Affaire Clinique médicale Allama Sarl et de la Pharmacie du camp : L’Etat va-t-il respecter ses engagements ?

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En 2007, avec une population croissante, les centres hospitaliers universitaires (CHU) Gabriel Touré et Point G, pour diverses raisons, ne parvenaient pas à contenir la forte demande en santé. Il était important pour notre pays de disposer d’offres de services de santé. Comme dans beaucoup d’autres secteurs, les rares initiatives privées d’investissement dans la santé des Maliens étaient bien appréciées et encouragées par nos autorités, parce que venant combler un déficit de service dont la satisfaction incombe à l’Etat. C’est exactement dans ce contexte de rendre service à l’Etat malien et aux citoyens du Mali qu’un adepte du serment Galien, Dr. Elmehdi AG HAMAHADY, décide de relever le défi du déficit d’infrastructure hospitalière, et prend le risque de lancer le projet de polyclinique : Clinique médicale ‘’Allama’’, dont le but est de calmer la douleur des malades, sans avoir besoin de prendre l’avion pour aller se faire soigner à l’extérieur. Pour réaliser cet ambitieux projet, nécessitant des moyens colossaux, Dr. Elmehdi eut besoin de recourir à sa banque, la Bank Of Africa S.A Mali (BOA), qui hébergeait son compte depuis plus de vingt ans. Ainsi, un prêt de 100 000 000 de FCFA lui a été accordé, le 27 avril 2007 pour le financement de son projet de Polyclinique médicale, une première à Kati.

Au programme, différentes spécialités : Médecine interne, Chirurgie, Cardiologie, Pédiatrie, ORL, Ophtalmologie, Echographie, Cabinet dentaire, Gynécologie, accouchement, Fibroscopie, Laboratoire. Le siège de la Clinique médicale Allama Sarl, et de la Pharmacie du camp, un joyau architectural, majestueusement dressé dans la base militaire en face du prytanée militaire de Kati à 10km du Palais présidentiel, a fait la fierté des populations de Kati, de Bamako, et de beaucoup d’autres usagers dont des étrangers de la sous-région, qui y venaient pour des soins appropriés proposés, à des coûts défiant toute concurrence, selon des sources.

Amalgame et chasse à l’homme

En 2012, la rébellion gagne en intensité au nord du pays. Les principaux meneurs sont identifiés comme étant des touaregs, et cette identification a été à l’origine des amalgames et de la complication du vivre ensemble au Mali, la stigmatisation ayant pris une longueur d’avance et dominé les communications officielles pour rétablir la confiance entre tous les fils du pays, et rassembler les Maliens de toutes les couleurs, et de toutes les ethnies. Mais hélas le mal était déjà là : les agressions physiques, la destruction des biens, la chasse à l’homme, avec d’énormes conséquences sur les activités économiques, la paix et la cohésion au sein des communautés, sans que l’Etat malien ne puisse apporter protection aux personnes discriminées et ciblées pour leur appartenance à une communauté. La Clinique médicale Allama Sarl, et la Pharmacie du camp ont fait les frais de ce climat de terreur avec des conséquences incalculables au grand dam de la famille Elmehdi et des usagers pour des besoins de santé. Cet endroit comme beaucoup d’autres sites à Bamako et environnant a reçu la visite d’une cohorte de foule délirante, dont la colère s’est abattue sur tous les biens et des personnes au nom de l’amalgame, et en l’absence de toute protection de l’Etat.

En effet, le 02 février 2012, suite à l’aggravation de la situation sécuritaire au nord du Mali, Dr. Elmehdi AG HAMAHADY, comme beaucoup d’autres Maliens, victime collatérale et d’amalgame, a été spolié de tous ses biens acquis durant toute sa vie avec dur labeur (mise en danger de leurs vies et pillage du complexe médical ALLAMA, qui a généré l’arrêt soudain de son activité, indépendamment de la volonté du promoteur). Ces événements tragiques ont contraint Dr. Elmehdi et toute sa famille à l’exil en Mauritanie et en France, indique une source proche du dossier, qui fait l’objet d’un feuilleton actuellement devant le juge.

La banque réclame son dû, l’Etat s’engage

Après l’arrêt soudain de ses activités pour cas de force majeur, Dr. Elmehdi AG HAMAHADY prend soin d’informer sa banque de la situation par un courrier en date du 11 février 2012. Le 07 janvier 2014, Dr. Elmehdi et le président directeur général de la polyclinique ALLAMA, Pr. AG RHALY Abdoulaye ont reçu par huissier, un commandement de la BOA SA Mali aux fins de saisie immobilière de la garantie de prêt. Cette première procédure a été suspendue le 18 mai 2015 aux termes d’un jugement du tribunal de grande instance de Kati, du fait de l’engagement de l’Etat pris auprès de la BOA d’indemniser  Dr. Elmehdi et sa famille par priorité dans le cadre de la procédure d’indemnisation des victimes mise en œuvre en application de la loi n°2012-025 du 12 juillet 2012 portant indemnisation des victimes de la rébellion du 17 janvier 2012 et du mouvement insurrectionnel du 22 mars 2012. Ainsi, au vu de la tournure prise par l’affaire, l’Etat malien, faute de pouvoir assurer la protection de ses enfants, n’a donc pas fui ses responsabilités, quand la banque s’est montrée intransigeante. Mais l’Etat traine le pied et n’arrive pas à s’exécuter, et la banque réactive la procédure judiciaire. C’est la vente aux enchères de la Clinique, qui est au rôle du tribunal, au bout de la deuxième procédure engagée le 20 juin 2018.

Le ministre des finances entre dans la danse

Par lettre n° 003258/MEF-SG en date du 20 aout 2018, l’Etat, à travers le Ministère de l’Economie et des Finances, a donné l’assurance à ladite banque de « réserver la priorité dans le règlement des indemnités dues au propriétaire de la clinique en vertu des dispositions de la loi n°2012-025 du 12 juillet 2012… ». Cet élan de baroud honneur du ministre, faute d’être suivi d’acte de remboursement, s’émoussa.  

Et la banque revient à la charge le 22 juillet 2020, et reprend une troisième fois ses poursuites auprès de la famille. Le jeu de pingpong continue entre la banque et le ministre des Finances, qui fait savoir par lettre en date du 26 octobre 2020, que le Directeur de la BOA Mali s’engage toutefois à renoncer à toute action jusqu’à l’indemnisation de la victime.

Mais la suite de choses ne confirme pas le respect des engagements entre les banquiers et le ministère des Finances. La preuve, la banque reprend le 18 mai 2021 pour la quatrième fois consécutive, la procédure de saisie immobilière.

Cette procédure n’a été ni suspendue ni arrêtée, car il n’y a eu aucune intervention de l’Etat pour la suspendre, l’audience dite ‘éventuelle’ s’est tenue ce 27 septembre 2021 au tribunal de Kati.

Le lundi 1er  novembre 2021, le tribunal a ordonné la vente aux enchères de la Clinique Allama. La famille, en dénonçant un vice de procédure, a fait un recours en annulation de l’adjudication et dont l’audience est prévue le 27 décembre 2021 au tribunal de Kati.

Après avoir mis à contribution, la Commission Vérité Justice et Réconciliation et impliqué des chefs d’institutions, sans succès, faut-il conclure à la mauvaise foi de l’Etat ? Nos gouvernants doivent se souvenir que la famille de Dr. Elmehdi est victime de saccage et pillage de leurs biens, de la mise en danger de leurs vies. Faut-il rappeler la procédure avancée de la vente aux enchères des propriétés privées, que l’Etat, en demandant l’arrêt des procédures, s’est engagé à indemniser les victimes, pour qu’enfin la famille Elmehdi puisse rembourser la banque. Qu’attend donc l’Etat pour tenir un langage clair dans cette affaire ou s’exécuter en bonne et due forme?

Affaire à suivre !

B. Daou

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