Me Moctar Mariko, président de l’AMDH : «Pour enrayer la spirale meurtrière au centre du Mali, il est urgent de s’attaquer au chapitre judiciaire de l’occupation de 2012 »

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L’Escale Gourmande de Bamako a servi de cadre, le mardi 9 juillet 2019, à la tenue de l’atelier d’échanges de deux jours «Justice et réconciliation au Mali, quelles articulations pour un projet de société de paix construit de manière participative?». Ledit atelier est organisé par l’AMDH (Association malienne des droits de l’Homme) en partenariat avec le Comité International pour le Développement des Peuples (CISP) et Open Society Initiative for West Africa (OSIWA). L’objectif général de cet atelier d’échanges vise globalement à approfondir davantage les réflexions autour de la place de la justice dans la réconciliation nationale et de l’importance d’un processus de paix inclusif avec notamment la prise en compte du genre. Au cours de la cérémonie d’ouverture de cet atelier, le président de l’AMDH, Me Moctar Mariko a fait savoir que « Pour enrayer la spirale meurtrière du conflit en cours au centre du Mali, il est urgent de s’attaquer au chapitre judiciaire de l’occupation djihadiste de 2012 -2013 ».

La cérémonie d’ouverture de cet atelier était présidée par le Ministre de la cohésion sociale, de la Paix et de la Réconciliation nationale, Lassine Bouaré, en présence du président de l’AMDH, Me Moctar Mariko, du président de la CVJR (Commission vérité justice et réconciliation), Ousmane Oumarou Sidibé, de la Coordinatrice Générale du CISP-Mali, Mme Eveline Chevalier et d’autres personnalités. Dans son discours d’ouverture, le président de l’AMDH, Me Moctar Mariko a fait savoir que cet atelier est le fruit de deux projets à savoir «Haoua: Alliances et sororité des défenseurs des Droits Humains pour la défense et la promotion des droits des femmes au Mali et en Algérie» et «Contribuer à l’instauration de la cohésion sociale et la réconciliation nationale au Mali». Avant d’ajouter que l’histoire récente de la double crise sécuritaire et institutionnelle du Mali constitue un chapitre douloureux marqué par des évènements qui heurtent la sensibilité humaine. Parmi ceux-ci, dit-il, se trouvent notamment la kyrielle de violations des droits humains au Mali (exécutions sommaires de militaires maliens à Aguelhok, viols massifs de femmes et filles, enrôlement d’enfants soldats, massacres de civils au centre, amputations et destructions d’édifices civils et publics, profanation de Mausolées etc). Selon lui, cette crise a renforcé les conflits intercommunautaires dans le centre du Pays (Mopti et Ségou) qui se sont traduits par des violences d’une extrême gravité, notamment de nombreuses pertes en vies humaines, d’importants dégâts matériels, déplacements massifs des populations, pertes de moyens de subsistance. A ses dires, entre mars et juin 2019, au moins 250 civils ont été tués au centre à l’issue des massacres d’Ogossagou, Sobame, Gangafani, Yoro. « Pour enrayer la spirale meurtrière du conflit en cours au centre du Mali, il est urgent de s’attaquer au chapitre judiciaire de l’occupation djihadiste de 2012 -2013, afin de montrer que l’impunité ne saurait être la règle et que ceux qui se livrent-ou seraient tentés de se livrer – aujourd’hui aux exactions les plus graves, seront un jour jugés, devant les tribunaux maliens ou par la CPI comme le cas d’Alassane dont l’audience de confirmation de charges est ouverte », a souligné Me Mariko. Pour lui, l’AMDH est mobilisée depuis 2012 pour contribuer à une sortie de crise respectueuse des droits humains à travers des actions de lutte contre l’impunité qui est un véritable levier pour éviter la non récurrence des conflits. A l’en croire, l’AMDH est consciente qu’en complémentarité avec la Justice d’autres mécanismes peuvent contribuer à asseoir une véritable réconciliation. Si sept ans après le début de l’occupation au Nord du pays, dit-il, la poursuite et le jugement d’auteurs de graves violations des droits de l’Homme et du Droit International humanitaire est, hélas, restée exceptionnelle au Mali. « Nous nous réjouissons de l’adoption de la loi visant à élargir la compétence du Pôle Judiciaire spécialisé de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée. Disposant de compétences, moyens d’enquête et d’instruction plus importants que les juridictions de droit commun, celui-ci pourra désormais enquêter sur les crimes de guerre, crime contre l’humanité et crime de génocide. Cette adoption par l’Assemblée Nationale est intervenue le 27 juin 2019 après l’adoption du projet de loi en conseil des Ministres le 29 mai 2019, sur le rapport du nouveau ministre de la Justice et des Droits de l’Homme. Cette mesure pourrait permettre de relancer des enquêtes sur les crimes commis au Nord Mali, dans l’impasse depuis des années, faute notamment de moyens, et d’apporter une réponse judiciaire aux crimes qui continuent à être perpétrés au centre du pays », a conclu Mariko. Selon le ministre Lassine Bouaré, la lutte contre l’impunité est aussi, un levier indispensable à une véritable réconciliation. « La résolution de crise et de conflit à travers le dialogue ne saurait reléguer au second plan la recherche de justice qui joue aussi un rôle important dans la Cohésion sociale et la Réconciliation nationale », a conclu le ministre.

Aguibou Sogodogo

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