Le procès de tous les dangers

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    On l’écrivait, déjà, la semaine dernière : « c’est à force de ressasser un évènement que ses secrets se retrouvent à la surface ». Le procès en diffamation intenté par les héritiers de feu Dr Faran Samaké, contre Amadou Seydou Traoré dit Amadou Djicoroni, n’est pas un procès ordinaire. Loin s’en faut.

    Il y a 33 ans, mourait le président Modibo Kéita. Les circonstances de sa mort, continuent d’alimenter les débats. Pour le Comité Militaire de Libération Nationale (CMLN), Modibo Kéita est mort d’un œdème aigu des poumons ; tandis que pour ses proches, le père de l’indépendance du Mali, avait été empoissonné.

    Pour avoir rapporté publiquement que Modibo Kéita est mort, empoisonné, Amadou Seydou Traoré dit Amadou Djicoroni, risque de payer cher ses propos. En déclarant, lors d’une conférence-débat que : « la thèse de la mort de Modibo Kéïta est claire. C’est un empoisonnement par injection, sur une ordonnance prescrite par le Dr Faran Samaké… », Amadou Djicoroni s’attire la colère de deux héritiers de feu Dr. Faran Samaké. Ceux-ci l’ont astreint en justice pour diffamation à l’endroit de leur défunt père.

    La nouvelle s’est répandue au sien de notre capitale. Comme une traînée de cannelle. Avant de faire la une des journaux.

    Entre-temps, Amadou Djicoroni reçoit des soutiens (politiques et populaires) de toutes parts. Un collectif d’avocats s’est spontanément constitué pour sa défense. « Je n’ai pas pris d’avocat, mais des avocats m’ont pris », ironise l’ancien compagnon de Modibo Kéita.

    A l’ouverture du procès, le 2 novembre dernier, la salle d’audience de la chambre correctionnelle du tribunal de première instance de la Commune III, est prise d’assaut par la foule. Le nombre impressionnant de journalistes dans la salle d’audience, témoigne de l’intérêt porté à ce procès. Une salle archicomble dans laquelle le juge avait du mal à se faire entendre. Il fixera la caution, pour la partie plaignante, à 1 million CFA. Avant de renvoyer les débats sur le fond, au 30 novembre prochain. Dans la salle, on scande déjà les noms de Modibo Kéita et de Amadou Djicoroni.

    Le procès de la vérité ?

    Nombreux sont ceux qui estiment que ce procès n’aura pas lieu. « Il y a trop d’enjeux politiques en jeu », expliquent-ils. Mais l’une des raisons principales qui peuvent empêcher ce procès d’avoir lieu, c’est la consignation. « Elle est trop élevée, pour mes clients », déclarait Me Mohamed B. Bouaré, avocat des plaignants, à la sortie de l’audience de consignation, le 02 novembre dernier. Or, selon la loi, pas de consignation, pas de procès. La seconde raison, c’est la comparution du Général Moussa Traoré, réclamée par la défense.

    En effet, l’ancien chef du Comité Militaire de Libération Nationale (CMLN), est cité par les six témoins clés de la défense. Il s’agit du Colonel Youssouf Traoré, du Capitaine Sounkalo Samaké, du Capitaine Zan Coulibaly, de Modibo N’Diaye, arbitre international et de Sinimory Kéïta, neveu de feu Modibo Kéita.

    Pour la défense, ce sont là des personnes ressources, qui peuvent aider à la manifestation de la vérité sur la mort de Modibo Kéita. La troisième raison est liée à la seconde. La comparution du Général Moussa Traoré, comme témoin dans ce procès, pour le moins, politique, peut réveiller les démons, jusque-là, endormis. Les autorités sont-elles prêtes à prendre ce risque ? C’est là toute la question.

    Mais selon la défense, leur client, Amadou Seydou Traoré dit Amadou Djicoroni, souhaite que le procès se poursuive. « Amadou Djicoroni ne souhaite pas que la procédure s’arrête. Il nous a demandé de tout faire pour aller au fond des débats », ont –ils expliqué au cours d’une conférence de presse, tenue quelques heures après l’audience de consignation.

    « Le vin est tiré, il faut le boire » dit l’adage. En recevant la plainte des héritiers de feu Dr Faran Samaké, le tribunal de première instance de la commune III, ouvre là, un procès qui fera date dans les annales de notre pays : faire la lumière sur « le crime le plus odieux que le Mali ait connu ».

    Aimé

     

     

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