Il faut rappeler que cette nouvelle Commission Vérité, Justice et Réconciliation se propose de remplacer la Commission Dialogue Réconciliation (CDR) créé il y a un (1) an (le 6 mars 2013) par le Gouvernement de transition et que dirige l’ancien Ministre Mohamed Salia Sokona, assisté par une trentaine de commissaires.
Après son investiture en le 4 Septembre 2013, le Président Ibrahim Boubacar Kéïta a déclaré que le champ d’action de la Commission Dialogue Réconciliation (Cdr) doit s’étendre à la recherche de la Vérité sur l’histoire du Mali à partir de 1960 et que la Cdr doit aussi faire de la quête de la Justice son cheval de bataille. D’où l’initiative qu’il a lancée de créer une Commission Vérité, Justice et Réconciliation (Cvjr) jouissant d’un mandat de trois (3) ans, de 15 membres actifs et disposant de sept (7) groupes de travail.
En se penchant donc sur les textes de création de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation, Human Rights Wacth estime que l’une de leur faiblesse est “le fait de placer la commission sous la responsabilité du Ministère de la Réconciliation nationale et du Développement des régions du Nord”, car cette dépendance de la Cvjr d’une autorité politique “la rendrait susceptible à l’ingérence politique”. Human Rights Watch estime également que le fait que le “Ministère de la Réconciliation nationale et du Développement des régions du Nord serait chargé de sélectionner les commissaires”, qu’“aucune consultation publique ne serait prévue pour déterminer la composition, le mandat et les compétences de la commission” sont autant d’élements susceptibles de rendre la Cvjr non crédible, non transparente, non efficace.
Or, déclare Corinne Dufka de Human Rights Watch, “compte tenu de l’importance de l’enjeu, il n’y a pas de droit à l’erreur.”
LES SEPT MESURES DE HUMAN RIGHTS WACTH
Human Rights Watch estime que certaines mesures, sept au total, si elles sont appliquées, sont susceptibles de faire en sorte “à ce que la future commission vérité reflète l’ensemble de la société malienne, et ne soit pas perçue comme représentant uniquement certains intérêts particuliers”. Ces sept (7) mesures, Human Rights Watch estime que c’est l’Assemblée Nationale qui doit les proposer. L’organisation internationale les énumère comme suit:
“ 1• La commission soit indépendante des autres branches du gouvernement. Le fait de placer la commission sous la responsabilité du Ministère de la Réconciliation nationale et du Développement des régions du Nord la rendrait susceptible à l’ingérence politique, et affecterait la manière dont sa neutralité serait perçue ;
2 • Un large processus de consultation sur son mandat et sa composition soit lancé en impliquant, entre autres, des groupes d’activistes et de défense des droits humains, des groupes de femmes, des groupes de jeunes, des partis politiques, des syndicats, des groupes de victimes, la diaspora, et des représentants de confessions religieuses, des forces de sécurité et des factions belligérantes ;
3 • Des critères clairs et objectifs soient établis pour nommer les commissaires, y compris concernant leurs antécédents moraux et professionnels, leur impartialité et leur engagement envers les normes internationales relatives aux droits humains ;
4 • Tous les commissaires dont la nomination est proposée fassent l’objet d’audiences de confirmation publiques ;
5 • Des réglementations soient mises en œuvre pour clarifier le mandat de la commission au sein d’un cadre dédié aux droits humains ;
6 • Des réglementations prévoient des pouvoirs d’investigation destinés, notamment, aux témoins à comparaître ; des audiences publiques ; et la rédaction d’un rapport public final émettant des recommandations dans le domaine de la responsabilité, y compris en matière de réparations et d’affaires devant faire l’objet d’une enquête pénale, ainsi qu’à l’attention d’autres réformes institutionnelles ; et que
7 • La commission s’inscrive dans le cadre de mesures plus générales destinées à l’établissement de la vérité et à la responsabilité et qui incluent la traduction en justice en cas de crime graves. S’il est vrai que les commissions vérité sont en mesure de satisfaire les besoins des victimes et des communautés, des mécanismes de justice sont nécessaires pour répondre aux atteintes graves aux droits humains.”
Ces sept mesures proposées par Human Rights Wacth correspondent à de véritables soucis et préoccupations des Maliens que l’Administration du Président doit prendre en compte.
El Hadj Sinaly DIARRA