Accaparement des terres agricoles : Des signaux d’alarme

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La pression sur les terres fertiles est de plus en plus forte. Le constat de ce phénomène est à l’origine d’un projet de recherche interdisciplinaire du Kiel Institute for the World Economy de l’Université de Greifwald et du GIGA de Hambourg, avec le soutien de GREAT.

Jeudi 20 octobre, le Centre Djoliba de Bamako a servi de cadre à une conférence-débats animée par Jann Lay et Kerstin Nolte, deux Allemands, chercheurs au GIGA (German Institute of Global and Area Studies). Le thème de la conférence était : «Accaparement des terres agricoles et investissements dans l’agriculture».  Ce thème est également l’objet d’une étude que les deux chercheurs se proposent de mener dans la zone Office du Niger, avec l’appui technique et organisationnel de l’ONG GREAT (Groupe de recherche en Economie Appliquée et Théorique) dirigée par Massa Coulibaly.

Le préalable : pourquoi autant de pressions sur les terres fertiles ? A cause d’une croissance accélérée des pays pauvres en terre fertile et à une surpopulation, de l’urbanisation, du changement climatique ou de la production des produits non-alimentaires. Concernant les investissements, ils proviennent des pays industrialisés, des pays asiatiques et du Moyen-Orient, pauvres en terre cultivable. D’où leur engouement pour les pays africains. Les chercheurs ont constaté que les investissements ne répondent pas à un seul reflexe, mais plutôt à des préoccupations liées à la  sécurité alimentaire et à des positionnements stratégiques. Ces investisseurs étant de plus en plus présents en Afrique, ils suscitent des débats, et surtout, des interrogations relatives au mode, peu connu, d’acquisition de terres fertiles. Achètent-ils ces terres ? Si oui, avec quels arrangements contractuels ? Quelles sont les conséquences pour les populations locales ?

Lors de son séjour dans la zone Office du Niger, l’équipe de chercheurs, forte d’études similaires en Zambie et au Kenya, se propose d’analyser les arrangements contractuels (comment la terre change-t-elle de mains ?) ; d’examiner les conséquences de la cession des terres pour la population locale (les investissements étrangers ont-ils des effets positifs, par exemple, sur l’agriculture traditionnelle ou sur la productivité ?;, de savoir si les paysans locaux, à cause de ces contrats, perdent l’accès à des terres préalablement accordées selon le droit de propriété coutumière. En somme, il s’agit pour les chercheurs de potasser les modes d’accès à la terre et le droit foncier.

Concernant les conséquences, ils présument que si les investissements sont d’un apport important en capitaux pouvant relever le secteur, très faible, ils peuvent, également, se révéler dangereux en cela qu’ils privent les exploitants locaux de terres fertiles. Car, les investisseurs étrangers ne viennent pas seulement pour développer l’agriculture vivrière, mais encourager la culture de produits nécessaires aux industries occidentales. Notamment, depuis que des produits agricoles sont utilisés comme sources d’énergies. Or, ces investisseurs sont très boulimiques en terres. Sur les 2062 cas d’investissements dans le monde, 90 sont recensés en Afrique ; et chaque cas concerne une superficie supérieure ou égale à certains pays comme le Togo ou le Bénin.

Par ailleurs, les arrangements contractuels ne se font pas au grand jour, mais dans une absence totale de transparence et de retombées sur les populations spoliées.

Pour élucider les nombreuses interrogations suscitées par l’accaparement des terres, une initiative a été lancée par Coalition Internationale pour l’accès à la terre (en anglais, International Land Coalition, ILC) en collaboration avec CDE, GIZ, OXFAM, CIRAD et GIGA. Une base de données a été créée, alimentée par des articles de recherche, des blogs et des rapports. Mais, cette base de données est dans une phase de validation et ses résultats sont provisoires.

Cheick TANDINA

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