Le vendredi 23 Août 2019, le président de la Coordination des mouvements de l’Azawad déclare que l’Accord d’Alger est agonisant. Le même jour, le responsable de la Mission des Nations Unies au Mali (Minusma) affirme qu’il n’y a pas d’alternative audit accord, signé depuis quatre ans, et que le président de la République aurait dû le soumettre depuis à l’avis du peuple malien. Tous deux semblent refléter la position du chef de l’Opposition malienne, Soumaïla Cissé, qui marque le pas à la porte du « dialogue national inclusif ». Faut-il penser, comme Salif Kéïta dans une vidéo publiée récemment sur les réseaux sociaux, que le président IBK « a peur » dénoncer cet accord, et, du même coup, la présence des forces françaises et de la Minusma ? Mais au lieu d’avoir peur, le « grand frère » de Salif n’est-il pas plutôt en quête de deux autres mandats possibles avec la révision constitutionnelle en vue et soutenue par la France et la Minusma ? Dans ce cas, il convient de sonner l’alerte générale, car on peut dire que le piège de la partition se refermerait ainsi sur le Mali, quand on sait que le G5 rappelle fortement une certaine…OCRS !

            COUCOU, REVOILA, L’OCRS, ET EN FORCE !

La situation au Mali est comme un imbroglio mis en place pour permettre aux puissances extérieures de venir le démêler, avec la bénédiction d’un pouvoir local en quête d’une paix des braves considérée comme un moindre mal, et celle d’une population déjà éprouvée par la misère et la corruption.

Commençons par le G5, cette parodie flatteuse du G7 et du G20 (groupements économiques, et non alliances militaires, des pays les plus développés du monde).  Les faits ont prouvé que ce Groupe de cinq pays du Sahel n’est pas opérationnel, ses troupes n’ayant pas un commandement unique ni les moyens conséquents, quand on sait que ceux-ci sont indissociables de la tactique et de la stratégie : d’où le retrait de la Mauritanie, y laissant à leur sort leMali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad.

Dans son tracé des frontières, le colonisateur français a inclus l’Azawad dans le Mali et le Hodh dans la Mauritanie, pour ne citer que cet exemple. On peut penser que c’était pour semer les graines du séparatisme afin d’exploiter les événements le moment venu. On sait que, à défaut de l’Algérie tout entière (colonie à laquelle elle imposa une décennie d’une guerre cruelle), la France aurait bien voulu garder le Sahara (où elle a fait exploser sa première bombe atomique) : c’est l’histoire de l’OCRS (Organisation commune des régions du Sahara), un G5 avant la lettre. Avec l’énergie du désespoir, et à contre-courant du mouvement des indépendances, la France créa en 1957 cette « collectivité territoriale » saharienne prévoyant « un accord » (tiens !) avec les colonies françaises de l’AOF et de l’AEF, mais dut y renoncer en 1963, en remettant sûrement cela à un moment plus propice.

Le piège tendu par les Anglais à Hong Kong sous la forme de la fracture entre les générations eût fonctionné à coup sûr si la Chine n’était pas passée entretemps à l’économie libérale. On peut donc se demander si la fin de la guerre froide vers 1990 ne signifie pas celle de l’apparente indépendance des anciens pays colonisés qui n’ont pas pu sortir du sous-développement pendant le quart de siècle où ils furent courtisés des deux côtés. En tout cas, le moment attendu par Barkane et autres Takouba semble venu.

JIHADISTES ET TERRORISTES

Quelle est la différence entre jihadistes et terroristes ? Les Jihadistes ne s’en prennent pas à l’intégrité nationale du Mali, ils veulent « seulement » instaurer la charia. Ce serait par exemple le but d’Ansardine de Iad Ag Aly basé à Kidal. Et de l’Etat islamique, dont le territoire couvrait l’Irak et une partie de la Syrie. On appelle terroristes les auteurs d’attentats contre les forces de l’ordre ou les civils dans le cadre d’une stratégie de déstabilisation du pouvoir. Si, dans un passé récent, le terme désigna surtout les partisans ou combattants gauchistes des mouvements de libération, il semble désormais réservé aux individus ou groupuscules musulmans luttant contre l’Occident judéo-chrétien accusé de mener une croisade contre le monde islamique aux côtés de « l’ennemi sioniste », Israël. Jihadistes et terroristes se retrouvent sous la dénomination commune de « rebelles ».

Certains dirigeants arabes, comme Khadafi ou Saddam Hussein, ont également été accusés d’être des terroristes. En effet, avec le terrorisme, on est avant tout en terrain politique : les résistants français de la 2e Guerre mondiale étaient des « terroristes » aux yeux des hitlériens ; plus près de nous, les combattants kurdes des Forces démocratiques syriennes et du PKK, considérés comme terroristes par la Turquie, sont « les amis » de l’Occident, selon un responsable français. Ce 24 novembre 2019, le vice-président américain en visite en Irak, dit qu’il ne rencontrera que les Kurdes, des rebelles, comme chacun sait.

Pour en revenir au cas de notre pays, Jihadistes et terroristes peuvent passer à tout moment d’un groupe à l’autre : on l’a vu avec les perpétuelles mutations à l’intérieur de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) dans un va-et-vient savamment orchestré et que les Maliens ont interprété comme une conspiration internationale dirigée par la France. Le président de la République, lui, rejette la thèse du complot, répétant d’ailleurs qu’aucun pays à lui seul ne peut vaincre le terrorisme : pour lui, Minusma, Barkhane, Takouba sont donc les bienvenus. Le scénario d’une révision constitutionnelle pourrait lui permettre de remporter les élections et d’entrer dans l’histoire de la 3e République en établissant un record pour le nombre de mandats : en Afrique, de telles choses, ce n’est pas rien !

ACCORD DE DEFENSE ET ACCORD DE COOPERATION MILITAIRE

Ce 21 novembre 2019, le ministre de la Défense, héros du jour à la séance de questions orales, a tenté de faire la distinction entre accord de Défense et accord de Coopération militaire. L’accord e Défense, dit-il, c’est quand un pays « sous-traite » sa défense à une puissance, une situation à ne pas souhaiter pour le pays, dont la défense doit revenir à ses propres forces armées. Pourtant, reconnaît-il, en 2012, sans l’intervention de la force Serval, à l’appel du Président Dioncounda, le pays aurait été pris. Quant à l’accord de coopération militaire, il concerne, outre la fourniture (c’est-à-dire l’achat) de matériel, l’échange de renseignements, un élément capital : les guerres de1967 et de 1973 l’ont montré au Proche-Orient, quand le « petit » Israël l’a emporté sur toutes les armées arabes coalisées, grâce aux renseignements mis à sa disposition par ses alliés occidentaux. Si notre pays bénéficie des informations satellitaires sur la position de l’ennemi, alors il y a accord de défense, et non simple accord de coopération militaire, en dépit des définitions formelles destinées à créer une confusion…stratégique. Et s’il n’en bénéficie pas, alors il y a trahison. Il semble que ce soit les rebelles qui en bénéficient, vu leurs succès prétendus ou réels sur le terrain.

LE G7 POUR UNE PARTITION DU MALI

Le G7 ouvre sa rencontre le 24 septembre 2019 à Biarritz en France. Après l’exclusion de la Russie à cause de la crise de la Crimée, il comprend l’Allemagne, le Canada, les Etats-Unis, la France, l’Italie, le Japon, le Royaume Uni. Huit pays sont invités : l’Afrique du Sud, l’Australie, le Burkina Faso (représentant le G5), l’Inde, le Rwanda, l’Union africaine, la Côte d’Ivoire, la Guinée. Bien que le G7 soit un groupe informel, Macron déclare que cette session prendra des décisions capitales concernant l’Afrique, puisque, dit-il, « le monde est à un moment où il peut basculer ». A l’ordre du jour : la sécurité, notamment en Afrique, voisine « la plus proche » de l’Europe (Sahel et Libye), le nucléaire iranien, le Proche-Orient, les migrations, les inégalités, le genre, la société civile, le climat. Pour un groupe informel (donc une réunion informelle) le menu était plutôt fourni ! Finalement la partition du Mali n’aura pas lieu à cette rencontre, ni sa mise sous tutelle au nom de la paix et de la sécurité en Europe.

En effet, la Côte d’Ivoire d’Alassane Ouattara, la Guinée d’Alpha Condé ne se sont pas prêtées au jeu, alors qu’on pouvait promettre en échange à leurs présidents après révision constitutionnelle, un troisième mandat convoité. Le président ivoirien a déclaré le 21 juin 2019 que les forces onusiennes et celles du 5 Sahel n’étaient pas suffisantes et qu’il convenait de trouver désormais « des moyens convenables de coordination plus élargis et plus efficaces » pour lutter contre le jihadisme, qui s’étend au Sahel et dans l’Afrique de l’Ouest. Au temps de Blaise Compaoré, on eût pu craindre de la part du régime burkinabè une sympathie pour le G7, voire une allégeance : mais le Burkina Faso est désormais lui-même victime des attaques terroristes. Le président Macky Sall du Sénégal en visite d’Etat en Côte d’Ivoire du 20 au 22 juin, a estimé, lui, qu’il fallait « développer des solidarités, mais également des synergies en matière de renseignements et de coopération sécuritaire ». Pour le Guinéen Alpha Condé, à n’en pas douter, le Mali et la Guinée sont les deux poumons d’un même cœur, selon la formule de Sékou Touré. La CEDEAO, largement présente, mais avec des membres réticents, fut donc écartée et remplacée par l’ami Fatah Al Sissi, le très démocrate président de l’Egypte et de l’Union africaine. On sait aussi que Macron avait, lors de son précédent voyage officiel, confié à l’Egypte un rôle de gendarme dans la région. Qu’a-t-il dit au G7, M. Al Sissi ? Mystère ! Un mystère plus grand encore entoure l’attitude du nouveau président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani, qui a rencontré discrètement le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian à Paris le 16 juillet 2019 et cela, avant même son investiture prévue pour le 02 août 2019. C’est aussi le lieu de rappeler que le président Macron avait été le premier à féliciter Mohamed Ould Ghazouani au sortir d’une élection fortement contestée. Aux dernières nouvelles, la CEDEAO fournira de l’argent mais ne réunira pas de troupes pour le combat anti-terroriste. Les contingents étrangers dont les Maliens et les Burkinabè réclament le départ peuvent donc dire : nous y sommes et nous restons ! Avec, pour le Mali, un temps de répit.

Ibrahima KOITA, journaliste

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