Dr. Mohamed Amara, sociologue et analyste sécuritaire : “Œuvrer pour un monde pacifique”

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Dans l’interview ci-dessous, Dr. Mohamed Amara, sociologue et analyste sécuritaire, nous explique ce qu’est le terrorisme, ses origines et son expansion dans le monde. Entretien.

Mali Tribune : Qu’est-ce que le terrorisme ?

Dr. Mohamed Amara : Le terrorisme, c’est l’usage de la violence par un individu ou un groupe de personnes dans le but de soumettre un individu ou une communauté à son idéologie, celle de la terreur. Une façon pour les groupes terroristes d’imposer aux autres un monde totalitaire et uniforme à leur image. La violence reste une des armes principales des terroristes. C’est tout simplement de l’extrémisme violent comme on peut le constater au Mali (Aqmi), au Burkina-Faso (EIS) ou au Nigeria (Boko Haram).

Le terrorisme se traduit par la conduite d’activités de trafic de drogue, de blanchiment d’argent, des rapts de touristes occidentaux ou asiatiques pour financer les actions de terreur. Il échappe à tout contrôle des Etats. C’est aussi des organisations mafieuses et destructrices pour les populations. Dans certains cas, comme au Mali et au Burkina Faso, les terroristes utilisent la religion pour atteindre leurs fins politiques. Ils prospèrent sur les divisions et les fragilités des Etats (instabilité politique, corruption, mal gouvernance, etc.) pour s’implanter.

Mali Tribune : Comment et dans quel pays le terrorisme a vu le jour ?

Dr. M. A. : Le terrorisme est aussi vieux que le monde. Les formes archaïques du terrorisme apparaissent lors des meurtres des Zélotes contre l’Empire romain au 1er siècle. Au 11e siècle, certains orientalistes font cas de l’extrême violence dirigée contre les sunnites. La révolution française de 1789 a été une période de terreur, caractérisée par la guillotine, les tribunaux révolutionnaires. Aux Etats-Unis d’Amérique, les attentats du 11 septembre 2001 marquent le début d’une nouvelle forme de terrorisme : détournement des avions de ligne qui s’écrasent contre des édifices publics ou privés (Word Trade Center). Enfin, chaque société a connu son moment de terreur à des niveaux différents et à des périodes différentes.

Mali Tribune : Pour un monde sûr, les Nations unies ont mis sur pied la Journée mondiale de lutte contre le terrorisme. Comment vous interprétez cette lutte alors que certains sont soupçonnés d’être le parrain du terrorisme ?

Dr. M. A. : La Journée mondiale de lutte contre le terrorisme fait écho aux attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Il s’agit de travailler à une prise de conscience des menaces terroristes. Il est question de sauver la planète de la terreur, suscitée parfois par les rébellions, parfois par des groupes extrémistes, promoteurs d’une idéologie radicale. Enfin, la Journée mondiale de lutte contre le terrorisme est créée pour œuvrer à un mieux vivre ensemble, un monde pacifique.

Mali Tribune : Au Sahel, le terrorisme gagne du terrain de jour en jour. Est-ce que la lutte que les Etats sahéliens mènent est efficace pour mettre fin au terrorisme ? 

Dr. M. A. : Le Sahel est devenu un espace géographique sensible depuis la crise libyenne. Ainsi, le terrorisme s’est diffusé depuis le Mali au Burkina, au Niger, etc. Au passage n’oublions pas Boko Haram au Nigeria qui a contaminé une partie du Tchad et du Niger. Mais, le contreterrorisme tel qu’il est mené par les Etats sahéliens reste inefficace, car il n’y a pas eu ce que j’appelle un plan de maitrise sécuritaire sahélien, au-delà des dispositifs comme G5-Sahel, ou l’intervention française et onusienne. Ce plan de maitrise sécuritaire aurait permis aux Etats de lutter contre le terrorisme de façon coordonnée. Il aurait permis de dépasser les compétitions entre Armées et les “rivalités territoriales” pour le partage des renseignements, les poursuites des groupes terroristes, etc. Bref, un dispositif plus robuste et plus coopératif, initié et mis en œuvre par les Etats.

Mali Tribune : A quand la fin du terrorisme dans le monde ?

Dr. M. A. : Loin d’être devin, je ne saurais le dire. Par contre, il n’est pas exclu que notre planète soit de plus en plus confrontée à des situations de crises : eau, faim, pauvreté, éducation, santé, énergie, emploi, sécurité, justice, environnement, injustices, migration, territoires, politiques, etc. Lesquelles crises viennent nourrir des conflits entre les individus, les nations ou les groupes.

Ces conflits mal résolus nourrissent les situations de terreurs dont un des objectifs principaux est le rejet de l’establishment. Donc, il est important que les Nations unies échafaudent des politiques d’éducation à la paix ciblées et adaptées au contexte des Etats. Une des meilleures façons de réguler les crises et minimiser les risques de guerre et de terrorisme.

MICRO-TROTTOIR

Ce que les Maliens en pensent

Dans ce micro-trottoir, les Maliens bien qu’ils ignorent l’existence de cette Journée, se prononcent tout de même sur le terrorisme.

Moussa Guindo (étudiant en master) :

“Je ne savais pas qu’il existait une Journée dédiée à la lutte contre le terrorisme. Mais je trouve que c’est une belle chose que cette journée ait été créée. Aujourd’hui, le terrorisme ce n’est pas seulement l’affaire d’un seul Etat, plutôt une affaire de tous les Etats du monde. Qui aurait cru que les Etats-Unis, première puissance militaire du monde, pouvaient être la cible d’attaques terroriste le 11 septembre 2001 ?”

Abdoul Aziz Boré (enseignant à l’université de Bamako) :

“Le paradoxe est que ceux qui luttent contre le terrorisme aujourd’hui sont à la base de la création du terrorisme qu’on vit actuellement. Quand on prend Aqmi et l’Etat islamique qui sévissent dans le monde, c’est le résultat des conséquences des différentes interventions militaires des Etats-Unis en Afghanistan, Irak et la Syrie”.

Ismaël Maïga (militant) :

“Pour moi, la lutte contre le terrorisme est un leurre parce que les grandes nations comme la France ou les Etats-Unis qui luttent contre le terrorisme sont les parrains notoires du terrorisme. Nous avons le cas au Mali où la France livre des armes et des engins aux terroristes”.

Mohamed Traoré (juriste) :

“Je trouve que cette Journée mondiale de lutte contre le terrorisme est saluée à sa juste valeur. Car le terrorisme a mis en mal les valeurs humaines que nous partageons et que nous œuvrons à défendre. La paix, l’égalité, la tolérance et la dignité pour tous sont des valeurs universelles qui transcendent nos différences nationales”.

Dossier réalisé par

Ousmane Mahamane

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