Révision constitutionnelle-référendum : Partisans/Opposants: A qui le dernier mot ?

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Depuis plus d’un mois, le  projet de révision constitutionnelle a instauré une polémique sans précèdent dans l’histoire constitutionnelle du Mali. Le débat a engendré la création de deux blocs : les partisans et les opposants, et suscite beaucoup d’activisme des uns et des autres. Aujourd’hui, le référendum, initialement programmé pour le 9 juillet est certes reporté, mais le projet n’est pas retiré du circuit. Et, malgré l’accalmie, le débat se poursuit. Les forces d’opposition s’agitent ; le front du Oui bouge. Chacun cherche, par tous les moyens et les canaux de communication possibles, à convaincre l’opinion du bien fondé de ses arguments. Qui va gagner ce duel à distance ?

Dans cette guerre de droit constitutionnel, de droit international, de la force de mobilisation, de l’information, de la communication et de la sensibilisation, tous les moyens sont bons (et utilisés) pour parvenir au but, y compris le mensonge, la désinformation et l’intoxication. Ne dit-on pas que « la fin justifie les moyens ».

Le pouvoir ne ménage aucun effort pour faire adhérer le maximum de Maliens au projet présidentiel. Ainsi, les ministres, les députés multiplient les sorties sur le terrain, pour répliquer à l’activisme de l’Opposition et ses alliés du Non, déterminés à aller au bout de leur logique et de leur objectif, à savoir le retrait pur et simple du projet de révision constitutionnelle. Chaque camp a ses argumentations.

Le président de la République, initiateur de la révision, et les partisans du projet évoquent l’impérieuse nécessité d’adapter l’Accord de paix ou Accord d’Alger à la constitution.

Ensuite, il s’agira de coller le Mali aux exigences sous régionales, avec, comme exemple concret, l’OHADA qui prévoit la création d’une Cours des comptes par chaque Etat membre.

Enfin, entre 1992 et maintenant, les réalités ont changé ; la constitution doit suivre.

Le président peut désormais changer la constitution sans se référer au peuple.

De l’autre côté, l’Opposition et la société civile estiment que le contexte ne s’y prête pas, compte tenu du fait que le pays est en guerre,  avec une grande dose d’insécurité permanente.

A ce niveau, les Opposants au projet invoquent l’article 118 de la constitution qui stipule qu’on ne saurait envisager une révision constitutionnelle interdit tout référendum, s’il est porté atteinte à l’intégrité territoriale, comme c’est le cas aujourd’hui à Kidal, où l’administration est absente depuis des années.

L’Opposition ne porte pas de gants pour dénoncer ce qu’on peut appeler une faiblesse de l’Etat face aux groupes armés par rapport à l’application de l’Accord d’Alger.  Selon elle, c’est l’Accord qui doit s’adapter à la constitution en tant que loi fondamentale,  et non le contraire.

Autre point du projet de texte constitutionnel qui irrite le camp du Non, ce sont les pouvoirs exorbitants que le président de la République s’est arrogés. Il nomme le 1/3 des membres du Senat. Il nomme le président de la Cour Constitutionnelle, juge de l’élection présidentielle et des élections législatives. Il nomme le Premier ministre et met fin à ses fonctions. Il définit la politique de la Nation en lieu et place du gouvernement.

Enfin, le Front du refus pense que le président de la République s’est empressé de fixer la date du référendum (le 7 juin pour le 9 juillet), soit moins d’une semaine après que l’Assemblée nationale eut adopté le texte, dans la nuit du 2 au 3 juin 2017.

Il n’en fallait  pas plus pour chauffer la scène politique. Deux blocs se forment : l’un pour le « Oui » et l’autre pour le « Non ».

Constat : sur le terrain, les partisans du Non (incarnés par la plateforme « An tè, A bana ! Touche pas à ma Constitution ») sont plus actifs et multiplient tous les moyens légaux (à l’exception du meeting non autorisé du 1er juillet ?) pour exprimer leur  désaccord face au projet de révision constitutionnelle. La démonstration de force lors de la marche du 17 juin  dernier est la preuve qu’ils étaient prêts à aller au charbon si le président n’avait pas reporté le référendum. Cette manif des contestataires a réveillé, voire à constituer le déclic pour le Front du Oui. Le mouvement « An ka ben » se réveille. La plateforme « Oui An Son Na » est née.

Les ministres, les députés et les jeunes du pouvoir, acquis à la cause du projet de révision constitutionnelle entrent dans la danse. Ça bouge de tous les côtés. La scène politique est chauffée à blanc.

Tout porte à croire que les jours à venir seront déterminants pour le résultat final entre les deux camps. Car, le débat se poursuit via les médias, les réseaux sociaux et dans les méandres judiciaires. A ce niveau, l’Opposition qui en plus de ses actions sur le terrain, avait saisi la cour constitutionnelle d’une requête en inconstitutionnalité.

Les 9 sages de l’institution ont donné suite au recours en faisant des observations  sur le texte de révision constitutionnelle, demandé des corrections et ordonné le renvoi devant l’Assemblée nationale.

Après le verdict de la Cour Constitutionnelle, faisant suite au report du référendum, l’Opposition et la société civile ont mis de l’eau dans leur vin, mais disent rester mobilisées jusqu’au retrait pur et simple du projet. Le président de la République et ses soutiens ne sont pas dans cette logique. Alors, à qui le dernier mot ?

Housséini Traoré

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1 commentaire

  1. Nous sommes dans la même atmosphère que quand le Président ATT a voulu faire un référendum sur la FAMILLE… C’était tout aussi tendu qu’aujourd’hui avec le référendum proposé par le Président IBK…
    A croire que au MALI, chaque nouveau Président qui arrive au pouvoir, veut sa révision constitutionnelle, ou veut adapter la loi fondamentale à sa vision du MALI et à son projet politique… ?
    A mon avis, les Peuples n’aiment pas trop qu’on leur fasse changer leur loi fondamentale chaque fois qu’un régime cherche à mesurer son degré de popularité… On peut être d’accord avec un regime sans pour autant vouloir idolâtrer son Mentor. Et ça, même le Général DE GAULLE l’a constaté à ses dépens. Puisque quand il voulut un référendum, en mettant sa démission dans la balance en cas de désaveux, c’est de son propre camp politique que s’est manifestée la fronde…
    Au MALI, le Président IBK utilise l’argument ” de adapter l’accord de paix à la constitution du MALI “… Mais même là, on comprend pas bien. Les dirigeants des groupes armés ont pris position pour le OUI au référendum… Dans le même temps, chaque fois que le Gouvernement Malien prend une initiative pour le retour de l’ETAT à Kidal, des affrontements armés de ces mêmes groupes armés empêchent le Gouvernement de concrétiser son retour dans ces zones occupées… S’ils sont pour le Oui au référendum, ils devraient alors accepter le retour de l’ETAT à Kidal et y permettre la tenue de tout scrutin quel qu’il soit…
    Par ailleurs, c’est à croire que les auteurs de l’initiative de ce projet de référendum se tirent eux même une balle dans le pied… ? Sinon, ils auraient dû prévoir que le mode de désignation des Sénateurs proposé, pose un réel problème de démocratie… Si 1/3 des Sénateurs sont nommés par le Président de la République et l’autre partie désignée par des institutions de la République dont les présidents sont eux même nommés par le Président de la République, ça voudrait dire que le Président de la République nomme directement et indirectement tous ces Sénateurs…
    Pourquoi ne pas faire élire ces Sénateurs au suffrage universel direct ou indirect. Ce Sénat serait même mieux accepté si par exemple tous les partis politiques ou toutes les tendances idéologiques y étaient représentées… De ce fait, quoi de meilleurs qu’un scrutin à la proportionnelle, pour plus de démocratie… ? Au lieu de chercher à amadouer des Chefs traditionnels en leur assurant un salaire mensuel de Sénateur sans mandat électoral, parce qu’on pense que comme ça ils n’enverront plus leurs jeunes à prendre des armes contre l’ETAT… ? Nos Gouvernants seraient-ils à ce point désespérés dans la résolution de la question du nord-MALI… ?

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