Corridors économiques : Les nouvelles cibles des groupes terroristes

Une nouvelle stratégie de déstabilisation se dessine dans les zones frontalières du pays.

17 Sep 2025 - 02:31
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Corridors économiques :  Les nouvelles cibles des groupes terroristes

Après avoir ciblé des infrastructures industrielles telles que les usines de sucreries, les groupes armés terroristes concentrent désormais leurs attaques sur les corridors économiques, véritables artères vitales du commerce inter-régional et de la cohésion nationale.

Depuis plusieurs semaines, les compagnies de transport opérant sur les axes Kayes-Diéma-Kolokani, Koutiala-Koury et Sikasso-Bougouni sont confrontées à une vague d’attaques coordonnées. Des camions-citernes transportant des hydrocarbures ont été incendiés, des bus de la Compagnie Diarra Transport interceptés, et des passagers enlevés ou triés selon leur origine régionale.

Ces actes sont revendiqués par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda, qui impose des blocus dans les régions de Kayes et Nioro du Sahel. Leur objectif : perturber l’approvisionnement en produits essentiels, notamment le carburant, et affaiblir l’État malien dans ses fonctions logistiques et sécuritaires.

Selon plusieurs analystes sécuritaires, ces attaques ne relèvent pas uniquement d’une logique militaire. Elles traduisent une volonté de frapper au cœur de l’économie nationale en perturbant les flux logistiques entre le port de Dakar et Bamako, ou entre Koury et Ouagadougou.

"En ciblant les transporteurs, les groupes armés cherchent à isoler les localités rurales, instaurer une peur diffuse parmi les voyageurs et tester la capacité de réaction de l’État", explique un expert en sécurité.

Une communication officielle en tension

Lors d’un point de presse tenu le lundi 8 septembre, le directeur de la Dirpa, colonel Souleymane Dembélé, a tenté de minimiser les événements du week-end du 6 au 8 septembre, les qualifiant de "guerre communicationnelle". Pourtant, dans la même déclaration, il reconnaît que des frappes aériennes ont bien été menées dans les zones concernées.

Les déclarations du directeur de la Dirpa, le colonel Souleymane Dembélé, lors de son point de presse, ont suscité une vive réaction sur les réseaux sociaux. En affirmant que "rien ne s’est passé" durant le week-end du 6 au 8 septembre, tout en reconnaissant dans le même souffle que des frappes aériennes ont été menées, le responsable de la communication militaire a provoqué l’incompréhension et l’indignation d’une partie de l’opinion publique malienne.

Sur X (ex-Twitter), Facebook et WhatsApp, de nombreux internautes ont dénoncé ce qu’ils qualifient de "déni institutionnel", estimant que le Colonel Dembélé "n’est au courant de rien dans ce pays"  ou qu’il "minimise systématiquement les faits pour préserver l’image des FAMa".

Certains y voient une tentative de brouiller les pistes, d’autres une preuve de déconnexion entre les réalités du terrain et le discours officiel.

"Comment peut-on nier des attaques qui ont brûlé des bus, enlevé des civils et paralysé des corridors ?", s’interroge un internaute dans un groupe WhatsApp.

Les spécialistes en communication de crise estiment que cette tension révèle d’un malaise plus profond.

"Le fossé croissant entre les récits institutionnels et les vécus citoyens, notamment dans les zones rurales et frontalières. Alors que les populations locales font face à des menaces concrètes, les discours officiels peinent à reconnaître la gravité des événements ou à proposer une lecture cohérente de la situation sécuritaire", estime ce spécialiste en communication de crise.  

Entre riposte militaire et résilience communautaire

Face à cette escalade, les Forces armées maliennes (FAMa) ont lancé des opérations de sécurisation de grande envergure dans les cercles de Diéma, Karangana et Nioro du Sahel. Des patrouilles terrestres et des frappes aériennes ont permis de neutraliser plusieurs positions suspectes et de rassurer les populations locales.

Dans la foulée, les groupes terroristes ont levé le blocus qu’ils avaient instauré à Gossi, une commune située dans le cercle de Gourma, région de Tombouctou, à environ 160 km au sud-ouest de Gao. Cette levée de blocus fait suite à un accord signé avec les habitants de la localité, longtemps sous pression des groupes armés.

Gossi est une zone stratégique, convoitée par plusieurs factions terroristes, notamment le GSIM, le Front de libération du Macina (FLM) et l’État islamique au Grand Sahara (EIGS), qui s’y affrontent régulièrement pour le contrôle territorial.

Au-delà de la riposte militaire, une stratégie de résilience s’impose celui de renforcer les mécanismes de renseignement communautaire, sécuriser les axes stratégiques, et soutenir les compagnies de transport dans leur redéploiement.

La multiplication des attaques contre les corridors économiques pose une question cruciale : comment préserver la mobilité et la cohésion nationale dans un contexte de menace persistante ? Car ces routes ne transportent pas seulement des marchandises : elles relient des familles, des projets, des espoirs.

Ousmane Mahamane

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