Libération provisoire d’Amadou Haya Sanogo : Quand le politique dicte sa loi au judiciaire

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Pour ne pas obliger le ministre de la Défense, le Général stratège Dahirou Dembélé à démissionner pour venir s’expliquer devant le juge et pour mettre fin à une détention abusive de près de 7 ans, sous le dictée du politique, l’ex-chef putschiste a recouvré sa liberté dite « provisoire »

Maliweb.net Pour l’ex-chef d’Etat-major particulier du chef de l’Etat et ancien ministre de la Défense, Général Yamoussa Camara, la justice  ne semble pas s’affranchir du pouvoir politique dans cette affaire d’assassinat des 21 bérets rouges.Pour des motifs de « réconciliation nationale », l’on ne devrait pas occulter la soif de justice. Il est appuyé dans cette analyse par des organisations de défense des droits de l’Homme.

En effet, la FIDH et l’AMDH, tout en prenant acte de la libération d’Amadou Haya Sanogo, appellent les autorités judiciaires à mener cette affaire à son terme. Les deux  organisations demandent qu’une nouvelle date de procès soit fixée sans tarder.

Par ailleurs, la FIDH et l’AMDH  expriment leur inquiétude par rapport à la loi d’entente Nationale votée le 2 août 2019. Cette loi avait suscité une vive opposition de la société civile, dont l’AMDH, qui craignait que cette loi ne consacre une impunité généralisée pour les crimes commis depuis 2012 dans le pays. : «  Nous ne pouvons-nous opposer désormais à ce que la Loi d’Entente Nationale soit appliquée, car elle a été votée. Mais nous tenons à rappeler les conséquences de cette loi, qui risque de consacrer l’impunité pour une partie des crimes commis au Mali ces dernières années, sauf en cas de crimes de guerre, crimes contre l’humanité ou viols. Or ces qualifications ne sont qu’exceptionnellement retenues. Dans les faits, cette loi d’entente nationale risque par ailleurs d’empêcher que des procès prévus de longue date se tiennent ou se déroulent jusqu’à leur terme », indiquent les deux organisations.

Pour Me Mariko, avocat de la partie civile et président de  l’AMDH : «  Le procès est obligé de suivre son terme, cela est obligatoire. Les juges et le pouvoir politique ne peuvent rien. Le dossier peut être retardé, mais ce dossier doit connaitre une fin. Même si les victimes n’ont rien reçu, il y a un processus de réparation en cours pour libérer et alléger le cœur des victimes. Nous avons expliqué aux victimes ce qui doit leur revenir comme dû. Elles ont été d’accord avec nous qu’il vaut mieux avoir quelque chose pour consoler et soulager les héritiers et les ayant-droits, au lieu de s’alourdir encore les cœurs, sachant très bien que ceux qui sont partis ne viendront plus ».

Quant à l’Association malienne des procureurs et poursuivant (AMPP), elle s’inquiète des velléités de récupération politique de la procédure judiciaire.

En effet, dans une déclaration, les procureurs ont mis en garde contre toute « récupération politique » du dossier. L’association des procureurs « déplore les velléités du pouvoir politique faisant la « Une » de la presse et des réseaux sociaux, tendant à se substituer aux magistrats dans la gestion de ladite procédure pénale, encore pendante devant la justice. Réaffirme que le dossier dit « Amadou Haya et autres » étant strictement judiciaire, doit par conséquent être traité conformément au principe de la séparation des pouvoirs, par les seuls magistrats suivant les règles de la procédure pénale, notamment la présomption d’innocence et la personnalisation de la responsabilité pénale.. »

Pour les procureurs,«les offres de dédommagement par l’Etat, bien qu’étant de nature à soulager la souffrance de quelques victimes et d’atténuer des rancœurs, ne sauraient entraver le cours de la justice. Elle souligne que ces démarches n’éteignent pas l’action publique qui défend l’intérêt de la société. Et les observateurs de se demander si cette décision n’est pas un encouragement clair à l’impunité dénoncée par tous dans le contexte malien.

En outre, le coup d’Etat étant réputé crime imprescriptible et le dossier des bérets rouges étant connexe à ce putsch, il est fort probable que cette affaire ne se prescrive point. Le principe juridique étant connu selon lequel « l’accessoire suit le sort du principal ». Le peuple au nom duquel la justice est rendue saura lever l’équivoque et faire rebondir cette affaire devant les tribunaux.Et les défenseurs des droits des victimes assurent que la «Loi d’Entente Nationale» prise dans des circonstances confuses, comme contraire à la Constitution et aux instruments internationaux de lutte contre l’impunité ne saurait absoudre les présumés coupables. Le politique peut dicter sa loi au judiciaire mais temporairement.

Boubou SIDIBE/Maliweb.net

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