Goonga Tan : Terrorisme au Sahel : le changement de cibles, signe d’un affaiblissement des djihadistes

Depuis plus d'une décennie, les groupes terroristes opérant au Mali se sont abrités derrière une rhétorique fallacieuse : leurs attaques, prétendaient-ils, ne visaient que l'armée, jamais les civils.

11 Sep 2025 - 01:34
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Goonga Tan : Terrorisme au Sahel : le changement de cibles, signe d’un affaiblissement des djihadistes

Cette illusion, longtemps entretenue pour se donner une respectabilité factice, s'est effondrée sous le poids des faits. Car désormais, leurs cibles ne sont plus les garnisons ni les postes militaires, mais les biens, les infrastructures et les moyens de subsistance des populations.

es citernes de carburant incendiées, l'explosion meurtrière du bateau "Tombouctou" avec ses passagers, les usines et dépôts réduits en cendres, les convois miniers attaqués, les camions de transport détruits, les champs brûlés, le bétail volé : ces actes répétés ne traduisent pas une montée en puissance, mais au contraire un signe manifeste d'essoufflement. Faute de pouvoir infliger des défaites significatives aux Forces armées maliennes (FAMa), mieux organisées, mieux équipées et désormais offensives, les djihadistes déplacent leur rage contre des cibles vulnérables. Incapables d'affronter les bataillons maliens sur le champ de bataille, ils se replient sur une stratégie de nuisance : terroriser par l'économie, frapper par la communication, chercher à briser le moral des populations.

L'attaque contre une prestigieuse compagnie de transport, par exemple, n'a aucune valeur militaire. Mais la notoriété de cette société et l'importance de son flux de passagers garantissaient un retentissement symbolique et médiatique. Voilà le vrai visage de cette guerre asymétrique : les terroristes, privés de victoire militaire, misent sur le spectacle macabre comme arme de substitution. Cette évolution impose un aggiornamento stratégique. La lutte armée reste indispensable, mais elle doit s'élargir à la protection des circuits vitaux de l'économie nationale : convois routiers, infrastructures, corridors commerciaux, exploitations agricoles, marchés et zones de production. L'objectif des ennemis est clair : installer le doute, fracturer la confiance, inciter les populations au désarroi. L'objectif du Mali doit être encore plus limpide : garantir coûte que coûte la liberté de circulation, protéger le travail et la vie quotidienne des citoyens.

La tâche ne saurait être uniquement militaire. Elle est aussi politique et sociale. Les dirigeants doivent rassurer, incarner la résilience et donner des réponses tangibles aux victimes. Chaque usine reconstruite, chaque bus escorté, chaque champ remis en culture doit être brandi comme une victoire nationale. La guerre asymétrique est aussi une guerre de perception : à la peur que distillent les djihadistes doit répondre une communication de plus en plus forte de l'État et des FAMa.

Les terroristes le savent : s'attaquer aux symboles fragiles ou mal protégés leur permet de se donner une illusion de puissance. L'enlèvement à Nioro de Thierno Amadou Hady Tall ou la prise en otages des membres de la famille du Chérif Mohamédou Ould Cheick Hamallah chef charismatique de la Hamawiyya Tidjaniyya illustrent leur volonté de désacraliser les figures charismatiques de l'islam soufi.

C'est là une fenêtre dangereuse qu'il faut rapidement fermer, en sanctuarisant les Zawiyya partout au Mali et en les rendant inaccessibles aux coups de boutoir des "fous de Dieu".

La réponse doit être ferme, rapide et fatale. L'armée malienne a déjà montré sa capacité à rendre coup pour coup, en poursuivant l'offensive jusque dans les repaires ennemis. Cette stratégie s'avère payante et doit être amplifiée. Le peuple malien, solidaire de ses forces armées, doit rester debout. L'armée, digne héritière d'une longue tradition de résistance, n'a pas le droit de céder.

Car l'enjeu dépasse la seule lutte contre le terrorisme : il s'agit d'un combat existentiel pour la liberté de circuler, de travailler, de prier, de vivre.

Aucun champ, aucune route, aucun bateau, aucun bus, aucun lieu de savoir et de spiritualité ne doit être abandonné à des individus égarés. Le Mali appartient aux Maliens. Sa souveraineté ne se négocie pas, elle s'impose.

Les terroristes frappent non parce qu'ils dominent, mais parce qu'ils reculent. Et la suite de la riposte malienne dira au monde entier que ce pays, debout et uni, ne pliera pas.

Seydina Oumar DICKO

Journaliste- Historien- Écrivain 

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