Edito : Il n’est jamais trop tard, Monsieur le président !

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Conformément au souhait des plus hautes autorités maliennes, le premier tour des élections législatives s’est tenu le 29 mars 2020. Dans un contexte de crise sanitaire extrême ! A la veille du scrutin notre pays enregistrait, officiellement, dix-huit patients testés positifs au Coronavirus. Malgré cette triste réalité, elles n’ont pas reporté le scrutin sous le prétexte que les recommandations du «Dialogue National Inclusif» exigeaient sa tenue à date pour éviter au pays de s’empêtrer dans une crise institutionnelle, le mandat des députés étant caduc depuis 2018.

C’est dans une atmosphère très anxiogène que se sont déroulées les opérations de vote. La mobilisation a été médiocre, parce que l’instinct de survie a  prévalu chez de nombreux électeurs qui ont fait le choix de préserver leur santé, en boudant les urnes. Ce qui a davantage fait chuter le taux de participation.

Pourtant, bien que ces élections aient été déjà reportées à deux reprises, à cause de la grève de magistrats, puis par les recommandations de l’Accord de gouvernance politique des partis politiques, le souhait d’un énième report a été émis par de nombreux acteurs du landerneau politique et de la Société civile, convaincus que la promiscuité des électeurs et des agents électoraux favoriserait la propagation de la pandémie du Covid-19.

Le premier article du Titre I de la Constitution du 25 février 1992, traitant des devoirs et des droits de la personne humaine,  dispose que  «la personne humaine est sacrée et inviolable. Tout individu a droit à la vie, à la liberté, à la sécurité et à l’intégrité de sa personne ». Or, contrairement aux assurances des autorités compétentes, de nombreux centres de vote n’étaient pas équipés de station de lavage de main. Et, les prescriptions comme les gestes-barrière et la distance d’un mètre entre les électeurs n’étaient pas respectées dimanche dernier. Que dire du spectacle des Sotrama bourrés d’électeurs  pour être acheminés dans les centres de vote !

Confrontée à de centaines de cas positifs de Covid-19, les autorités françaises avaient commis la bêtise de tenir le premier tour des municipales. Mais au regard de l’ampleur prise par l’infection au coronavirus, elles ont reporté sine die le second tour et mis les citoyens sous confinement total. Et pendant que les autorités sanitaires sont sur le pied de guerre, les politiques multiplient les initiatives  afin de  triompher de ce mal du siècle.

Enclavé dans sept pays limitrophes déjà atteints, ayant une diaspora nombreuse et hôte de milliers d’expatriés servant dans la Mission de Stabilisation du Mali et du Sahel (MIUSMA) et à Barkhane qui font constamment les va-et-vient, notre pays ne pouvait  nullement être épargné par la pandémie. Le Covid-19 n’a pas tardé à manifester sa présence et nous ne pouvons même pas mesurer son ampleur. Et pour cause : notre pays souffre cruellement du manque de plateaux techniques adéquats et d’insuffisance de ressources humaines compétentes. S’y ajoute que le confinement, s’il devenait inéluctable, requiert de moyens matériels et financiers dont nous ne disposons pas.

Hier, mardi  31  mars, le Mali enregistrait encore 3 nouveaux cas positifs, portant à 28  le nombre de personnes atteintes de coronavirus. Dans son communiqué quotidien, le ministère de la Santé et des Affaires sociales annonçait aussi un second décès lié au fléau. Ce serait un miracle si ces nombres n’explosaient pas dans les jours à venir. Peut-on fermer les yeux sur un tel drame pour poursuivre le processus électoral en cours ?

Dans son message qu’il a adressé au Président de la république, garant de la Constitution, Dr Hamadoun Touré, ancien Secrétaire Général de l’UIT, directeur exécutif et fondateur de Smart Africa, alliance stratégique au service du développement des techniques de l’information et de la communication en Afrique, pense que non. «Nous sommes à un  tournant de la vie de la nation et mon avis est que le président IBK qui est sur la ligne de crête a encore quelques heures,…. pour sauver le pays, sauver la face et se donner une chance d’entrer par la grande porte de l’histoire. Dans cet ordre d’idées, les élections qu’il s’entête à tenir à tout prix ne peuvent pas être justifiées ni dans ce contexte d’insécurité sanitaire et encore moins en brandissant les exigences du Dialogue National Inclusif  (DNI). Nous savons qu’il est sous la pression de ses principaux soutiens occidentaux, mais ces mêmes soutiens sont aujourd’hui dans une situation bien pire donc comprendront bien ceux qui veulent……Monsieur le président, la balle est dans votre camp…  »

La logique de Dr Touré, candidat de l’Alliance Kayira pour l’élection présidentielle du 29 juillet 2018 au Mali, partagée par de nombreux Maliens, pourra-t-elle convaincre in fine le Chef de l’Etat ?  De toute façon, une sagesse nous enseigne qu’: «Une bonne conscience est une fête continuelle» !

Gaoussou Madani Traoré

Source : Le Pélican

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