1ere session ordinaire de la Cour d’assises de 2019 : 88 affaires inscrites au rôle des audiences pour un total de 121 accusés

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La Cour d’Appel de Bamako a procédé, le lundi 15 avril, à l’ouverture de la 1ère session ordinaire de la Cour d’Assises de l’année 2019. La cérémonie d’ouverture était présidée par le président de ladite Cour, Abdramane Maïga, en présence du Procureur général près de la Cour d’Appel de Bamako, Idrissa Arizo Maïga, du représentant du Bâtonnier de l’Ordre des avocats, Abdoulaye Sangaré, et de plusieurs personnalités de la famille judiciaire.

Après la prestation de serment des assesseurs et leurs suppléants, le Procureur général, dans son réquisitoire d’ouverture, a fait remarquer que le rituel un peu particulier des cérémonies d’ouverture des Sessions de la Cour d’Assises est illustratif de la gravité des affaires à examiner.

Selon lui, la présente session, la première de l’année judiciaire 2018-2019, comme les précédentes, ne déroge pas à la tradition désormais établie d’un rôle constitué quasi-exclusivement de détenus, précisément parce qu’à défaut de pouvoir étoffer, à cause notamment de l’effectif des conseillers. “C’est vrai aussi qu’il avait été envisagé de commencer un peu plus tôt pour éviter les audiences du mois béni de Ramadan, mais la volonté fortement affichée d’y examiner des affaires qui avaient défrayé un moment la chronique, à cause de leur particulière et funeste cruauté, a conduit à revoir les dates”, a-t-il précisé.

A ses dires, les affaires programmées sont au nombre de 92 dont quatre reviennent sur les intérêts civils. Ainsi, il dira qu’au fond 88 affaires seront tranchées pour un total de 121 accusés se répartissant entre les crimes de sang (10 cas d’assassinat, 9 cas de coups mortels, 6 cas de meurtre, 2 cas d’empoisonnement, un cas de parricide, 3 cas d’infanticide et un cas de coups et blessures volontaires aggravés avec mutilation), les infractions contre les mœurs (10 cas de pédophilie et 11 cas de viol), les infractions contre les biens (10 cas de vols qualifiés, association de malfaiteurs, 2 cas d’atteinte aux biens publics, 3 cas de faux et usage de faux), le terrorisme (10 cas), le trafic de stupéfiants (4 cas), la traite de personne et enlèvement (4 cas) et un cas d’exploitation organisée de la mendicité.

“La performance relativement au nombre de dossiers proposés nous le devons, il faut le dire, au traitement diligent et acléré des dossiers par la Chambre d’Accusation, malgré un effectif insuffisant en personnel magistrat et presque inexistant de greffiers”, a-t-il dit.

A le croire, la prédominance fortement marquée des crimes de sang à l’occasion des dernières sessions est confortée et pour cause, ils concernent le 1/3 des affaires, suivis des infractions contre les mœurs, puis viennent les infractions contre les biens (vol qualifié principalement avec ses accessoires de violences et d’associations de malfaiteurs) et le cas de terrorisme. Et de poursuivre que les infractions de faux et usage de faux, de trafic de stupéfiants, de traite des personnes et d’enlèvement, d’atteinte aux biens publics ferment la marche.

Dans son réquisitoire, le Procureur général près de la Cour d’Appel de Bamako a rappelé que la Cour d’Assises donne l’occasion de décliner des observations quant à l’état de la justice pénale, à travers les craintes, les doutes qu’elle suscite, la perception du citoyen de sa justice et la réaction de celle-ci face aux problèmes quotidiens récurrents. “D’abord, il est désormais constaté, par tous, que les violations les plus graves de la loi passent pour des banalités et ils ne sont pas nombreux ceux qui s’en émeuvent, car plutôt que de s’en émouvoir, de s’en inquiéter ou s’en indigner, on s’en délecte goulûment dans les réseaux sociaux avec le plaisir inconscient que chaque jour apporte son drame plus croustillant que le jour d’avant, l’appétence du citoyen pour le sensationnel toujours plus inextinguible”, a laissé entendre M. Maïga.

Pour lui, l’illustration la plus patente, de cette situation, c’est qu’à l’occasion des Cours d’Assises et depuis longtemps, les rôles sont envahis par les crimes de sang, les atteintes à la vie et l’intégrité physique de la personne humaine.

Banalisation des

violations graves des droits les plus sacrés de l’homme et l’impunité

“Plus tôt nous prendrons conscience du péril deshumanisant de notre société, plutôt nous réagirons positivement au danger qui guette notre existence d’homme. Le respect de la vie humaine, de son intégrité physique et morale sont les premiers repères d’une vie normale en société et est un gage certain de stabilité, d’assurance et de paix sociale. La banalisation des violations graves des droits les plus sacrés de l’homme et l’impunité qui l’accompagne sont révélatrices d’une impuissance dans laquelle aucune société ne pourrait se complaire, car elle ne sera pas tout simplement viable. Un tel péril ne doit-il pas interpeller ?”, s’est-il interrogé.

De sa lecture, le droit de tout citoyen de vivre en sécurité est une exigence de tous les temps. Pourtant, dit-il, l’insécurité juridique rampante du citoyen, relativement au droit de la propriété, notamment le foncier est un facteur ahurissant de trouble grave de l’ordre et de la tranquillité publics. “Il se trouve que certains citoyens, particulièrement à Bamako et alentours, voient leur sécurité et même leur sûreté compromises par une race de malfrats prosaïquement appelés spéculateurs fonciers, en fait de vrais prédateurs, qui dans leur témérité n’épargnent personne même pas l’Etat, a fortiori le citoyen ordinaire. Ils jettent indistinctement leur dévolu sur n’importe quel espace, y établissent facilement des faux titres, obligeant le propriétaire du titre initial à un procès qui n’a pas sa raison d’être car je ne crois pas qu’il puisse y avoir de terres à Bamako et alentours qui n’ait de propriétaire.  Et pour assurer leurs arrières, ils s’acoquinent avec des personnes haut placées et parmi lesquelles, malheureusement, des magistrats, des policiers et autres, pour s’assurer une impunité, eux aussi jouent le jeu. Alors commence le festival des procès à n’en pas finir”, a-t-il fait savoir.

Personne n’est à l’abri des spéculateurs fonciers

Selon lui, des honnêtes citoyens désarmés et désappointés face à des adversaires singuliers, se retrouvent à valser entre les juridictions en quête de solution à leurs problèmes.

Et d’ajouter que personne n’est à l’abri de ces spéculateurs impénitents et téméraires qui peuvent à tout instant troubler la tranquillité des honnêtes citoyens qui ne savent plus à quel saint se vouer, écartelés entre l’indignation, le remords et la révolte, ne comprenant pas ce qui leur arrive, quand après plusieurs années d’efforts, s’étant façonné un habitat pour leur tranquillité et celle des siens, un illustre inconnu vient tout remettre en cause.“Alors le remède à toutes ces dérives, reste la justice. Il faudrait que sur l’ensemble du territoire la justice soit mise dans les conditions de fonctionnement optimum car là où il n’y a pas de justice, s’installe rapidement le désordre, l’incivisme et le gâchis ainsi qu’un lit douillet pour l’impunité, source de tous les abus et des plus horribles.

La justice ne peut pas résoudre tous les problèmes, mais sa présence est indispensable pour ramener la sérénité, la tranquillité ou la paix sociale, par la confiance qu’elle permet de restaurer en ses moments d’instabilité, de peur et de désespoir”, a indiqué le Procureur général.

Pour sa part, le représentant du Bâtonnier de l’Ordre des avocats du Mali, Abdoulaye Sangaré, a souligné que ce sont les preuves scientifiques qui doivent motiver les sanctions pénales et l’intime conviction seulement du juge. Avant d’inviter les magistrats à jouer toute leur partition dans l’application du droit dans toute sa rigueur.

Il a saisi l’occasion pour exhorter les magistrats à encadrer les réseaux sociaux parce que certaines publications qui se font sur ces supports transgressent nos mœurs et nos sensibilités, ainsi que plusieurs dispositions de la loi. Aussi, il a demandé à la Cour de mettre les avocats dans les meilleures conditions possibles afin qu’ils puissent contribuer à la manifestation de la vérité.

Quant au président de la Cour, il a laissé entendre que le Mali était un Etat caractérisé par des qualités humaines notamment la solidarité, la probité, le vivre-ensemble. Et de déplorer que nous avons tourné le dos à ces valeurs.

            Boubacar PAÏTAO

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