Autre consécration, il compte parmi les premiers couturiers à apparaître en une du célèbre magazine américain
Time. En 1974, il pose debout, torse nu, uniquement vêtu d'une serviette maison en guise de pagne, de chaussettes tombant sur les chevilles, avec autour de lui un fauteuil et un miroir silhouette, eux aussi estampillés Pierre Cardin. Sur cette image tout est dit ou presque : l'une des forces du couturier, c'est aussi la diversification.
Fils d'agriculteurs italiens
Dans ce domaine, tel le premier d'une expédition, le couturier débroussaille volontiers et généreusement la zone. Son sceau bourgeonne sur des serviettes de toilette, des paquets de cigarettes, des boîtes de sardines, des cravates, des plaquettes de chocolat, des meubles. Ses confrères lui reprochent de galvauder les mots de luxe, de mode et de création ? Qu'importe, Pierre Cardin est libre et indépendant financièrement et sa fortune atteint des sommets. Voilà ce qui compte pour Pietro Constante Cardin, fils d'agriculteurs vénitiens au regard azuré, qui a fui l'Italie fasciste de Mussolini avec ses parents pour venir se réfugier en France en 1924.
Selon ses dires, l'enfant qui se rêvait acteur, doit sa carrière de créateur-entrepreneur à une cartomancienne qui le mettra sur le chemin de la mode. Il fera ses armes chez un tailleur de Saint-Étienne – Bonpuis – avant de rejoindre Paris à vélo en 1945, où il travaillera auprès d'Elsa Schiaparelli – deux mois – et de Christian Dior, qu'il épaulera dans la conception de la célèbre veste Bar. Il y a de la ténacité et une soif d'entreprendre à l'infini chez Pierre Cardin. On ne devient pas par hasard la tête pensante, financière et créative d'un empire évalué à plus de 600 millions d'euros en 2019 (selon le magazine
Challenges).
Un appétit que l'on le retrouve aussi du côté de ses acquisitions immobilières. Aujourd'hui, on croit recenser une cinquantaine de maisons lui appartenant qui vont du restaurant Maxim's situé rue Royale à Paris (à deux pas de ses bureaux de la rue Marigny) acheté en 1981, au château de Lacoste, ancienne demeure du Marquis de Sade, posée dans les hauteurs du Vaucluse et achetée en 2001.
L'horreur d'être catalogué
Toutefois, à propos de sa fortune comme de ses demeures, Pierre Cardin aimait à cultiver le mystère et à brouiller les pistes. Il n'infirmait ni ne confirmait rien. Il en est ainsi pour bien des sujets chez Pierre Cardin, comme si l'homme avait horreur d'être catalogué. Un coup dans le rétroviseur ne lui donne pas tort : chose rare, il était un créatif doté du sens des affaires, un visionnaire devenu vintage, un chantre de l'élégance créant pour la rue, un inventeur de robes légendaires qui pouvait apposer son nom sur les objets les plus triviaux, comme cet improbable
réchauffe-mug…
Mêmes zones de délimitations troubles côté vie privée : l'homme ouvertement homosexuel a vécu pendant quatre ans une histoire d'amour avec Jeanne Moreau et répétait à qui voulait bien l'entendre que son plus grand regret était de ne pas avoir eu d'enfant avec elle.
Finalement, que l'on aime ou pas ce personnage haut en couleur, le couturier aura marqué de son empreinte indélébile l'histoire de la mode avec un style largement identifiable, et l'homme d'affaires aura, quant à lui, imprimé un modèle économique florissant et reconnu. Reste à savoir qui, dans le milieu aujourd'hui, sera à même de relever un tel défi : à savoir concentrer tous les pouvoirs en combinant à ce point créativité et sens du business. C'était cela aussi Pierre Cardin : tout réuni en un seul homme.
SOURCE: https://www.lepoint.fr/