Réconciliation nationale : Quand les gens de la CODER veulent mettre la charrue avant les bœufs…

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L’avenir politique au Mali : L’ECOUTE ET L’ENTENTE

La récente visite de la Coalition pour la démocratie et la réconciliation (CODER) au président déchu Blaise Compaoré exilé en Eburnie provoque des gorges chaudes dans l’opinion et crée le buzz sur les plateformes sociales. À la première rangée de ceux qui s’insurgent contre la démarche de la CODER, le monde de l’insurrection populaire. Cette dernière est particulièrement mécontente des propos de Ablassé Ouédraogo lorsque ce dernier a déclaré qu’à l’issue de la rencontre Blaise Compaoré avait pardonné. Déclaration malencontreuse ou assumée ? En tout cas, elle n’a pas manqué de susciter le courroux du monde des insurgés qui de plus en plus doute de la bonne foi de ce «beau monde» qui présente comme le porte-étendard de la réconciliation au pays des Hommes intègres.

La CODER, dans cette mission d’œuvrer à la réconciliation nationale qu’elle s’est donnée, fait feu de tout bois depuis sa création afin d’avoir l’adhésion des personnalités à son projet. Plusieurs personnes ressources et leaders d’opinion ont été effectivement rencontrés et consultés à ce propos. C’est ainsi qu’après avoir fini de faire le tour des autorités étatiques, président du Faso, président de l’Assemblée nationale, Premier ministre… et bien d’autres personnes non moins importantes dans la vie du pays, les croisés de la réconciliation ont mis le cap sur la lagune Ebrié pour rencontrer l’ancien chef de l’Etat Blaise Compaoré. Mais le moins que l’on puisse dire est que cette visite n’aura pas été du goût de bon nombre de Burkinabè qui ont participé à l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014. Ce qui aura fâché ces derniers est surtout le fait que Ablassé Ouédraogo ait déclaré que l’ancien président avait pardonné. Cette déclaration a ajouté à l’activisme de victimisation dont les membres de la CODER font preuve depuis un certain temps génère actuellement des supputations tous azimuts sur leur intention réelle concernant leur projet dit de réconciliation nationale. Ainsi, d’aucuns se posent la question à savoir est-ce que la réconciliation ne serait que juste un paravent sociopolitique pour faire du négationnisme et se repositionner politiquement en vue des échéances électorales futures.

La CODER dans les bottes des négationnistes de l’insurrection ?

L’appréciation des réactions suite aux agissements de la CODER, surtout celles concernant sa récente sortie en Côte d’Ivoire, renseigne sur la naissance d’une méfiance qui grandit de plus en plus sur sa démarche globale. Au niveau surtout états-majors des partis politiques et des organisations de la société civile notamment, cette illustration paraît difficile à comprendre. Et déjà, certains leaders ne manquent de tirer la sonnette d’alarme sur une éventuelle diversion politique à laquelle les dirigeants déchus de l’ancien régime du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) s’adonneraient. La stratégie serait de se cacher derrière le motif de la réconciliation nationale pour poser les jalons de leur retour dans les affaires de l’Etat. Une chose qui s’apparenterait à du chaos pour tout ce qui ont œuvré à faire tomber le régime de Blaise Compaoré.

Au niveau de l’opposition politique, le chef de file Zéphirin Diabré a fait rapidement une sortie pour expliquer que l’institution n’était pas engagée dans la démarche de la CODER telle que faite devant Blaise Compaoré. Depuis, les déclarations de démarcation et de dénonciation ne font que se multiplier si fait que le président de la CODER, Me Gilbert Noël, à lui aussi été obligé de sortir du bois pour essayer de faire des réajustements. En se référant effectivement à certains comportements de la CODER, l’on peut trouver de quoi apporter de l’eau au moulin de ceux qui l’accusent de vouloir user de tromperies pour tenter un retour aux affaires de l’Etat. D’autant plus qu’à côté de cette CODER, il y a une autre organisation dite des victimes de l’insurrection et qui a commencé à poser leur problème aux autorités en vue d’obtenir réparation.

À l’analyse de toutes ces attitudes qui émanent des anciennes personnalités fortes du régime de l’ancien enfant terrible de Ziniaré, c’est comme si ceux-ci voudraient vraiment prêcher la nécessité de la réconciliation sans au préalable prêcher celle de la vérité et de la repentance qui les concerne directement. Mettre la charrue devant les bœufs pourrait-on ainsi dire… Il y a eu suffisamment de communication et de déclarations sur la réconciliation alors qu’il n’y en a pratiquement pas eu concernant les torts. Les fifres de la CODER semblent ne pas prendre en considération les causes qui ont conduit à la situation actuelle, c’est-à-dire les fautes politiques pour lesquelles leur responsabilité est engagée. Et dans cette posture de victimisation, les gens de cette structure remettent en cause le sursaut patriotique des 30 et 31 octobre 2014 contre l’imposture de Blaise Compaoré. Et à cette allure, l’on risque bien de nuire au dialogue citoyen et de ne pas arriver à la réconciliation.

La réconciliation : un résultat processuel avec ses exigences et ses étapes

L’on parle souvent de triptyque vérité-justice-réconciliation. La réconciliation est par conséquent conditionnée par la vérité et la justice. L’on ne peut donc pas aboutir à la réconciliation en escamotant les étapes de la vérité et de la justice. En tout état de cause, à bien des égards, le prêche que les inconditionnels de la CODER est en train de faire contrevient à la logique de la recherche d’une réconciliation nationale. Il ne s’agit pas de mettre en place des mécanismes justes institutionnels pour organiser une cérémonie de pardon de façade à l’instar de celle de mars 2001 sous la compaorose. Il faut plutôt œuvrer à l’émulation d’un esprit de pardon et de volonté de se réconcilier. Et là, il va falloir y travailler en assumant ses responsabilités, ses torts en toute humilité.

La réconciliation sera impossible tant qu’il n’y aura pas de reconnaissance des fautes posées. La réconciliation sera vaine tant que les bourreaux refuseront de battre leur coulpe et se feront passer pour les victimes des vraies victimes. Le souvenir amer des circonstances de l’insurrection et de la résistance au coup d’Etat du RSP est encore si vivace, d’où la nécessité que ceux qui ont été à l’origine des séismes politiques fassent profil bas. Ils devront en amont reconnaître leurs torts, les regretter et demander pardon avant de prêcher la réconciliation. «Les erreurs sont toujours pardonnables, seulement si celui qui les a commises a le courage de les admettre» (Bruce Lee).

Lefaso.net

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