Le Droit d’en Parler : Dans un monde où les valeurs s’effritent

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La récurrence des agitations qui rythment aujourd’hui la vie de nos pays africains et de bien d’autres pays, ailleurs dans le monde, la difficulté à se projeter dans un avenir plus incertain que jamais à cause des guerres, des maladies et des catastrophes naturelles toujours plus violentes, le règne de l’injustice et des abus de toutes sortes, tout cela offre un immense champ d’inspiration à ceux qui sont attentifs et sensibles au battement du pouls de notre planète.

Comme effet de cette inspiration, l’écriture, naguère prisonnière de certains dogmes, se libère et la plume, plus légère encore, se vide des mots de tous les maux de notre quotidien surchargé.
Ecrire, plus qu’un simple exutoire, devient donc une véritable thérapie. Journal intime, poésie, nouvelle, roman, pièce de théâtre, nombreuses sont les formes d’expression qu’expérimentent, ici et là, des jeunes, des moins jeunes, hommes et femmes, gonflés à bloc par les horreurs de la misère morale et matérielle ambiante, bien souvent levain de grandes inspirations. De la même manière dont une bouffée d’amour ou de spiritualité peuvent nous transporter.

C’est si bien d’écrire ce qu’on sent, ce qu’on ressent… C’est si bien de dire ce qu’on défend contre la violence des vents ennemis, des vents contraires. C’est si bien d’extraire de son esprit des idées sous forme de mots pour se libérer des fantômes ailés, des fantômes zélés qui peuplent les rues de nos imaginations.

Oui. Comme cela fait du bien de vomir quand on a la nausée. Comme cela fait du bien de rire quand on est heureux. Comme cela fait du bien de pleurer, parfois, quand on a mal, quand tout va mal, quand on en a marre !!!

C’est si bien de vivre à travers la splendeur excitante des lettres enjouées, légères et frivoles dont le mystère des copulations fonde notre être profond. C’est peut-être pour cela que plus j’écris, plus je me sens libre, ivre de la vie, des aires sans frontières. Plus j’écris, plus je vis.

Mais au-delà de cette forme d’écriture littéraire qui résulte en fait d’une exaltation, d’une jubilation personnelle qu’on partage, je crois qu’il ne faut pas oublier l’écriture militante, l’écriture de combat. Je veux parler de cette écriture qui devient un moyen de dénonciation des tares sociales (corruption, abus de pouvoir, clientélisme, gabegie, etc.) entretenues par des gouvernants incompétents ou sans concscience. Un moyen de rejet de l’arbitraire, de l’injustice… Cette écriture douloureuse qui est le reflet de la douleur du monde et l’expression de notre rapport à ce monde, doit être, non pas comme le couteau  qu’on tourne dans la plaie, mais comme une épreuve de catharsis qui libère notre mémoire et soulage notre conscience. Je me suis toujours dit que derrière une écriture, il y a soit un plaisir à partager, soit une plaie à panser ou un problème à poser. En tout cas, me concernant, l’écriture a une fonction qui, si elle n’est pas exclusivement jouissive, peut être au moins informative, préventive ou curative.

L’élan qui nous pousse vers cette forme d’écriture que nous désirons aussi partager avec les autres comme acte de témoignage, de solidarité ou de compassion, doit pouvoir s’affranchir de toute considération pécuniaire et de tout souci de petites gloires à glaner ici ou là. C’est un travail d’intime conviction qui ne devrait pouvoir s’échanger contre rien au monde.

Je n’ignore pas cependant qu’il existe ceux qui ne prennent la plume que pour faire mal, pour casser, pour démolir, pour provoquer des confrontations, des affrontements, des conflits. Très souvent par procuration. Très souvent contre des espèces sonnantes et trébuchantes. Très souvent contre la morale et le bon sens. Très souvent avec la complicité d’organes de presse mercenaries qui vendent leur âme à des hommes politiques d’occasion.

Mais ceux-là sont comme ces écueils naturels qui jonchent toute voie qui mène au bonheur, au succès, à la consécration. Nous ne devons pas nous laisser distraire par ni par leur mépris pour notre pensée ni par la violence de leurs propos à notre égard. Il faut garder à l’esprit le but de notre mission. Tant que nous sommes convaincus de sa noblesse. Le vrai courage, ce n’est ni de suivre le courant de l’eau pour démontrer notre obséquiosité, ni d’aller à contre-courant pour démontrer notre capacité à nous opposer à un certain ordre. Le vrai courage réside dans notre détermination à défendre le bien-fondé de nos idées et à nous y accrocher fermement sans céder à toutes les formes de pressions possibles.  Dans un monde comme le nôtre, qui s’effondre, parce que toutes les grandes valeurs, culturelles et sociétales s’y effritent, il faut oser écrire pour mettre la pendule à l’heure quand il le faut. Il faut oser exprimer son indignation face à la méchanceté gratuite des plus forts face aux plus faibles. Il faut oser être la voix des sans voix pour porter leur parole jusqu’au coeur du pouvoir. Oui, il faut oser…Mais, il faut aussi rester vigilant ! Parce que le pouvoir a les bras long, et qu’il peut user de tous les stratagèmes possibles pour vous nuire. Moralement ou physiquement. Il ne s’agit pas d’avoir peur, mais d’être prudent. Car, partout où il y a des Chebeya, on peut trouver des Kabila. Comme partout où naît un Sankara, un Compaoré peut surgir. “Le loup est ailleurs que dans les bois”, écrivait le poète. Et il a tellement raison !

Ecrivons donc. Pour nous défouler, pour nous vider du trop-plein de "gaz carbonique" qui nous étouffe et remplit notre sommeil de cauchemars monstrueux. Ecrivons pour revitaliser notre esprit et positiver notre pensée. Parce qu’une pensée étouffée fait de notre cerveau un dangereux foyer de tension. Mais écrivons surtout pour partager. Surtout avec ceux qui souffrent. Pour leur dire que nous sommes à leurs côtés. Que nous avons de la compassion pour eux. Que nous sommes solidaires de leur misère et que nous travaillons à ouvrir les yeux du monde sur eux, pour leur venir en aide. Parce que, comme l’a dit un sage, si "un bonheur à deux est un double bonheur, une souffrance à deux est une demi-souffrance".

Merci à tous ceux qui ont eu du plaisir à me lire, au fil des semaines écoulées et m’ont souvent encouragé. Merci aussi à tous ceux qui m’ont insulté et traité de tous les sales noms possibles, parce que, comme une girouette rebelle, je refusais d’aller dans le sens de leur vent. Ces derniers m’ont aidé à comprendre que jamais je ne dois changer de chemin.
Bonne période de jeûne à tous les musulmans d’ici et d’ailleurs.
A beaucoup plus tard, inch’allah !   Bien à vous.
Par Minga S. Siddick

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