Kafougouna n’est plus : l’invulnérable soldat perd son dernier combat

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La vie publique de cet homme, ce brillant officier, intègre et désintéressé, se confond avec l’histoire militaire du Mali indépendant. Au cours des quarante dernières années, il fut de toutes les batailles pour la défense de la souveraineté, de l’intégrité territoriale du Mali.

Kafougouna Koné est un militaire et homme politique malien, né en 1944 à Fourou dans le cercle de Kadiolo, région de Sikasso (Mali). Après des études secondaires au lycée technique de Bamako, il poursuit à École militaire interarmes (EMIA). En 1991, il est chef d’état-major de l’armée de terre au moment du coup d’État militaire d’Amadou Toumani Touré contre le régime dictatorial de Moussa Traoré. Il est nommé ministre de la Défense pendant la Transition (1991-1992). En 1992, il est nommé ambassadeur en République populaire de Chine. En 2001, il est nommé délégué général aux élections suite à l’élection d’Amadou Toumani Touré à la présidence de la République. En 2002, il entre au gouvernement d’Ahmed Mohamed Ag Hamani, le 16 octobre 2002, au poste de ministre de l’Administration territoriale et des Collectivités locales.

Il conservera ce poste dans les différents gouvernements successifs : gouvernement d’Ousmane Issoufi Maïga du 2 mai 2004[3] ; gouvernement de Modibo Sidibé du 3 octobre 2007. Gouvernement de Modibo Sidibé du 9 avril 2009 et gouvernement de Cissé Mariam Kaïdama Sidibé du 6 avril 2011. C’est à ce titre qu’il a négocié pour le gouvernement malien les Accords d’Alger à la suite de la rébellion touarègue de 2006.

L’officier (parachutiste) a été notamment commandant du bataillon des troupes aéroportées installé à Djicoroni, directeur de l’EMIA et du Centre d’instruction de Koulikoro, commandant de la zone de défense N°1 de Gao, chef de division Études générales de l’état-major des armées, chef d’état-major de la gendarmerie nationale, chef d’état-major de l’Armée de terre et chef d’état-major général des armées. Il est nommé en 2001 Délégué général aux élections.

Le général de division arbore une brochette de décorations. Récipiendaire de la Croix de la valeur militaire, Kafougouna Koné est également Officier de l’Ordre national et Commandeur de l’Ordre national du Mali. Depuis 2006, il est Grand Officier de l’Ordre national.

C’est à ce général de division qu’ATT proposa d’assumer en tant qu’officier le plus ancien dans le grade le plus élevé, les fonctions provisoires de chef d’État. Celui-ci refusa en arguant du rôle prépondérant qu’avait joué son cadet dans les événements. Le général Kafougouna Koné a posé plusieurs actes de bravoure lors de la guerre Mali-Burkina Faso où il a été révélé au grand public.

Et quant à sa valeur militaire, les militaires de sa génération ou ceux qu’il a eu à commander sur certains champs de batailles, cette valeur est rapportée sous forme d’homme mystique dont l’invulnérabilité profitait à tous les hommes dont il avait le commandement pourvu que l’on reste derrière lui.

Après l’élection du président Alpha Oumar Konaré comme président de la République, le général Kafougouna Koné a été nommé ambassadeur du Mali en Chine, où il a passé huit ans. À son retour, il est nommé délégué général aux élections, c’est lui qui a organisé les élections de 2002 (présidentielle et législatives). C’est avec la victoire d’ATT en 2002 qu’il est devenu ministre de l’Administration territoriale jusqu’à la chute du régime de ce dernier. C’est en sa qualité de ministre de l’Administration territoriale qu’il a négocié l’accord d’Alger 2006, après un périple mémorable en mars 2006 à Arawane, Bouchebea, et Taoudeni dans la région de Tombouctou.

De mémoire des ouvriers des salines de Taoudeni, c’était du jamais-vu, à telle enseigne que les ouvriers ont solennellement déclaré que la journée du 03 mars 2006 serait désormais fériée dans les salines de Taoudeni. Dommage que le général n’ait pu célébrer avec les ouvriers de Taoudeni, mais l’administration étant une continuité et que Taoudeni étant devenue une région à part entière, cela serait possible.

En vérité, la vie publique de cet homme, ce brillant officier, intègre et désintéressé, se confond avec l’histoire militaire du Mali indépendant. Au cours des quarante dernières années, il fut de toutes les batailles pour la défense de la souveraineté, de l’intégrité territoriale du Mali. Le général Kafougouna Koné, qui a incarné la bravoure, la loyauté et la discipline, reste un des rares repères, une référence constante au sein de l’armée malienne. Il a mérité de la patrie.

Le général Kafougouna Koné est décédé le vendredi 10 mars 2017 à Bamako, chez lui-même, à Sirakoro Meguetan, à l’âge de 73 ans. Il était revenu il n’y a pas longtemps d’un traitement en France. Que son Âme repose en paix !

 

K.T et N.T

 

Témoignage : un véritable homme d’État tire sa révérence

Ministre de l’Administration territoriale, Kafougouna Koné a la charge d’organiser l’élection présidentielle. Une mission qu’il aborde avec confiance.

Avril 1991. L’armée renverse le régime de Moussa Traoré. Le colonel Kafougouna Koné est alors le commandant du régiment de parachutistes et le supérieur hiérarchique d’Amadou Toumani Touré à qui il laisse le commandement des opérations. Aujourd’hui encore, ce retrait suscite bien des interrogations. Surtout chez ses détracteurs. «Timidité maladive», assurent les uns, «problème d’élocution», avancent les autres.

Interrogé à ce propos, l’intéressé, devenu ministre de l’Administration territoriale, répond par une question : « Ai-je fait une erreur de casting ? L’officier Amadou Toumani Touré a mené à bien la transition, rendu le pouvoir aux civils. Il est devenu le symbole d’une armée républicaine et a prouvé par la suite qu’il était un véritable homme d’État. Je n’ai aucun regret.»

Kafougouna Koné, la soixantaine, le port altier, est aussi à l’aise dans un mess d’officiers que dans les réceptions mondaines. Le regard fuyant et le verbe hésitant contraste quelque peu avec la détermination de cet homme dont le parcours a marqué l’histoire du Mali de l’après-Moussa Traoré. Il a dirigé le front malien pendant la courte guerre opposant son pays au Burkina en 1985, puis s’est illustré durant la deuxième rébellion touarègue, en 1991. Ambassadeur à Pékin, il est parvenu à décupler le montant des investissements chinois au Mali. Après son retour à Bamako, le président Alpha Oumar Konaré lui confie le département de la Sécurité publique où, en décembre 2001, il doit gérer la rébellion touarègue menée par le lieutenant félon Ag Bahanga. En 2002, il accède à la tête de la Direction générale des élections (DGE) avant que le président ATT, de retour aux affaires cette même année, ne lui offre le portefeuille de l’Administration territoriale. Le 23 mai 2006, le chef de l’État est à Diéma, dans l’ouest du pays, quand ont lieu les attaques contre les casernes de Kidal et de Ménaka, marquant le début de la troisième rébellion touarègue.

Dans un message radiodiffusé, le président ATT en appelle au calme et préconise le dialogue. Il confie à Kafougouna Koné la gestion du dossier. Au grand dam de plusieurs personnalités qui voyaient alors dans cette crise une occasion de briller. Il mène, au nom du gouvernement, les négociations à Alger. Mais l’accord de paix qu’il signe le 4 juillet 2006 est fraîchement accueilli par certains membres de la classe politique. «Les partis et la société civile n’ont pas été associés aux négociations, conteste Ousmane Sy, ancien ministre et président d’une ONG œuvrant pour la bonne gouvernance. La gestion de la crise du 23 mai a été exclusivement militaire. Un général à la tête de l’État a confié à un autre général un dossier qui concerne tout de même l’avenir du Mali.»

Une critique que Kafougouna Koné rejette en bloc. «Une gestion militaire aurait privilégié la voie des armes, s’explique-t-il. C’est exactement ce que nous avons évité. Nous avons empêché une guerre à l’issue incertaine. Les accords d’Alger sont la solution politique par excellence. En quoi un général malien serait moins patriote qu’un homme politique ?»

Aujourd’hui, Kafougouna Koné a définitivement abandonné son uniforme. En tant que ministre de l’Administration territoriale, il s’apprête à mettre en place le dispositif de l’élection présidentielle. Sûr de son affaire et de son équipe, il ne redoute rien. Si ce n’est des contestations à l’issue des résultats du 29 avril. «Cela reste, hélas, un scénario possible. Mais ce n’est pas à mon âge que je vais commencer à bourrer les urnes.»

Nouhoum TOG

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