Marasme économique et fête de Tabaski : Comment les Maliens s’adaptent-ils ?
À l’approche de la Tabaski, l’excitation des Maliens reste intacte, mais elle se heurte à une réalité économique de plus en plus préoccupante. Entre la flambée des prix, un chômage persistant et un pouvoir d’achat en baisse, les familles redoublent de stratégies pour célébrer cette fête essentielle sans sombrer dans le surendettement.

La Tabaski est traditionnellement marquée par l’immolation du mouton, le partage de repas festifs, le port d’habits neufs et des gestes de solidarité. Pourtant, pour de nombreux foyers maliens, acheter un mouton devient un luxe difficilement accessible.
Actuellement, le prix d’un mouton à Bamako varie entre 200 000 et 1 000 000 F CFA, selon le poids et la qualité, une somme jugée excessive dans un contexte où les denrées alimentaires de base ont augmenté de 30 à 50 % depuis le début de l’année. La pression économique liée au fonds de soutien pèse également sur les ménages.
Malgré ces difficultés, beaucoup refusent de renoncer à la fête.
"On ne peut pas ignorer la fête de la Tabaski, mais on fait avec les moyens du bord. Les enfants ne sont pas compliqués avec les vêtements, une petite somme suffit pour leur faire plaisir. Cette année, je prévois de partager l’achat d’un mouton avec ma sœur. Ce n’est pas l’idéal, mais c’est une solution", raconte Mariam Maïga, enseignante.
Des ajustements pour maintenir la tradition
Face à cette conjoncture, certaines familles optent pour des moutons plus petits, tandis que d’autres se tournent vers les chèvres. Nombreux sont ceux qui repoussent l’achat de l’animal à la veille de la fête, espérant une baisse des prix, un pari risqué mais parfois payant.
L’habillement aussi s’adapte à la situation. Là où chaque membre de la famille pouvait auparavant espérer une tenue neuve, cette année, un boubou bien repassé suffira.
"Cette année, nous n’avons pas encore acheté de mouton. On attend, on espère que les prix vont baisser… Avant, même avec un petit salaire, on pouvait s’en offrir un, mais aujourd’hui, pas de nouveaux habits pour les enfants, ni de grandes cuisines. Juste le strict minimum. À croire que la fête est devenu un luxe pour les pauvres", nous confie Moussa, chef de famille.
Au-delà du rituel du sacrifice, la Tabaski reste avant tout une fête de spiritualité, de partage et de cohésion familiale.
Pour les Maliens, l’essentiel est de préserver ce lien, même en toute sobriété.
Face aux défis économiques, la Tabaski évolue mais garde son âme. Les familles s’adaptent, et dans l’épreuve, elles prouvent une fois de plus leur capacité à célébrer avec dignité et résilience.
Regina Dena
(Stagiaire)
TABASKI ET LA FLAMBEE DES PRIX DES DENREES ALIMENTAIRES
Les ménages redoublent d’efforts
La fête de Tabaski, symbole de solidarité et de générosité, entraîne chaque année une forte augmentation de la consommation alimentaire. Ce phénomène se traduit par une hausse des prix des produits essentiels, mettant les ménages à rude épreuve.
Comme ces dernières années, les familles doivent faire preuve de stratégie et d’adaptation pour répondre à la demande croissante.
Le jour de la fête, les préparatifs culinaires se concentrent sur des plats riches en viande, principalement le mouton, accompagnés de riz, d’huile, d’épices et de condiments variés. Cette forte demande exerce une pression considérable sur les marchés, provoquant une flambée des prix.
À Bamako, les commerçants anticipent cette période en augmentant les tarifs quelques jours avant la fête, rendant l’accès aux produits encore plus difficile.
Les légumes et crudités, indispensables à la préparation des repas festifs, voient leurs prix s’envoler au fil des jours. Certains produits sont même mis de côté pour la fête ou disparaissent momentanément des étals.
Les grands marchés de Bamako, tels que N’tomikorobougou, Wolofobougou, Wonida et Soukouni Koura, témoignent de cette tendance inquiétante. Par exemple :
Le grand panier de tomates, autrefois cédé à 10 000 - 12 000 FCFA, atteint désormais 30 000 FCFA, parfois difficile à trouver.
Le sac de choux passe de 8 000 FCFA à 25 000 F CFA.
Le sac de poivrons, vendu auparavant à 7 500 FCFA, est aujourd’hui à 12 500 FCFA.
Les carottes marocaines grimpent de 350 FCFA à 1 000 FCFA par sachet.
Les betteraves, anciennement vendues à 375 FCFA, atteignent 1 250 FCFA.
Le grand panier de piments est désormais à 40 000 FCFA, et le sac de céleris avoisine 30 000 FCFA.
Selon Assan Traoré, vendeuse de légumes au marché de N’tomikorobougou, ces prix pourraient encore augmenter à l’approche de la fête.
Un défi pour les ménages
Cette inflation alimentaire pèse lourdement sur les familles, en particulier les ménages à revenus modestes. Acquérir un mouton devient un véritable défi financier, tandis que le coût élevé des produits de base complexifie l’organisation des repas festifs.
Face à cette situation, nombreux sont ceux qui ajustent leurs achats, recherchent des alternatives ou réduisent leurs dépenses.
Malgré ces difficultés économiques, la fête de Tabaski reste un moment fort de partage et de solidarité, où la générosité transcende les contraintes financières.
Les familles trouvent toujours des moyens de célébrer ensemble, renforçant ainsi les valeurs profondes de cette tradition.
Fanta Traoré
(Stagiaire)
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