Googan Tan : L'Algérie de Tebboune impliquée dans le financement du terrorisme ?

Doit-on établir un lien logique entre, d'une part, la crise diplomatique entre le Mali et l'Algérie, et, d'autre part, l'inscription récente de l'Algérie sur la liste européenne des États défaillants en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (AML/CFT) ?

19 Juillet 2025 - 01:27
 2
Googan Tan : L'Algérie de Tebboune impliquée dans le financement du terrorisme ?

Depuis l'incident du drone malien abattu le 1er avril 2025 à la frontière algéro-malienne, les tensions entre Bamako et Alger ont franchi un seuil critique, révélant l'enracinement d'une méfiance ancienne, devenue aujourd'hui palpable. Ce qui aurait pu rester un simple contentieux militaire a déclenché une crise diplomatique d'une ampleur inédite entre deux pays longtemps liés par des aspirations panafricaines communes, mais désormais engagés sur des trajectoires divergentes.

Cette rupture bilatérale, sur fond de recomposition régionale et de réalignements internationaux, a récemment pris des allures de guerre par procuration dans la bande sahélienne. Comme l'ont illustré les attaques coordonnées du 1er juillet dernier au Mali et dans les autres pays de l'AES.

La dégradation des relations s'est également matérialisée par des mesures diplomatiques fortes : rappel des ambassadeurs, suspension des liaisons aériennes civiles et militaires, fermeture réciproque des espaces aériens. L'onde de choc a rapidement dépassé le cadre strictement bilatéral. Les pays membres de l'Alliance des États du Sahel (AÉS) ont exprimé leur solidarité avec Bamako. L'affaire du drone s'est ainsi muée en crise régionale, révélant l'émergence de deux visions concurrentes de la sécurité et de la coopération au Sahel.

Par ailleurs, la réaction atone de la CÉDÉAO, qui s'est contentée d'une déclaration laconique se disant "profondément préoccupée", illustre le reflux de l'influence ouest-africaine dans le dossier sahélien.

C'est lors du sommet de l'Organisation de la coopération islamique (OCI) à Jakarta, en Indonésie, en mai dernier, que le ton est monté d'un cran : le Mali a accusé l'Algérie d'"ingérence", d'"hébergement d'opposants" et de "soutien à des réseaux déstabilisateurs". Ces accusations, inédites dans leur virulence, ont mis en lumière l'ampleur de la fracture et l'échec des tentatives de dialogue entre Bamako et Tebboune.

Dans cette conjoncture tendue, un autre facteur est venu ternir l'image de l'Algérie sur la scène internationale : son inscription sur la liste noire de la Commission européenne des pays présentant des lacunes stratégiques dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

Ce classement, fondé sur les évaluations du GAFI, place, hélas, nos "anciens" amis d'Alger au même rang que certains régimes dits "voyous". Une décision aux lourdes conséquences économiques et politiques, puisqu'elle met en lumière des défaillances systémiques dans la gouvernance financière algérienne.

Si cette inclusion ne résulte pas d'une manœuvre politique directe, elle éclaire néanmoins une dimension souvent occultée dans l'analyse des relations algéro-sahéliennes : le rôle opaque que certains voisins jouent dans la circulation des flux financiers, et l'instrumentalisation indirecte de groupes armés. De nombreux analystes maliens avancent, sur la base d'indices convergents, l'hypothèse d'un soutien de l'Algérie à certaines factions armées opérant dans le nord du Mali. Loin d'être farfelue, cette lecture trouve un écho jusque dans la marginalisation croissante d'Alger dans le dossier malien, depuis que notre pays a mis fin à la médiation algérienne dans le processus de paix.

Ce désengagement forcé de l'Algérie du rôle d'arbitre régional traduit, à mon humble avis, une volonté de reprise d'influence par d'autres moyens. D'autant que l'AÉS redéfinit aujourd'hui les rapports de force dans la région.

Face à ce nouveau front sahélien, Alger voit son statut de puissance stabilisatrice contesté. Or, c'est précisément dans ce contexte que le classement européen en matière d'AML/CFT prend une portée stratégique. Il suggère que la résilience financière et institutionnelle du géant aux pieds d'argile (l'Algérie, donc pour appeler le chat par son nom) est plus fragile qu'on ne le croyait.

Par ricochet, cette convergence d'événements, loin d'être anecdotique, donne à penser que le Sahel est aujourd'hui le théâtre d'une guerre froide larvée. Non pas entre puissances étrangères, mais entre modèles africains antagonistes : d'un côté, un axe sahélien revendiquant sa souveraineté et son autonomie stratégique ; de l'autre, une Algérie en quête de repositionnement, mais fragilisée tant sur le plan interne que dans ses partenariats.

Dans cette configuration instable, une question centrale demeure : à qui profite le chaos ? Car une déstabilisation prolongée du Mali, déjà confronté à de graves défis sécuritaires, ne saurait servir les intérêts de la région. Toute action, directe ou indirecte, visant à affaiblir le Mali revient à saper les fondements mêmes de la stabilité sahélienne.

L'avenir des relations algéro-maliennes reste donc suspendu à une recomposition des alliances, mais aussi à une refondation des cadres de coopération. Cela implique, de part et d'autre, un dépassement des dynamiques de ressentiment, une reconnaissance réciproque des souverainetés, et surtout, une diplomatie de proximité, adaptée aux réalités transfrontalières du XXIe siècle.

Seidina Oumar DICKO

Quelle est votre réaction ?

Like Like 1
Je kiff pas Je kiff pas 0
Je kiff Je kiff 0
Drôle Drôle 0
Hmmm Hmmm 0
Triste Triste 0
Ouah Ouah 0