Le lundi 20 novembre, l’Union européenne a donné son feu vert à une mission de soutien à l’intervention militaire au Nord du Mali. À Bruxelles, les ministres des Affaires étrangères ont donné leur accord de principe pour former les soldats de l’armée malienne. Mais contre toute attente, les Etats-Unis expliquent officiellement qu’ils n’ont pas été invités à contribuer et considèrent que le plan d’attaque prévu pour l’heure par la CEDEAO n’est pas à la hauteur. Du coup, on s’achemine vers le rejet de l’intervention militaire dans le septentrion malien.
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«Consolider la lutte permanente contre le terrorisme et le crime transnational organisé»[/caption]
La déclaration est sans appel : Washington a déclaré sans détour et en haut lieu que les effectifs prévus par la CEDEAO seront insuffisants pour neutraliser le noyau dur des rebelles du Nord du Mali. Selon les Etats-Unis, ce noyau compte entre 800 et 1 200 hommes. «
Il est peu probable que 3 300 soldats d’Afrique de l’Ouest parviennent à réussir une opération militaire au Nord du Mali, un terrain difficile pour eux car ils connaissent mal le désert et son climat », explique Andrew Mc Gregor, spécialiste du Mali à la Fondation « Jamestown « de Washington avant d’ajouter : «
Donc, ces soldats s’exposent aux mêmes revers que ceux essuyés cette année par les forces régulières du Mali face aux insurgés du Nord ». Andrew Mc Gregor émet aussi des doutes quant à l’état de l’armée nigériane, un acteur militaire majeur de la CEDEAO. Quant au Général Carter Ham, Commandant en chef d’AFRICOM, il s’est récemment inquiété des conséquences du coup d’Etat du 22 mars dernier sur l’armée malienne, citant la dissolution d’unités et la perte d’équipements militaires. Par ailleurs, Andrew Mc Gregor confirme qu’il y existe aussi des conflits au sein de l’armée malienne, entre les forces spéciales, les Bérets rouges et le reste de l’armée. Mieux, il déclare qu’ils ne sont pas à la hauteur, mais il soutient que l’idée de demander à cette armée malienne un ensemble très hétérogène du point de vue ethnique et d’être en première ligne au Nord du Mali, c’est d’aller droit dans le mur. Le Général Carter Ham et la Secrétaire d’Etat Hillary Clinton estiment qu’il est essentiel que l’Algérie participe à l’intervention militaire. La semaine dernière, Alger a promis de fermer ses frontières avec le Mali et promet une lutte implacable contre le MUJAO et AQMI. Mais de source française, sa participation est encore loin d’être acquise.
Les tergiversations se multiplient
Le mardi 13 novembre à Ouagadougou, le représentant de l’ONU en Afrique de l’Ouest, Saïd Djinnit, a rencontré des représentants d’Ançardine. Il s’agissait de la première rencontre officielle entre un responsable onusien et Ançardine (un mouvement qui applique strictement « sa »charia dans le Nord avec des amputations, des lapidations, des coups de fouet…), les djihadistes d’AQMI et le MUJAO. Saïd Djinnit, qui s’était au préalable entretenu avec le Médiateur Blaise Compaoré, a retrouvé ces responsables d’Ançardine dans un domicile privé. Juste avant, le représentant des Nations Unies s’est entretenu avec des membres du MNLA. Un responsable de ce mouvement, Ibrahim Ag Mohamed Assaleh, avait évoqué une prise de contact devant la Presse.
« Le MNLA a confirmé à M. Djinnit être tout à fait disposé au dialogue, y compris avec Ançardine », a-t-il souligné. Après son entretien avec le Médiateur de la CEDEAO, le M. Djinnit avait déclaré que le dialogue est l’option préférée pour résoudre la crise malienne, mais que ce processus devrait obtenir des résultats assez rapides. Tout en maintenant ouvert le dialogue, les Chefs d’Etat ouest-africains réunis auparavant à Abuja se sont mis d’accord sur l’envoi au Mali d’une force de 3300 soldats afin de reconquérir le Nord du pays. Ce plan doit être transmis à l’ONU avant la fin de ce mois de novembre, via l’Union africaine. Toujours est-il que les discussions engagées par le Président burkinabé avec Ançardine et le MNLA se poursuivent.
Par la suite, ce même mardi 13 novembre, l’Envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahel, Romano Prodi, a indiqué qu’il appellera à une réunion internationale en décembre prochain pour tenter de résoudre la crise malienne. Mais M. Prodi, qui s’est entretenu avec le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, n’a pas précisé de date. Toutefois, il a déclaré à la Presse qu’il voulait réunir les représentants des pays concernés et des groupes régionaux (dont la France et la Grande Bretagne) et l’Union africaine, pour une réunion qui se tiendra à Rome.
En octobre dernier, cet ancien Premier ministre italien avait été chargé de coordonner les efforts de l’ONU pour mettre au point une stratégie sur le Sahel. Depuis cette date, les dirigeants ouest-africains insistent sur l’imminence d’une intervention pour reprendre le Nord du Mali. Mais M. Prodi souligne qu’il faut du temps pour préparer une opération militaire. Il espère mettre ce délai à profit pour travailler à une solution diplomatique. Depuis le lundi 19 novembre, le principe d’une mission militaire européenne au Mali est désormais formellement acquis, même si ses modalités pratiques restent encore à finaliser. Mais le doute plane encore à propos du feu vert du Conseil de sécurité des Nations Unies qui trouve que le plan d’attaque prévu par la CEDEAO n’est pas à la hauteur. Aussi, l’organisation sous-régionale espère voir la situation se normaliser à Bamako afin de pouvoir apporter un soutien encore plus large au Mali. «
On fait notre travail et on espère vraiment aussi qu’il y aura bientôt un agenda à Bamako pour que ses autorités de transition puissent être transformées en autorités légitimes. Et ce serait une très bonne chose si une certaine négociation pouvait commencer avec des groupes du Nord », explique Andrew Mc Gregor, spécialiste du Mali à la Fondation « Jamestown » de Washington qui poursuit : «
Nonobstant, pour la population, il faut que Bamako établisse rapidement un agenda en tant qu’autorité de transition afin qu’on puisse reprendre l’aide humanitaire. Dès qu’on verra que les structures de l’Etat fonctionnent de nouveau, on pourra s’adonner à aider beaucoup plus ». Au regard de tous ces atermoiements, les chances pour l’intervention militaire dans le Nord du Mali s’amenuisent chaque jour un peu plus.
Que Dieu sauve le Mali.
Jean Pierre James