Pour émerger dans un monde en recomposition : L’impérieuse nécessité de réformer l’économie malienne pour réduire la vulnérabilité du pays aux chocs externes

Pour émerger dans un monde en totale recomposition (sur les plans de la géostratégie et de la géopolitique, les pays en développement n’ont d’autres choix aujourd’hui que réajuster leur économie.

26 Juin 2025 - 02:03
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Pour émerger dans un monde en recomposition :  L’impérieuse nécessité de réformer l’économie malienne pour réduire la vulnérabilité du pays aux chocs externes
Macky Cissé, consultant politique indépendant

 Un choix auquel n’échappe pas le Mali. Comment cela doit-il être fait ? Nous avons essayé de baliser quelques pistes dans cet article.

 L'émergence caractérise le processus par lequel un État s'intègre à l'économie globalisée et au capitalisme mondial grâce à une croissance économique, c'est-à-dire une augmentation du produit intérieur brut (PIB) forte pendant plusieurs années. L’érosion des circuits commerciaux internationaux, l’incertitude accrue des politiques publiques, la possibilité d’une récession et le retrait des Etats-Unis du leadership économique mondial devraient exercer une pression à la baisse significative sur la croissance économique mondiale à court terme et souligner en même temps la nécessité d’une nouvelle gouvernance mondiale.

Ces récents développements s’inscrivent dans le contexte de l’effondrement progressif du monde unipolaire. Dans un tel contexte, la première ligne de défense des pays consiste à prendre des mesures préventives pour préserver la stabilité macroéconomique et renforcer la résilience économique. Tandis que l’économie mondiale post-Covid 19 montrait des signes de stabilisation, le risque d’une récession mondiale induite par les politiques publiques a considérablement augmenté. En effet, la politique douanière des Etats-Unis a perturbé le commerce mondial, déstabilisé les marchés financiers et compromis les perspectives de croissance prometteuses du début d’année.

D'une manière parallèle, à moyen et long termes et pour tout pays dépendant du commerce et des marchés internationaux, il est désormais évident que même si les Etats-Unis parviennent à assouplir leur guerre commerciale, de nouveaux accords commerciaux et économiques mondiaux seront nécessaires pour reconstruire une nouvelle gouvernance en appui à un nouvel ordre multipolaire. Un tel contexte n’a jamais été aussi opportun pour la mise en œuvre de nouvelles stratégies coordonnées destinées à stimuler la demande intérieure mondiale et faire face à des défis structurels pressants. 

Pour ce qui est du cas du Mali, notre pays ne pourra s’en sortir qu’en retrouvant des marges de manœuvre économiques qui passent par des réformes cohérentes et globales inscrites dans une vision de long terme, visant à engager le pays sur la voie de l’émergence économique. Discutons de ces points, dans un contexte international tendu, aggravé par des déséquilibres macroéconomiques internes et des rigidités structurelles profondes. L’incertitude croissante autour des politiques publiques des Etats-Unis a des effets profonds et durables qui dépassent le seul cadre économique.

Elle freine la croissance en décourageant l’investissement et la consommation, tout en poussant les prix à la hausse. Une telle instabilité secoue les marchés financiers, affaiblit les monnaies (dont le dollar) et fait grimper l’or et chuter les bourses du fait de l’inquiétude des investisseurs. Elle nuit aussi à la confiance des entreprises, freine la création de l’emploi et mine la crédibilité des institutions, notamment lorsque l’indépendance des banques centrales est remise en cause. Sur le plan mondial, le protectionnisme américain et l’instabilité budgétaire fragilisent la confiance du système commercial fondé sur des règles.

L’escalade des tensions commerciales, déclenchée par le choc tarifaire des États-Unis, renforce l’incertitude économique mondiale. Cette dernière freine la croissance (attendue à 2,8 % en 2025 contre 3,3% en 2024), durcit les conditions financières et entraîne des sorties de capitaux, affectant surtout les marchés émergents. Dans ce contexte tendu, les pays avancés doivent composer de plus avec un vieillissement de la population qui fragilise leurs finances publiques, tandis que la crise du coût de la vie alimente un risque de troubles sociaux au niveau de nombreux autres pays. La réduction de l’aide internationale aggravera, quant à elle, la dette et la vulnérabilité des pays à faible revenu. L’inflation mondiale, poussée par ce choc tarifaire, devrait remonter à 3,3 %, interrompant le processus de désinflation post-Covid. 

La chute du dollar victime de la politique commerciale de l’administration Trump

De nos jours, les économies émergentes font face à une inflation importée et à une forte instabilité monétaire, alors que les pays développés subissent de nouvelles hausses de prix dans les secteurs ouverts au commerce. Face à ces défis, une réponse coordonnée et équilibrée des politiques publiques est essentielle pour renforcer la stabilité économique et réduire les déséquilibres mondiaux.

Précisément au Mali, ce qui implique d’investir dans l’éducation, d’encourager l’entrepreneuriat et de soutenir les secteurs numériques et verts ; et (2) la hausse de la dette publique mondiale qui menace la stabilité financière mondiale. Les pays doivent gérer leurs finances plus efficacement pour réduire la dette et renforcer la fiscalité pour éviter une crise et assurer une croissance durable.

Dans un contexte géopolitique marqué par le désengagement progressif des États-Unis, la nécessité de réformer la gouvernance économique mondiale devient essentielle. Il est crucial que les principales économies (notamment l’Union européenne, la Chine et l’Inde) renforcent leur coordination stratégique pour répondre collectivement aux déséquilibres systémiques. La mise en place d’un cadre multilatéral rénové, basé sur la responsabilité partagée, est indispensable pour garantir la stabilité macroéconomique mondiale, soutenir une croissance inclusive et assurer la résilience à long terme du système économique.

Ce contexte international difficile et en constante transformation offre au Mali une opportunité de réformer l’économie nationale pour émerger en position de force dans ce nouvel environnement géopolitique. S’il est peut-être prématuré d’affirmer l’imminence d’une récession mondiale, en tout état de cause, l’érosion des circuits commerciaux internationaux et l’incertitude géopolitique et politique accrue devraient exercer une pression à la baisse significative sur la croissance économique mondiale à court terme. Dans ce contexte, il est impératif que les pays adoptent des mesures préventives pour préserver la stabilité macroéconomique et renforcer la résilience économique. Pour le Mali, pays fortement dépendant des revenus générés par des richesses minières et agricoles comme l’or, le lithium et le coton, le contexte actuel représente à la fois un défi et une opportunité de réorienter sa stratégie économique.

Des réformes structurelles essentielles à la libération du potentiel de croissance à long terme

Prioritairement, la diversification économique doit devenir un pilier central de l’agenda politique malien. La vulnérabilité du pays aux chocs externes, notamment ceux liés aux fluctuations des prix mondiaux du pétrole et du gaz, souligne l’urgence de développer les secteurs hors hydrocarbures. Des investissements ciblés dans l’agriculture, l’industrie manufacturière, les énergies renouvelables et le tourisme pourraient non seulement réduire la dépendance du Mali aux exportations énergétiques, mais aussi stimuler la création d’emplois et favoriser une croissance inclusive.

A court terme, une gestion budgétaire prudente sera essentielle. Compte tenu de la marge de manœuvre budgétaire limitée du pays à court terme, il est essentiel de renforcer le recouvrement de l’impôt (en deçà de son optimum en 2024), rationaliser les dépenses publiques courantes et améliorer l’efficience des dépenses en capital (en repensant la chaîne institutionnelle et technique des projets publics). Parallèlement, des efforts doivent être déployés pour renforcer les systèmes de protection sociale, notamment face à la hausse de l’inflation et à la baisse du pouvoir d’achat réel des ménages.

De telles mesures peuvent atténuer les coûts sociaux de l’ajustement et préserver la cohésion sociale. La politique monétaire doit rester accommodante mais vigilante, en mettant l’accent sur le maintien de la stabilité des prix et la garantie de la liquidité du système financier. Au Mali, une attention particulière doit être également accordée aux besoins de crédit des petites et moyennes entreprises (PME) qui jouent un rôle essentiel dans l’emploi et l’innovation, mais qui sont souvent confrontées à des obstacles au financement du fait de la politique budgétaire expansionniste. La politique de change devra servir de trait d’union entre une politique budgétaire inscrite dans un processus de viabilisation et d’une politique monétaire en appui de la stabilité des prix.

L’amélioration de l’environnement des affaires, par la simplification réglementaire, le renforcement de la gouvernance et une plus grande transparence des politiques, peut améliorer la compétitivité de l’économie malienne, renforcer la confiance des investisseurs et attirer les capitaux nationaux et étrangers. De plus, la réforme de l’éducation et l’investissement dans le développement du capital humain sont nécessaires pour doter la main-d’œuvre de compétences adaptées aux exigences d’une économie moderne et diversifiée, et renforcer la productivité.

Macky Cissé

Expert en géopolitique

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