrichissement d’uranium de Fordo.
Ce site est la cible prioritaire d’Israël. Pourquoi? C’est assez simple à comprendre. À Fordo, on trouve deux à trois mille centrifugeuses perfectionnées qui enrichissent l’uranium à des niveaux de pureté élevés – 60%, la dernière étape avant les 90% nécessaires à la fabrication d’une bombe nucléaire. Il existe également un stock d’uranium déjà hautement enrichi, estimé à 408 kilogrammes par l’Institut pour la science et la sécurité internationale (ISIS). Selon les experts, cette quantité est suffisante pour produire une bombe nucléaire en trois jours et une dizaine en trois semaines.
Le site de Fordo a été construit dans le plus grand des secrets en 2007. Le monde n’a appris son existence qu’en septembre 2009, lorsque des responsables américains, britanniques et français ont publié des renseignements montrant que l’Iran avait construit cette usine pour enrichir de l’uranium à taux élevé. L’Iran a aussitôt été accusé de violer les résolutions de l’ONU et de mettre en place des actions “incompatibles avec un programme nucléaire pacifique”.
Un accord annulé par Trump
À l’époque, même la Russie et la Chine, pourtant alliées de Téhéran, ont condamné la construction de ce site d’enrichissement. Dans la foulée, les Nations unies ont pris des sanctions supplémentaires contre l’Iran. Fordo a ensuite été la pierre angulaire du “plan d’action global commun”, l’accord multilatéral signé en 2015 par l’Iran et les puissances mondiales telles que les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Russie, la Chine et l’Allemagne.
En échange d’un allègement des sanctions, l’Iran a accepté de transformer le site de Fordo en centre de recherche, de limiter le nombre de centrifugeuses, de cesser d’enrichir de l’uranium pendant 15 ans et d’améliorer la surveillance par des inspecteurs internationaux. Mais Trump a retiré les États-Unis de cet accord en 2018. Et l’Iran a immédiatement recommencé à enrichir de l’uranium.
En 2021, après une explosion (imputée à Israël) survenue dans une autre usine d’enrichissement à Natanz, Téhéran a fait fonctionner les centrifugeuses de Fordo, mieux protégées, afin de convertir le stock d’uranium faiblement enrichi de l’Iran en un uranium pur à 60%. Mais vendredi dernier, le programme nucléaire de l’Iran a complètement basculé avec l’opération “Rising Lion” menée par Israël.
Attaques israéliennes
Benjamin Netanyahu a affirmé qu’il allait changer “la face du Moyen-Orient” avec ces attaques aériennes qui ont visé des centaines de sites militaires et nucléaires, tué plusieurs des haut gradés et bombardé le siège de la télévision d’État iranienne. Les frappes aériennes israéliennes ont causé d’importants dégâts à Natanz, où, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique, les 14.000 centrifugeuses souterraines pourraient avoir été détruites.
À Ispahan, d’autres installations essentielles à la fabrication d’une arme nucléaire ont été touchées. L’une d’entre elles convertissait l’uranium en gaz, nécessaire pour alimenter les centrifugeuses. Une autre était l’usine où l’uranium enrichi est converti en uranium métal. Mais à Fordo, là où se trouve “le cœur du programme nucléaire iranien”, les dégâts sont minimes, d’après les images satellite.
“Bunker buster”
Les halls souterrains des centrifugeuses semblent intacts. Pour détruire ces halls souterrains, il faut utiliser des bombes de type “bunker buster”. Ces bombes ont été développées après la première guerre du Golfe en 1990. À l’époque, la coalition internationale s’était heurtée à des fortifications irakiennes trop profondément enfouies pour être détruites avec des munitions conventionnelles. Ces bombes de 13.620 kilos pour six mètres de long ont été conçues pour atteindre des cibles situées jusqu’à 60 mètres de profondeur, protégées par les bunkers les plus solides. Le problème, c’est qu’Israël ne possède pas cette arme ultime.
Seule la bombe américaine GBU-57A/B pourrait porter un coup sérieux à Fordo. Et encore, ce n’est pas une certitude. La GBU-57A/B ou MOP (Massive Ordnance Penetrator) peut pénétrer jusqu’à 55 à 60 mètres de béton, mais la question est de savoir si cela est suffisant. Une telle bombe mesure plus de six mètres de long, pèse 14.000 kilos et le seul avion capable de la transporter est le bombardier américain B-2. Les Israéliens n’en ont pas non plus.
Mais Washington maintient (pour l’instant?) qu’il ne souhaite pas s’impliquer directement dans le conflit entre Israël et l’Iran. Peter Wildeford, analyste à l’Institute for AI Policy and Strategy, appelle cela “le paradoxe de Fordo”: les États-Unis ont la capacité militaire de détruire les installations souterraines, mais n’en ont pas la volonté politique. Israël a la volonté, mais pas les ressources.
Menace permanente
En l’absence de soutien américain, Benjamin Netanyahu devra chercher d’autres solutions. On pense par exemple à une opération cybernétique, comme l’attaque Stuxnet en 2010 qui a saboté les centrifugeuses iraniennes. Ou une opération des forces spéciales, comme l’attaque de Natanz en 2021, attribuée au Mossad. Israël pourrait aussi miser sur des bombardements répétés pour bloquer les entrées du complexe.
Mais même si les Israéliens parviennent à éliminer Fordo, l’ambition nucléaire de l’Iran reste une menace permanente. L’Iran peut avoir caché des centrifugeuses dans des endroits secrets, dans des usines plus petites et plus difficiles à détecter. Le pays dispose déjà d’un stock important d’uranium hautement enrichi, et des sources israéliennes craignent que l’Iran n’ait dispersé ces stocks pour les protéger.
Le site de Pickaxe Mountain
Alors que Fordo attire toute l’attention depuis plusieurs années, l’Iran a déjà commencé discrètement, il y a deux ans, la construction d’une nouvelle usine d’enrichissement, encore plus sûre, à Kūh-e Kolang Gaz Lā, également connu sous le nom de Pickaxe Mountain, juste au sud de Natanz. Encore plus profond que Fordo et avec quatre entrées de tunnel au lieu de deux. Le site est encore plus difficile d’accès.
L’Iran a jusqu’à présent refusé l’accès à l’Agence internationale de l’énergie atomique. Ce qui laisse penser que les mollahs préparent quelque chose. Si Pickaxe Mountain peut devenir une alternative à Fordo, le programme nucléaire de Téhéran devient raisonnablement intouchable. Enfin, rappelons que l’Iran n’est pas le seul pays à disposer d’usines nucléaires souterraines, c’est aussi le cas des États-Unis, de la Russie ou encore de la Corée du Nord.
Source: https://www.7sur7.be/
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