Ras- le-Bol !

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Smockey le Burkinabè, Fadel Barro le Sénégalais, Fred Bauma le Congolais…A cette galaxie-non-exhaustive-de jeunes leaders de la société civile en Afrique francophone qui ont fait trembler des régimes politiques ou carrément emporté d’autres, il va falloir désormais ajouter les noms de Lacine Diawara et Mamadou Sissoko dit Papman les Maliens. Le premier, à la tête du Biprem, vient de porter plainte contre le président de la République pour haute trahison (inédit dans l’histoire du Mali) ; et le deuxième, un ancien leader estudiantin, vient de lancer une vaste plate-forme de contestation appelée Ras-le-bol. Objectif commun : dénoncer la mauvaise gouvernance qui a engendré un malvivre généralisé dans le pays, d’une part, et, entreprendre toutes actions utiles pour parer aux dérives du pouvoir, d’autre part. Le Mali n’est certes pas le Burkina ou le Sénégal, mais attention aux mouvements de la société civile partis des jeunes !                                                                                                                                          « Ce mardi 1er mars 2016 à 16h30 à la Maison de la Presse de Bamako, le Biprem-Faso ko (Bloc d’Intervention Populaire et Pacifique pour la Réunification Entière du Mali), majoritairement composé d’hommes de presse, organise une grande conférence de presse inédite. Rencontre suprême à laquelle vous entendrez une déclaration jamais faite au Mali. Vous constaterez une action jamais posée au pays.

Le Biprem-Faso ko invite la presse nationale et internationale ainsi que tous les citoyens maliens, à venir être des témoins oculaires de cette historique rencontre dans la grande salle de la Maison de la presse ce mardi 1er mars 2016 à 16h30 ». Ainsi était libellé et diffusé dans la presse et via les réseaux sociaux un communiqué du Biprem qui invitait l’opinion au lancement de ses activités. Le jour J, les membres de ce Bloc ont pris plus d’un à contre-pied, en annonçant le dépôt, dans la matinée, auprès de la Haute cour de justice du Mali, d’une plainte contre le président de la République du Mali pour haute trahison.

Pour étayer leur dossier, Lacine Diawara et ses camarades brandissent sept griefs majeurs à l’encontre du chef de l’Etat, tous assimilables  selon eux, à des faits de haute trahison.

Tout d’abord, son refus de faire la déclaration publique de ses biens comme la Constitution le lui oblige.

Ensuite, selon eux, le président de la République doit s’expliquer  sur les faits de détournement de plus de 28, 5 milliards de FCFA (source BVG 2014) dans les contrats d’achat de l’avion présidentiel et d’équipements militaires ; de malversations et surfacturations dans les scandales des engrais frelatés et des 1000 tracteurs du président de la République.

Ibrahim Boubacar Kéïta est également accusé d’avoir ramené indûment le budget des forces armées de 281 milliards en 2015 à 213 milliards en 2016 et augmenté le budget de la Présidence de la République de 9,3 milliards en 2014 (14,6 milliards en 2015) à 19,3 milliards en 2016.

Autres griefs invoqués contre le président IBK : pourquoi l’Etat n’a plus de contrôle sur Kidal ? Pourquoi le chef de l’Etat se montre incapable de veiller à l’application de l’Accord de paix signé il y a près de dix mois ?

 

Trahi le suffrage des Maliens

Enfin, le Biprem indexe le chef de l’Etat comme étant le seul responsable de l’instabilité gouvernementale qui a vu défiler trois Premiers ministres et 6 gouvernements deux ans.

Le président de la République devra donc répondre de tous ces chefs d’accusation devant la Haute cour de justice, seule compétente à juger lui, et les ministres en fonctions.

Fait troublant ou signe des temps ? Cette action du Biprem, « jamais posée au Mali », intervient 48 heures seulement après que des centaines de jeunes aient élevé la voix pour exprimer leur ras-le-bol sous la forme du lancement, dimanche 27 février dernier au Foyer des jeunes de Magnambougou, des activités de la plate-forme dénommée « Ras-le-bol ». Regroupant environ 300 associations, organisations de jeunes et leaders d’opinion à travers le pays, ce mouvement, dirigé par l’ancien leader estudiantin, Mamadou Sissoko dit Papman, entend s’insurger contre la mauvaise gouvernance et dénoncer les dérives dans la gestion des affaires publiques. En créant « Ras-le-bol », ses initiateurs veulent apporter un changement dans la gestion actuelle des autorités à travers des actions autorisées par la loi.

Mamadou Sissoko se dit très déçu du président, plébiscité à plus de 77 % par ses concitoyens en 2013. Il l’accuse d’avoir trahi le suffrage des Maliens.

En outre, la plate-forme « Ras-le-bol » égrène elle aussi des griefs poignants relatifs à l’instabilité gouvernementale, aux scandales de l’achat de l’avion présidentiel. Sur ce cas précis, Sissoko regrette qu’aucun des ministres impliqués et relevés de leur fonction sous la pression des partenaires n’ait encore répondu de ses actes devant la justice. Dans quel pays sommes-nous ? s’interroge le coordinateur national de la plateforme « Ras-le bol ». Selon qui, les problèmes demeurent à tous les niveaux et dans tous les secteurs. Mamadou Sissoko confie : « Economiquement, les gens souffrent, le panier de la ménagère est vide, les femmes et les enfants souffrent. L’école malienne est malade, l’armée aussi. L’insécurité est là partout, au nord comme au sud sans oublier le centre ».

Pour lutter contre ces dérives qui plombent le développement et plongent les populations maliennes dans le plus grand dénuement, la plateforme Ras-le bal prévoit dans les jours à venir des actions d’envergure à Bamako et dans les grandes villes : marches, sit-in. Elle rejoint à ce propos le Biprem qui entend lui aussi diffuser des pétitions via les réseaux sociaux et dans les mairies.

A ces mouvements qui se créent spontanément, il faut ajouter d’autres non moins virulents tels « An filila » ; « An torola », « ATT yafama », sans oublier certains messages forts lâchés par des rappeurs sur les déviances du régime.

Alors, à l’image des Sénégalais de “Y’en a marre” ou des Burkinabè du “Balai citoyen”, qui ont déjà une belle notoriété au-delà des frontières de leurs pays, les Maliens de « Ras-le-bol » et du Biprem Faso ko naissent et prennent déjà de l’envol. Jusqu’où ira ce mouvement de mécontentement?

Sékou Tamboura

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