Entrenous : Immunité parlementaire La quadrature du cercle ?
‘’Les députés bénéficient de l’immunité parlementaire. Aucun membre de l’Assemblée nationale ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé du fait des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions.
Aucun membre de l’Assemblée nationale ne peut, pendant la durée des sessions être poursuivi ou arrêté en matière criminelle ou correctionnelle qu’avec l’autorisation de l’Assemblée nationale, sauf en cas de flagrant délit. Aucun membre de l’Assemblée nationale ne peut, hors sessions, être arrêté qu’avec l’autorisation du bureau de l’Assemblée nationale, sauf en cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de condamnation définitive. La détention ou la poursuite d’un membre de l’Assemblée nationale est suspendue si l’Assemblée nationale le requiert.’’ Voila en substance le contenu de l’article 62 de la constitution du 25 février 1992 qui fait cas de l’immunité dont bénéficient les très honorables députés. L’esprit de cet article voudrait que la levée de l’immunité relève du pouvoir discrétionnaire des membres de l’Assemblée Nationale. Il s’agit de livrer à la justice l’un d’entre eux pour actes commis. Dans les annales de notre jeune démocratie, les demandes ne manquent pas. Mais les députés se livrent très peu à cet exercice. Actuellement, il nous revient que trois demandes de levée d’immunité seraient sur la table du président de l’Assemblée Nationale, l’honorable Dioncounda Traoré. La première concernerait l’odieux député Mamadou Awa Diaby Gassama pour tentative d’assassinat contre la femme maire du District de Bamako. Mme Konté Fatoumata Doumbia a bel et bien échappé à une agression populaire orchestrée par le député en complicité avec les riverains de la décharge publique de Doumazana. Les « incendiaires » dont certains sont sous mandat de dépôt ont été longtemps intoxiqués et manipulés par « l’inclassable » député. La seconde demande aurait été formulée contre le député de Tessalit, un baron du Parti pour le développement économique et la solidarité (Pdes) pour des soupçons de trafic de drogue. La dernière demande de levée de l’immunité parlementaire concernerait l’honorable Yaya Sangaré du groupe parlementaire de l’Adema Pasj. L’homme aurait agressé un policier dans la circulation. Et cela, nous l’apprenons à travers la section syndicale de la police nationale dirigée par Siméon Kéïta. Indigné face à l’agression d’un policier (selon leur version, car nous n’étions pas sur le terrain et seul Dieu connaît le sexe des anges), les syndiqués de la Police nationale auraient donc demandé au Parlement de statuer sur la levée de l’immunité dont bénéficie l’élu de la nation. Laissons le soin aux spécialistes d’apprécier la légalité de ces différentes demandes. Cependant, s’il y a une demande qui nous paraît mal fondée et farfelue, c’est bien celle de la Police ! Si ce n’est pas une République bannière où les autorités ont la très mauvaise habitude de trembler comme une feuille d’arbre à la moindre manifestation de rue, les gesticulations de la section syndicale de la police nationale ne doivent ébranler personne. On se souvient encore des actes posés par la tendance favorable à Siméon Kéïta, secrétaire de la section syndicale de la police lors du défilé du 1er mai à la Bourse du travail. Depuis ce jour, Siméon Kéïta et sa bande constituent un danger public, donc une menace réelle pour la paix et la quiétude sociale. C’est à cause de leurs agissements que l’Untm a marché sur le ministère de la Sécurité intérieure et de la Protection civile. Au-delà de Bamako, toutes les branches régionales de l’Untm ont battu le pavé. Une première dans l’histoire de notre jeune démocratie. Et c’est bien sous la pression de l’Untm que les directeurs généraux de la police, de la gendarmerie nationale et le chef d’état-major de la garde nationale ont été limogés par le gouvernement, pour éviter in extremis une grève de la centrale syndicale. Cette dernière promettait de faire porter la couronne de la paralysie au premier ministre, Mme Cissé Mariam Khaïdama Sidibé. Pourtant, personne n’a encore vu le bouillant secrétaire général de la section syndicale de la police dénoncer les humiliations que les populations subissent de façon quotidienne de la part de ses collègues, notamment ceux en charge de la circulation routière. A qui la faute ? Aux autorités. Car, parce qu’elles ont peur de faire des mécontents dans une certaine catégorie de la couche sociale, elles refusent de prendre leurs responsabilités et encouragent de ce fait même l’installation progressive de la chienlit.
Alors, vous avez dit levée d’immunité parlementaire ? Excellente idée ! Mais dans ce pays, n’y a-t-il pas des personnalités qui ne sont sous le couvert d’aucune immunité mais qui se comportent comme des délinquants et restent impunis ? Et puis, les députés seront-ils suffisamment forts pour livrer certains des leurs à la justice sans un effet boumerang au sein même de l’Assemblée nationale ? Il paraît que les loups ne se mangent pas entre eux. Mais il n’est pas faux non plus que dans la jungle, les loups de même espèce peuvent faire la guerre à d’autres loups pour sécuriser leur territoire. Il faut donc attendre la suite réservée à ces demandes, si vraiment elles existent. Ce serait, quoi qu’il en soit, un bel exercice d’évaluation de notre démocratie.
Par Chiaka Doumbia
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