Au Tribunal de la Commune IV ce 7 septembre : Un imbroglio foncier qui crée l’émoi à Koursalé

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Une parcelle, plusieurs propriétaires. Cela n’est pas nouveau, les litiges fonciers ravissant la vedette des rôles d’audiences des juridictions et les Rapports du Médiateur de la République. Mais la présente affaire se particularise par le fait qu’elle oppose les héritiers du premier occupant des terres au cœur du différend à des acquéreurs qu’ils ne connaissent pas. Deux procédures en cours : la première devant le tribunal administratif et la seconde devant le tribunal de la Commune IV, lequel a enrôlé l’affaire pour le 7 septembre 2023. Trois huissiers-commissaires, un expert-géomètre, trois procès-verbaux. A se demander s’il s’agit bien de la même affaire opposant les enfants de Maraka Mady Kéita, une figure emblématique de Koursalé, aux sieurs Samassa et Dembélé.

Le 1er août 2023, l’Etude de Me Amadou H. Sissoko, Huissier-commissaire à Bamako a, au nom de Dembourou Abdoulaye Dembélé, assigné devant le tribunal de la Commune IV aux fins de confirmation de droits fonciers coutumiers, le sieur Mamadou Kéita dit Maraka Mady, domicilié à Koursalé, dans la commune rurale de Mandé.

Le requérant reproche à ce dernier d’occuper sa parcelle dont il prétend être propriétaire. Or il a une attestation de vente établie le 3 avril 2017 et légalisée par le maire délégué du village qui prouve qu’il en est le seul propriétaire. Sur le document, dont copie figure dans le dossier d’assignation, on lit effectivement qu’il a acheté une parcelle de 3 hectares à 1,5 million CFA avec un certain Abdou Traoré, cultivateur à Koursalé. L’attestation porte les empreintes digitales de l’acquéreur  (Dembourou Abdoulaye Dembélé) du vendeur (Abdou Traoré) de leurs témoins respectifs (Souleymane et Adama Bocoum). Le document porte aussi les empreintes du chef de village délégué en la personne du 1er conseiller (Siaka Kéita) du 2è conseiller (Lansina Traoré) et du 3è conseiller (Issa Kéita).

En outre, précise la requête, une équipe du Conseil du village s’est déplacée sur le site pour s’assurer qu’il n’est pas occupé. L’acheteur a ensuite matérialisé sa propriété en construisant une chambre et un poulailler puis l’a délimitée par des poteaux en béton avant de commencer à l’exploiter de façon permanente.

C’est pourquoi il demande au tribunal d’accepter l’assignation contre le sieur Mamadou Kéita et de confirmer son droit de propriété en application de l’article 43 de l’Ordonnance n° 00-027/P-RM du 22 mars 2000 portant Code Domanial et Foncier qui dispose que : «les droits coutumiers exercés collectivement ou individuellement sur les terres non immatriculées sont confirmées».

Sur un autre procès-verbal établi le 27 juillet 2023 par un autre huissier-commissaire de justice, Me Noumouké Camara se trouvent les auditions du maire délégué et du vendeur de la parcelle. Le premier, Balafing Doumbia, témoigne: «Je suis habitant du village de Koursalé, né en 1962, maire délégué et membre du conseil. Habituellement lorsqu’un propriétaire approche le chef du village pour la vente d’un terrain, une délégation est formée pour s’enquérir de la situation qui prévaut sur le terrain : si la parcelle appartient effectivement au vendeur, si elle ne souffre d’une quelconque entrave, et si elle n’empiète sur la propriété d’autrui. C’est ce qui fut de même pour celui de Abdou Traoré lors de la vente à Dembourou Dembélé. A notre constat, la parcelle ne souffre d’aucune ambiguïté. De notre naissance à ce jour, personne n’a une fois entendu parler d’une propriété quelconque de Maraka Mady dans cette zone. C’est feu Bamba Traoré, le père de Abdou qui cultivait cette terre et il a eu à céder certaines parties à d’autres personnes dont le père de Madou Traoré…..Vu qu’il n’y a pas de problème à ce champ, nous avons établi l’attestation de vente signée par les témoins ainsi que quelques membres du conseil et ensuite consigné dans le registre des ventes de parcelles du village. La parcelle en question ne souffre d’aucune ambiguïté et n’appartient qu’à Abdou Traoré».

Quant au vendeur de la parcelle, il raconte : «…Cette parcelle tombe dans la masse successorale de mon défunt père. A ma naissance en 1954, mes parents cultivaient ce champ et j’ai épousé deux femmes en présence de mon père étant dans ce même champ, en tout cas pas en présence de mon père et même à son décès jusqu’à ces dernières années où ils ont commencé cette manœuvre après la vente du champ à Dembourou Dembélé en 2017. Pour ma part, la parcelle vendue à Dembourou ne souffre d’aucune menace puisque la quête de Maraka Mady est sans objet».

Quand le requis refuse de signer la copie délivrée par l’huissier de justice …

Curieux tout de même que la personne assignée, Maraka Mady Kéita, ait refusé d’apposer sa signature sur l’acte qui lui a été servi par l’huissier comme a pris soin de mentionner ce dernier lui-même! Renseignement pris, il s’avère que le requérant s’est trompé de cible en convoquant le fils de la personne qui revendique la propriété de la parcelle. Réponse du berger à la bergère ? Tentative de ‘’court-circuiter l’adversaire en le prenant de vitesse ? En effet, la vieille Fanta Kéita, 89 ans, a déjà saisi le tribunal administratif de Bamako depuis le 11 mai 2023, après avoir fait établir un procès-verbal de l’occupation de sa propriété qu’elle a héritée de son père depuis qu’elle était très jeune !!! Le détail dans l’article en encadré.

La rédaction

Dans un procès-verbal de constat avec audition de témoins dressé le 16 avril 2023 par l’étude de Maître Cheick Oumar T. Dagno, huissier-commissaire de justice, la vieille Fanta Kéita dite Maraka Fanta, 89 ans, déclare avoir hérité de son défunt père un vaste champ de culture à teneur coutumière dans la forêt de Damayina à Koursalé, d’une superficie de 5 hectares. Son père étant décédé pendant qu’elle était encore jeune, le champ est resté inexploité pendant plusieurs années avant que le neveu de son père, Bouradié Doumbia, vienne s’en occuper. Après le départ de ce dernier, c’est son unique jeune frère, Méissa dit Madou Kéita, qui a pris la relève. C’est ce dernier qui a installé les plaques d’identification portant le nom de leur père, Maraka Mady Kéita, sur les limites du champ. Lequel est resté à nouveau inutilisé pendant longtemps car à cause des problèmes de santé de Méissa.

C’est donc à sa grande surprise qu’elle a constaté que ‘’le champ a fait l’objet d’occupation illicite par des individus ‘’mal intentionnés’’  qui ont   arraché ses plaques d’identification ‘’sans titre ni droit’’. Ses investigations lui ont permis d’identifier ‘’les auteurs qui sont des habitants de Koursalé : les nommés  Dioman Traoré et ses enfants, Bamba et Souleymane Traoré plus Abdou Traoré. Cette situation lui causant d’énormes préjudices, elle a ainsi requis les services d’un huissier-commissaire de justice. Lequel, en compagnie d’un expert-géomètre, N’Tji Samaké, s’est rendu sur le site indiqué pour procéder à l’identification physique des terres et de leurs limites. Ils y ont découvert un champ de riz appartenant à un certain Dembélé. Sur un second champ, ils ont constaté des poteaux en béton armé, une maisonnette et une maison en construction appartenant à un certain Mamadou Samassa.

L’huissier a ensuite procédé à l’audition de témoins de la vieille dame, notamment le chef de village, ses conseillers, le chef de la tribu ‘’Sènèbala’’ de Koursalé.

Le chef de village de Koursalé, Mamadou Kéita, 83 ans, a confié sur la foi de l’honneur : «Vu mon âge, je me dois de dire toute la vérité et rien que la vérité. Je confirme que le champ en question appartient à Maraka Mady Kéita. Après le décès Maraka Mady Kéita, Monsieur Bouradié Doumbia, son neveu, a continué à cultiver  l’endroit. Moi-même je quittais Koursalé pour aller passer la nuit chez Bouradié à Damayina et ensemble lui et moi faisions la pêche sur les lieux. A la période des récoltes, comme Maraka Mady Kéita n’avait personne pour l’aider, il venait informer sa tribu à Koursalé qui envoyait des gens pour récolter son maïs. Par la même occasion, ils l’aidaient aussi à transporter les récoltes à Koursalé à l’aide de la pirogue. Je ne connais que lui comme étant le seul et l’unique propriétaire du champ en cause».

Ces propos du chef de village, selon le procès-verbal de constat avec audition de témoins, ont été confirmés par le doyen Sikoro Mory Kéita, 86 ans, cultivateur et chef de la tribu ‘’Sènèbala’’ de Koursalé. «Je confirme tout ce que le chef de village a dit. Maraka Mady fut le premier occupant de la forêt de Damayina. Donc, il est le seul et unique propriétaire du champ. Tous ceux qui sont allés là-bas ont trouvé qu’il était déjà installé sur place. En ce moment, sa fille Fanta était toute petite. Je connais que lui comme propriétaire légitime et coutumière du champ »

Cultivateur et adjoint du chef de la tribu de ‘’Sènèbala’’ Toumany Diakité, également octogénaire- il a 82 ans- atteste : «Toutes les vieilles personnes de Koursalé savent que Maraka Mady est le premier exploitant de la forêt de Damayina et que le champ dont il est question lui appartient. Lorsqu’il devait quitter le champ pour venir à Koursalé, l’appel était lancé à tout le village qui, pour le rendre hommage, l’accueillait avec des tambours, des chants des danses et des folklores. Tout le village était content émerveillé, enthousiasmé. Au regard de tout cela, je confirme que le champ appartient à Maraka Mady Kéita. Par conséquent, il revient de plein droit à ses ayant-droits», ajoute Toumany Diakité.

Siaka Kéita, 74 ans, cultivateur et 1er conseiller du chef de village de Koursalé apporte d’autres éclairages : «Quand je grandissais, Maraka Mady Kéita se trouvait déjà dans son champ à Damayina. Si des gens ont osé aller là-bas c’est grâce  à lui qui fut le premier à occuper et à exploiter l’endroit. Quand il rentrait de Damayina, le kotéba (folklore traditionnel) était dansé par les habitants de Koursalé pour l’accueillir chaleureusement. Sa propriété sur ledit champ est indéniable, tout le monde le sait car la terre est immobile».

Kariba dit Bakary Doumbia, cultivateur âgé de 80 ans déclare avoir cultivé à côté de Maraka Mady Kéita dans la forêt de Damayina pendant 33 ans. «J’ai trouvé Maraka Mady Kéita dans la forêt de Damayina. Après lui, c’est Bouradiè qui exploitait le champ.».

La version de Monsieur Dembélé

«J’ai acheté ma parcelle auprès d’Abdou Traoré, un natif de Kourousalé bien connu dans la localité. Depuis 2017, j’ai commencé à construire sur la parcelle. Tous les autochtones sont au courant de mon achat du terrain. J’ai acquis tous mes documents auprès du chef du village et ses conseillers qui ont leurs signatures là-dessus. Du premier jusqu’au 4ème conseiller du chef de village, ils ont leurs signatures sur mes documents qui sont également enregistrés au niveau de la mairie ….Je ne connais pas la prétention de ceux qui disent avoir un droit sur les mêmes sites. Je ne suis pas d’ailleurs la seule victime, ils ont tenté d’escroquer d’autres personnes, y compris les ressortissants de Kourousalé, dont les parcelles jouxtent la mienne et celle d’un autre du nom de Samassa. Mais ce que je ne comprends pas, c’est que ceux qui s’opposent à nos droits sur la parcelle n’ont aucun papier justificatif sur eux. Ils ne possèdent aucun papier ou document justificatif de leur propriété sur le site. Mais seulement ils sont natifs de Kourousalé et ils veulent prétendre avoir des propriétés sur nos parcelles qu’on a achetées. Sinon moi je vis à Bamako. Je ne suis pas de Kourousalé, comment il me sera possible de prétendre avoir un terrain à Kourousalé si je ne l’ai pas acquis de plein droit. Celui auprès de qui j’ai acheté ma parcelle est née à Kourousalé, et il est connu de la population dudit lieu. Il s’appelle Abdou Traoré».

Aux dernières nouvelles, le chef de village envisage d’envoyer un messager confirmer ses dires le jour de l’audience. Il semble que les conseillers qui ont apposé leurs empreintes sur l’acte de vente ont déclaré que c’est une autre parcelle qui leur a été montrée et non celle de Maraka Mady. Et que la personne qui leur a montré ladite parcelle reste introuvable. Nos tentatives de faire parler le sieur Samassa pour les besoins de recoupement ont été vaines.

Affaire à suivre.

La rédaction

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