Feu Mamadou Lamine Kanouté : L’enseignement dans nos langues nationales comme cheval de bataille

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Cette nouvelle rentrée scolaire (2022-2023) nous offre l’occasion de rendre hommage à des enseignants, à des professeurs d’enseignement secondaire et supérieur. Des hommes et des femmes qui ont pris conscience qu’ils avaient la lourde responsabilité de façonner l’avenir des citoyens et de la nation et qui ont fait de leur profession un sacerdoce. Dans ce lot figurait incontestablement Professeur Mamadou Lamine Kanouté (Docteur en Mathématiques) arraché à notre affection le samedi 10 septembre 2022.

Considéré à juste titre comme un «enseignant sac à dos», Professeur Mamadou Lamine Kanouté (Docteur en Mathématiques) a tiré sa révérence le samedi 10 septembre 2022. Le lendemain, il a été accompagné à sa dernière demeure par une foule nombreuse lui rendant hommage.

Intime ami du regretté Abdoulaye Barry (un ancien prisonnier politique du CMLN et membre fondateur de la Coopérative Jamana) et surnommé «Mao», l’illustre défunt était réputé être un «patriote, intègre et sincère démocrate». Il était l’auteur de nombreux manuscrits, dont des transcriptions des maths en bamanankan.

Jeune journaliste (stagiaire puis débutant), cette éminence grise nous a toujours fasciné au siège de la Coopérative Jamana (à Hamdallaye à l’époque) où il venait toujours à vélo, son moyen de transport privilégié. D’un commerce facile, il était aussi d’une grande humilité pour un professeur compétent, intègre et passionné.

Aujourd’hui, des milliers de cadres de ce pays sont sans doute heureux d’avoir été à son école et doivent s’inspirer de sa modestie, de son humilité, son attachement aux langues nationales, et surtout de ce patriotisme viscéral qu’affichait partout sans complexe celui qui a été DER de maths de l’ENP avant sa retraite ! Il était très attaché à l’enseignement dans nos langues nationales et il s’est beaucoup battu pour y parvenir.

«Il n’y a pas d’intégration sans les langues nationales. Je pense que tout le monde a compris cela aujourd’hui. C’est à travers elles que les peuples peuvent se comprendre et s’entraider… C’est ainsi qu’il y aura une véritable coopération à travers les langues nationales. En se focalisant sur les langues étrangères, c’est comme si on voulait empêcher les peuples de contribuer à cette intégration», disait-il dans une interview dans la presse après la soutenance d’une thèse sur l’enseignement des mathématiques en bambara.

Le défunt professeur s’est beaucoup illustré avec ses écrits comme «Mathématiques et langue nationale en contexte scolaire bambara». Un article qui étudiait l’enseignement des mathématiques en éducation bilingue dans la ville de langue bambara de Ségou. Les principes bilingues de la pédagogie convergente sont ainsi examinés à la lumière du matériel pédagogique, de la formation des enseignants et de la pratique en classe.

Dans cette publication, Pr. Kanouté a démontré que ni les manuels ni la formation ne permettent aux enseignants de suivre les principes pédagogiques posés et que le passage du bambara au français, qui s’opère en 4e en ce qui concerne les mathématiques, représente encore un grand problème en 5e.

Cependant, le travail de terrain, qui a eu lieu en 1997, a révélé une méthode intéressante qui semblait être une invention locale. S’appuyant sur le jeu d’énigmes bambara, différents groupes se défient à la fois pour créer et résoudre des problèmes mathématiques. Et les enfants y participent avec enthousiasme à ce jeu. Ce type d’enseignement s’intègre bien dans la pédagogie active et pourrait être introduit dans la pédagogie convergente à un niveau général

Avec ses compagnons de lutte comme Abdoulaye Barry, Bassirou Diarra…, Mamadou Lamine Kanouté et ses compagnons ont «farouchement lutté pour la liberté d’expression, la démocratie, le multipartisme». En tout cas, l’annonce de son décès a suscité de nombreux témoignages élogieux sur les réseaux sociaux. «Une énorme perte pour le monde scientifique malien», disent ceux qui l’ont connu et ceux à qui il a enseigné les mathématiques. «Excellent créateur en maths, le Diable de l’ENSup qui comprenait très bien l’élève nous quitte ainsi. Le Diable nous a tout donné de son pouvoir…», a ainsi témoigné l’un de ses anciens étudiants.  «Je n’ai pas connu ce professeur mais vu les nombreux hommages de ses anciens apprenants, tout indique que l’ENSup et le monde de l’éducation ont perdu une tête bien faite pleine d’humilité», a témoigné un autre intellectuel au lendemain de son décès.

Dors en paix Professeur modèle et émérite !

Moussa Bolly

 

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