72e Club de la pesse de Radio Kledu (suite)

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Après les armes, le dialogue. Comment faire en sorte que, en cette ère d démocratie mondiale, chaque communauté se réalise, se sente bien dans sa peau ? Une solution mondiale, en ce que tous les pays du monde se mettent à la découvrir ou à l’approfondir : la décentralisation. Radio Kledu, en tout cas, en semble convaincue, elle qui, le 10 novembre dernier, a réuni les spécialistes sur le thème : « La décentralisation, une des pistes pour la sortie de crise ? ». Nous publions la suite du débat, dont le début se trouve dans le numéro 014 du lundi 7 janvier du Journal de Madikama.

M. Fomba, Directeur du centre de formation des Collectivités : Je voudrais dire bonjour à tous les auditeurs et auditrices de Radio Kledu qui suivent cette émission. Pour appuyer M. Cissouma dans ce qu’il vient de dire, ce qu’on peut constater, c’est que le Mali a pris une avance, il faut le dire. Parce qu’au plan institutionnel le Mali a pu fournir une réponse à la diversité même qui caractérise se pays, jusqu’à son orientation dans le processus démocratique. Parce que la question qu’il faut se poser aujourd’hui est désormais de savoir : « Quel est l’Etat, aujourd’hui, l’Etat-nation dans sa forme actuelle qui peut survivre dans tous les pays du monde ? » Cette question, je pense que le Mali a su lui donner une réponse, afin de gérer justement cette question de la diversité, cette question de l’impossibilité désormais de gérer l’Etat de façon  centralisée. Et donc, normalement, le Mali a les ressources institutionnelles aujourd’hui. Je dirai même plus : les ressources institutionnelles auraient dû éviter à notre pays la situation critique que nous connaissons au Nord.(Appuyé par la Rédaction) Maintenant, la question qui se pose, c’est le processus d’approfondissement, parce que c’est un processus, ce n’est jamais une œuvre achevée ; c’est là où peut-être le Mali se trouve interpellé. Non pas d’ailleurs par rapport au Nord, mais par rapport à la mise en œuvre de la politique globale de décentralisation. Je pense qu’on aura l’occasion d’approfondir ces aspects.

Le modérateur : M. Ibrahima Fomba, vous êtes le Directeur du centre de Formation des collectivités. Nous précisons à l’intention de nos auditeurs qu’ils suivent le 72e Club de la Presse de Radio Kledu dont le thème est : « La décentralisation : une piste pour la sortie de crise », une émission réalisée en collaboration avec l’Union européenne. Nous donnons la parole à M. Boubacar Bah dit Bill, maire de la Commune V, président de l’Association des Municipalités du Mali, pour nous faire le point de l’impact politique de la crise sur les municipalités. Je rappelle que M. Bah sort du forum sur la Décentralisation. Je vous donne la parole, M. le Maire.

M. Bocar Bah, maire de la Commune V,  président de l’Association des Municipalités du Mali: Bonjour, les auditeurs de Radio Kledu ! Avec ceux qui m’ont précédé, je salue l’initiative de l’Union européenne et  de l’ensemble des partenaires qui participent au processus de décentralisation depuis 1991. Je n’ai pas la prétention de parler au nom de tout le monde, mais laissez-moi rappeler aux auditeurs e à l’assemblée que cette décentralisation a permis la création de 761 collectivités. A la base nous sommes 10 000 élus de base municipaux qui ont permis de mettre en place non seulement les conseils municipaux, mais les conseils de cercles, les conseils généraux, les huit régions, le District de Bamako, pour représenter les populations. Nous sommes les exécutifs locaux, c’est-à-dire que nous avons la responsabilité du développement en fournissant aux populations les services essentiels : santé, éducation… Cette possibilité du développement est aujourd’hui une réalité. Quand il y a un malheur ou un bonheur, c’est vers le maire, vers le président du Conseil de cercle qu’on se précipite en premier ; personne ne se précipite vers un département ministériel. C’est une chose très notable. Maintenant la crise a créé quand même des problèmes particuliers dans les régions du Nord, à Kidal, Gao, Tombouctou, et même Mopti, avec le retrait de l’administration de base. C’est-à-dire que  ceux qui représentent le pouvoir central ont déserté le terrain. Ceux qui sont restés, ce sont les élus locaux : les conseillers communaux, les conseillers  de cercles, les présidents d’assemblées de cercles, de régions. Qu’est-ce qu’ils ont fait, ces élus ? Malgré la pression, ils ont créé des comités de crise : le comité de crise de Tombouctou, le comité de crise de Douentza, pour gérer la situation avec certains représentants communaux, c’est-à-dire avec les chefs de village. A Tombouctou, ils ont fait face aux soins de santé, fait face à l’approvisionnement en eau quand la SOMAGEP n’avait plus de carburant pour faire fonctionner le système d’adduction d’eau.  Car le maire de Tombouctou, que je salue ici, n’a pas bougé. Et c’est sous son impulsion que les jeunes ont dépanné les pompes. Au niveau central, à Bamako, on ignore cela. Ils ont assuré la sécurité des personnes et des biens. A Douentza, c’est également le comité de crise qui a été mis en place par les élus, appuyé par les femmes et les jeunes, qui a fait le travail. A l’exemple de ce comité de crise de Douentza, avec l’appui des syndicats des communes de Dienné et de Niono, des ressources ont été collectées avec des conseils de cercle de ces deux localités, et avec ces ressources-là, le comité de crise convoyait 500 élèves candidats au DEF à Koro pour passer le DEF. Cela a permis à 265 de ces jeunes gens d’être reçus. Donc là il y a eu une solidarité qui s’est manifestée au niveau des collectivités terrestres. C’est un exemple entre autres. Je serai là pour répondre à d’autres questions, donner d’autres éclairages sur le rôle des collectivités, pour la fourniture des services de base, comme pour organiser la résistance.

Le modérateur : Alors, M. le maire, si ce que vous dites existe réellement sur le terrain, ça fait quand même 48 heures que Tombouctou est dans le noir, et que les collectes ont commencé dans la ville de Tombouctou. Les ressortissants qui sont ici font tout pour que Tombouctou retrouve l’électricité, car les islamistes ne s’occupent que de leurs propres groupes électrogènes pour alimenter les localités. M. le Maire,  cela me pousse à vous poser une autre  question sur votre rôle réel en cette période de crise. Est-ce que la crise a amené les collectivités à mieux accomplir leur mission ?

M. Bocar Bah, maire de la Commune V, Oui, absolument ! Je pense qu’il n’y a pas eu désertion à ce niveau-là si on peut parler en termes militaires, sauf pour ceux qui étaient menacés physiquement dans leur vie. Il y a eu une organisation qui a été mise en place au-delà du comité de crise, les éléments du secteur privé, pour approvisionner Tombouctou, Ménaka ; des circuits ont été créés et animés par des élus locaux, pour acheminer des médicaments, des vivres, et même des espèces, afin que, le système bancaire étant arrêté, le circuit puisse continuer. Cela s’est fait parce que les élus se sont organisés avec les privés locaux. Tombouctou est en train de se battre, le maire est aussi en train de se battre. Il coordonne l’approvisionnement de la ville, afin que les fondamentaux soient assurés. Là où il n’y a pas d’administration, comme à Ténenkou, à Youwarou, ce sont les élus qui font fonctionner la collectivité. Pour appuyer ces efforts, les collectivités du Sud ont créé un programme appelé : « 200 collectivités du Sud appuient 200 collectivités de Nord » et des collectes de fonds ont été réalisées. Ainsi, nous avons pu nous atteler à assurer les services sociaux de base, notre mission, quand d’autres se souciaient du secours alimentaire. Et sur le plan sous-régional comme sur le plan international, nous n’avons pas cessé de donner l’information. Les populations se battent, encadrées par leurs élus, qui n’ont pas déserté le terrain. Ca a été fait à Abidjan, à Ouagadougou, à Paris et ailleurs : nos partenaires ont relayé l’information auprès de leurs collectivités pour que cet élan de solidarité internationale puisse se manifester ; et nous sommes là-dessus. Nous donnerons des exemples précis dans les autres débats à venir. Je vous remercie.

Le modérateur : Merci, Monsieur le Maire, président de l’Association des municipalités du Mali ! Il y a M. Boiré qui veut ajouter quelque chose…

-M. Boiré, chargé de finances DR Ségou : Merci, M. le modérateur. J’ajoute ma voix à celle de mes prédécesseurs pour remercier l’Union européenne et la Radio Kledu pour avoir réalisé cette émission sur la décentralisation.

 

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