SIRAKOROLA : Le corps de la grand-mère séquestré par ses petits-fils

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    Les pratiques culturelles sont nombreuses dans notre pays et nous y avons même ajouté certaines autres, issues d’autres civilisations. C’est ainsi que, lors des mariages de militaires, la mariée a tous les problèmes du monde, surtout lorsque son époux est un haut gradé. Elle se retrouve soumise aux différentes étapes de la formation militaire par les subalternes de celui-ci. Certains officiers payent pour que leurs  femmes ne soient pas  mises au pas par les soldats, dont certains n’attendent que de telles occasions pour régler certains comptes.

    Cette pratique des militaires a été adoptée par les subalternes de plusieurs corporations, comme les chauffeurs, les bouchers, les tailleurs, les mécaniciens, les menuisiers. Certains  élèves en font de même avec les enseignants qui ont duré dans le célibat ou qui épousent une de leurs anciennes élèves. Dans nos traditions, les morts n’échappent pas à certaines règles, surtout lorsqu’il s’agit de relations entre grands-parents et petits enfants. C’est ainsi qu’à Sirakorola, petit village situé sur la route de Sikasso, non loin  de Zantièbougou, une vieille femme de soixante-quinze ans est décédée. Ses enfants décidèrent d’envoyer ses petits-fils chercher son  corps à Bougouni. Trois de ceux-ci partirent donc en voiture et récupérèrent la dépouille mortelle sans problème. Sur le chemin du retour, le benjamin, très au fait des usages en telle circonstance, proposa à ses frères de cacher le corps de la grand-mère jusqu’à ce que ses enfants leur payent quelque chose.

    Entre temps, au  village, les dispositions avaient été prises pour que l’enterrement se fasse le plus vite possible, afin que les cultivateurs regagnent leurs champs, saison des pluies oblige. Pendant que tout le monde attendait le corps, certains ayant même commencé à se plaindre du retard accusé pour les funérailles, l’enterrement prévu pour 14 heures fut reporté à 16 heures. A 16 heures, alors que même l’imam et son entourage commençaient eux aussi à se demander ce qui se passait, l’un des trois garçons fit son apparition. Chacun pensait qu’il allait parler d’une panne technique ou d’un autre aléa de la route, mais, à la surprise générale, il déclara que ses grands frères étaient dans le village voisin de Koumantou avec le corps de la défunte et que, tant que les enfants de celle-ci ne leur proposeraient pas une contrepartie, ils ne le leur donneraient pas. Sur le champ, on désigna des anciens pour aller récupérer le corps à Koumantou. Mais le départ ne fut possible qu’après d’âpres négociations.

    En fin de compte, les petits-fils ont eu gain de cause, les vieux ayant accepté leurs doléances et ayant donné une avance sur le montant convenu. Ce n’est que le lendemain que l’enterrement a eu lieu. Problème: pour les vieux du village, cette pratique, répandue dans de nombreuses familles au Mali, n’a rien à voir avec la culture de leur terroir. Pour les petits-enfants, ce n’est pas un péché que de garder le corps d’une vieille femme, de surcroît leur propre grand-mère. La question que l’on se pose est de savoir si cet épisode marquera le début de l’introduction de cette pratique dans la zone. En tout cas, il a déjà défrayé la chronique locale.

    Kassim TRAORE

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