Mali, Burkina Faso, Niger : des enfants oubliés dans l’ombre des conflits

Le Sahel central traverse une crise profonde qui ne dit pas toujours son nom. Au Mali, au Burkina Faso et au Niger, la succession des coups d’État, la résurgence des groupes armés et l’effondrement des services sociaux ont plongé des millions d’enfants dans une situation d’extrême vulnérabilité.

1 Août 2025 - 09:35
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Mali, Burkina Faso, Niger : des enfants oubliés dans l’ombre des conflits

L’attention politique et diplomatique est captée par les enjeux sécuritaires. L’accent est mis sur les alliances militaires, la souveraineté territoriale, les chartes de transition, les programmes de refondation. Pendant ce temps, une autre réalité se développe dans le silence celle d’enfants privés d’école, déplacés, mal nourris, désorientés.

Dans ces trois pays sahéliens, plus de 8000 écoles sont aujourd’hui fermées à cause de l’insécurité. Cela signifie que des millions d’enfants ont vu leur scolarité interrompue sans solution de remplacement.

Selon des estimations de Save the Children et des agences des Nations unies, près de 28% des enfants en âge scolaire dans la région ne sont plus inscrits dans aucun établissement. Ce chiffre alarmant recoupe une tendance plus large observée à l’échelle du Sahel élargi, où l’on parle de près de 39 millions d’enfants déscolarisés. Si le nombre est à manier avec prudence, il témoigne de l’ampleur du phénomène.

Le système éducatif subit de plein fouet les conséquences des déplacements massifs de population. En 2025, plus de 4,2 millions de personnes sont déplacées dans les trois pays. Parmi elles, 3,7 millions sont des déplacés internes. Les enfants en constituent la majorité. Beaucoup d’entre eux vivent dans des campements de fortune sans accès régulier à une école, à une cantine, à un espace sécurisé pour apprendre.

Au Mali, on dénombre plus de 118 000 réfugiés enregistrés, dont une part importante venue du Burkina Faso. Plusieurs dizaines de milliers d’autres restent encore invisibles dans les chiffres, faute de procédures d’enregistrement ou de structures d’accueil adaptées.

La détérioration des conditions de vie des enfants ne se limite pas à l’école. La crise humanitaire a un impact direct sur leur santé. En 2025, les structures humanitaires estiment que 6,9 millions d’enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë dans la région, dont 1,4 million dans une forme sévère qui met leur vie en danger immédiat.

L’accès à une alimentation adéquate reste un défi quotidien pour une majorité d’entre eux. Seuls 18% bénéficient d’un régime alimentaire équilibré, intégrant les cinq groupes nutritionnels recommandés. Environ 40% se contentent de trois à quatre groupes et 32% vivent avec des rations très limitées, souvent réduites à du lait maternel et de la bouillie céréalière.

Les financements restent en deçà des besoins

Pour ceux qui tombent dans la malnutrition sévère, moins d’un enfant sur deux reçoit un traitement approprié. Le manque de ressources, les contraintes logistiques et l’insécurité rendent difficiles l’acheminement des produits thérapeutiques vers les zones les plus touchées. Le personnel humanitaire lui-même est confronté à des risques croissants, ce qui réduit encore la couverture des services essentiels.

Face à cette situation, des initiatives existent. Elles sauvent, chaque jour, un nombre important d’enfants de l’oubli. Au Burkina Faso, le programme Education Cannot Wait a permis à près de 680 000 enfants de suivre un enseignement via la radio. Plus de 23 000 élèves bénéficient de repas dans des cantines scolaires. Et plus de 6 000 enfants vulnérables reçoivent des transferts monétaires pour faciliter leur maintien dans le système éducatif. Des ONG comme Save the Children déploient également des espaces d’apprentissage protégés, forment des enseignants, apportent un soutien psychosocial aux élèves traumatisés.

Mais ces efforts, bien qu’indispensables, ne suffisent pas à inverser la tendance. Les financements restent en deçà des besoins. Les priorités nationales, dans un contexte de transition politique et de lutte contre le terrorisme, se concentrent essentiellement sur les enjeux militaires et institutionnels. Les enfants, pourtant au cœur de l’avenir du Sahel, ne bénéficient pas de l’attention nécessaire dans les politiques publiques.

Sans condamnation ni mise en accusation, les chiffres parlent d’eux-mêmes. La communauté régionale et internationale doit pouvoir regarder cette réalité en face. Ce ne sont pas seulement des enfants déscolarisés ou déplacés. Ce sont des citoyens en formation, des sociétés en devenir. Ne pas leur offrir les conditions minimales de développement aujourd’hui, c’est condamner toute perspective de stabilité pour demain.

Cheick B. CISSE

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