COVID-19 : De nouvelles vocations sont nées

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Ouvriers journaliers, conducteurs de transport en commun ou cuisiniers à temps partiel pour des particuliers. Après leurs licenciements, beaucoup d’anciens travailleurs des hôtels de Bamako se sont reconvertis en attendant le retour à la normale. D’autres, comme Hamidou Timbiné, licencié après 7 ans de travail dans la même structure, ne se voit plus rejoindre son poste après la pandémie.

Hamidou Timbiné termine sa journée à la Faculté de droit public (FDPU). Depuis juin 2020, il est enseignant vacataire. « C’est une faveur qu’on accorde aux doctorants de la faculté de droit. Le docteur que j’assiste me forme pédagogiquement et m’aide aussi dans mes recherches pour ma thèse », raconte-t-il.

Entamant sa troisième année de thèse sur les enjeux stratégiques et les instruments de lutte contre le terrorisme dans les pays du G5 Sahel, Hamidou, jusqu’en mars 2020, travaillait en même temps dans le service room d’un grand hôtel de la place, depuis sept ans. Un poste qui lui donnait le privilège de servir des personnalités VIP, dont les Présidents africains et stars internationales.

C’est un jeune bachelier nouvellement orienté à la faculté des droits qui découvre dès la première année, le secteur de l’hôtelière en 2005, à travers un ami du quartier, responsable cuisinier dans un grand hôtel. Hamidou se souvient de ses débuts dans les moindres détails. « J’ai commencé à travailler un moment, j’ai dû arrêter après parce que mes parents et mon tuteur s’opposaient à ce travail », dit-il.

Face aux pressions de sa famille, qui avait une tout autre vision de l’hôtellerie, l’étudiant finit par céder. Mais pas pour toujours. Trois ans plus tard après l’obtention de sa maitrise en droit, il retourne à son métier de cœur. Cette fois-ci avec l’accord de son tuteur à Bamako et de ses parents, vivant au Ghana.

Le jeune diplômé travaillera dans deux hôtels comme agent extra avant d’intégrer en 2010, l’hôtel le plus huppé de l’époque. Dans ce dernier, il passera trois années comme agent extra avant de décrocher un CDI en 2013.

Une option due à une raison particulière : « Mon ambition a été toujours les relations internationales. J’ai réintégré l’hôtel pour gagner un peu d’argent afin de payer mes études. Etant à l’hôtel, j’ai pu faire mon master I et II en relations internationales et une partie de ma thèse », indique-t-il.

 

La survie

Au moment de son licenciement, l’employé touchait entre 125 000 et 150 000 F CFA chaque mois comme salaire. Une source de revenue arrêtée aujourd’hui qui met à l’arrêt ses projets de recherches, s’inquiète l’ancien employé. « Quand je travaillais, tous les deux mois j’économisais pour acheter des livres sur le terrorisme pour ma thèse. Maintenant, tout est arrêté. Quelqu’un qui est au chômage et qui cherche à survivre d’abord pour prendre en charge sa petite famille et surtout payer les loyers », soupire-t-il.

Joindre les deux bouts tout en poursuivant avec ses recherches, c’est ce qu’essaye de faire le jeune Timbiné depuis son premier départ en chômage technique en fin mars. Il partage désormais ses journées entre l’université et les écoles secondaires générales.

« Je suis passé dans une école professionnelle à Sébéninkoro chercher des heures. Je vais commencer à donner des cours là-bas, la semaine prochaine », dit-il planifiant déjà son nouvel emploi du temps. Le tout nouvel enseignant vacataire compte passer les heures creuses de la faculté dans les lycées et écoles professionnelles pour dispenser des cours en droit et en français.

 

Que 6 % des emplois maintenus

Hamidou fait partie des employés de l’hôtel mis en chômage technique dès les premières heures de la pandémie. Ils étaient 94 employés concernés dans leur hôtel. A ses dires, le chômage technique, initialement prévu pour 3 mois, sera finalement prolongé à six mois. Durant ces mois sans travail, il affirme avoir reçu de l’Etat, à travers l’Office des produits alimentaires du Mali, Opam, du riz, de la farine du blé et des spaghettis.

La direction nationale du Tourisme et de l’Hôtellerie, dans son évaluation, mi-avril à mi-mai 2020, de l’impact de la Covid-19 sur le secteur touristique du Mali, avait identifié au total 13 231 arrêts de travail pour l’ensemble du secteur du tourisme. 94 % du personnel en arrêt de travail contre 6 % des emplois maintenus.

Comme les 93 personnels mis en chômage technique, Hamidou espérait aussi être rappelé à la fin de la période de chômage technique. « On avait contracté des crédits auprès des parents, amis et avec les locataires. On leur avait promis de les payer à la fin du chômage technique. Surprise, on nous a fait savoir qu’on devrait être licenciés parce que les affaires ne marchaient plus », regrette Timbiné. Il exprime aussi son incompréhension par rapport au non-respect du protocole d’accord élaboré par le syndicat des travailleurs avant le licenciement.

Selon lui, dans le document, l’hôtel devait leur donner des droits de licenciement en deux tranches, dont la moitié en cash. Les choses ne se sont pas passées comme prévu, souligne le trentagénaire. « Au lieu de nous donner la moitié des droits de licenciement en liquidité, comme convenu, ils ne nous ont donné que 25 %. Les 75 % restants ont été versés directement à la banque vers le mois de décembre 2020. Malheureusement, cela a trouvé que la majeure partie des licenciés avaient contracté des crédits auprès de ces banques. Dès que le virement a été effectué, la banque a automatiquement tout absorbé. Ce qui fait que certains n’ont même pas eu 5 F CFA. Voilà encore le cumul des problèmes côté financier », regrette-t-il. Pour qui, beaucoup des licenciés vivent toujours dans la précarité et sans emploi et sont dans l’attente des deux 13e mois, « restés sans suite jusqu’à ce jour ».

A 37 ans, Hamidou affirme ne pas regretter les années de vie passée dans le secteur et souhaite la réintégration de ses camarades licenciés dès la reprise des activités. Mais, pour autant, l’ancien employé du room service ne se voit plus rejoindre encore le poste qu’il a occupé durant sept ans. « Je voudrais plutôt poursuivre les recherches et l’enseignement », conclu-t-il.

 

Kadiatou Mouyi Doumbia

 

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