Puzzle institutionnel : Des législatives à tout prix ?

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L’issue du Dialogue National inclusif connu, les regards sont désormais tournés vers le renouvellement des mandats parlementaires, un cap hissé au rang de priorité dans l’agenda gouvernemental par les participants au DNI. Le processus électoral pour ce faire attend pour l’heure d’être enclenché, mais les amarres ne sauraient tarder à être larguées. La dynamique est notamment annoncée par les agitations d’un microcosme politique où nombre d’acteurs tablent sur une convocation du collège électoral au plus tard cette semaine. Dans la foulée, le rappel des troupes bat son plein dans la plupart des états-majors, soit pour confirmer les listes de candidature précédemment établies ou pour revenir sur les différentes combinaisons et les réadapter au contexte. C’est dire que les mastodontes de la classe politique, de guerre lasse contre un maintien de la législature finissante, sont tout résignés à accompagner la vague dominante qu’est le renouvellement de la représentation nationale par des consultations législatives.
Ce faisant, la balle est désormais dans le camp du gouvernement, qui est tenu de créer les conditions optimales pour lesdites consultations. La tâche est d’autant plus ardue qu’elle parait manifestement contrariée par une difficile réunion des facteurs nécessaires à la tenue d’élections assez crédibles pour légitimer la future assemblée. L’une des conditionnalités pour ce faire a trait à une couverture électorale en adéquation avec les dispositions constitutionnelles selon lesquelles la législative d’une circonscription ne peut être différée par rapports aux autres. Propre à la nature des élections législatives, cette exigence d’homogénéité n’est cependant nullement favorisée par une situation sécuritaire ayant évolué de mal en pire au Centre tout comme au Nord du Mali, depuis les communales de 2016 et leur avortement dans nombre de municipalités pour cause d’insécurité. Or rien n’indique, en dépit des résolutions peu rassurantes du DNI sur le redéploiement des forces armées reconstituées, que les scrutins annoncés pour mars et avril prochains seront sécurisés dans les proportions qui ne les exposent pas à un risque d’invalidation par les juges électoraux.

Tout aussi infranchissable et complexe paraît par ailleurs l’obstacle lié à la convenance de la loi électorale en vigueur au contexte. En clair, le principal arsenal législatif applicable aux élections est d’autant moins adapté aux législatives qu’il découle des aléas de la dernière présidentielle et des gages de crédibilité réclamés par l’opposition comme préalables à sa participation. Ladite loi comprend ainsi des dispositions trop complexes qui constituent autant de garde-fous propres à un système politique bipolaire « opposition – majorité ». En vertu dudit texte, en clair, cette dichotomie s’impose à diverses étapes du processus électoral. C’est le cas entre autres des règles de fonctionnement des bureaux de vote et de centralisation des résultats électoraux, avec notamment l’exigence de contresignature des procès-verbaux par chacune des deux parties.

Dans un contexte électoral où les alliances sont généralement plus subordonnées aux intérêts électoraux immédiats qu’aux apparentements politiques, c’est une gageure que de préserver le processus contre les velléités contestataires en s’y prenant avec une loi hors de saison. Lesquelles contestations pourraient notamment tirer argument aussi bien de la lourdeur des textes en vigueur que d’une organisation des élections dans des conditions peu propices à l’égalité des chances entre protagonistes, au regard d’une mauvaise répartition de la sécurité entre leurs bastions respectifs.

Il reste toutefois l’hypothèse d’une réadaptation de la loi électorale à la réalité par voie de relecture, démarche contrariée également par les directives de la Cedeao qui verrouillent les dispositifs législatifs des systèmes électoraux de cette sous-region à six mois du scrutin.

Entre le cycle des prorogations de mandats parlementaires et l’incertitude électorale aux relents de chaos, les hautes autorités ont choisi, mais le chemin des législatives est si parsemé de contraintes que le pessimisme est de mise quant à l’issue de l’échéance. Or les autorités ne se sont donné aucune marge d’alternative aux conséquences des engagements auxquels elles ont souscrit et qui risquent de déboucher sur un vide institutionnel en lieu et place du renouvellement de législature préconisée. Ce scenario n’est du reste pas moins plausible même en cas de tenue des législative, et pour cause. La prochaine législature, si elle était encore effective, est appelée à disparaître au gré des mesures institutionnelles envisagées dans le cadre de l’Accord pour la paix, avec notamment la possibilité d’entraîner une absence indéterminée de l’institution législative et d’ouvrir la brèche à une éventuelle prorogation du mandat présidentiel. C’est probablement la raison pour laquelle le pouvoir n’a opposé aucune objection à se soumettre à la tâche assignée par le DNI d’organiser des législatives au prix de l’incertitude. Et parions par ailleurs qu’il ne manquera pas d’exégètes politiques pour tenter de faire passer le Dialogue pour une référence voire une caution à un tel projet machiavélique.
A. KEÏTA

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