TRIBUNE:Nassé Sangaré touche deux mots au Mouvement « citoyen »

Ingénieur des arts et métiers diplômé à Paris avec une thèse de 3e cycle et un DESS de microbiologie alimentaire à l’Institut Pasteur, Nassé Sangaré dirige le Laboratoire des techniques et sciences des aliments à Alençon (ville française jumelée avec Koutiala)...

24 Juillet 2006 - 14:51
24 Juillet 2006 - 14:51
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Ingénieur des arts et métiers diplômé à Paris avec une thèse de 3e cycle et un DESS de microbiologie alimentaire à l’Institut Pasteur, Nassé Sangaré dirige le Laboratoire des techniques et sciences des aliments à Alençon (ville française jumelée avec Koutiala), entreprise qu’il a créée en 1992. Il est membre fondateur de la Coopérative Jamana, de l’Adéma/Association et de l’Adéma-PASJ, et aussi l’un des secrétaires généraux (de 1984 à 1991) du Comité de défense des libertés démocratiques au Mali, comité créé pour la défense des prisonniers politiques du Mali après le coup d’Etat militaire de novembre 1968. Il a coprésidé aux côtés de Abdrahmane Baba Touré les travaux du congrès constitutif de l’Adéma-PASJ le 25 mai 1991.
 
 
Si vous me le permettez, je commencerais ces propos par un proverbe malien : « C’est une honte d’ouvrir une courge et ne pas y trouver de graines ». Et pourtant, il en est ainsi pour le Mouvement « citoyen ».
 
Ce mouvement est né à la faveur du séisme qui a dispersé la classe politique malienne, en particulier l’Adéma-PASJ à l’occasion des élections de 2002. Ces acrobates de la politique qui ne veulent pas passer par les étapes, les méandres et le parcours initiatique de la politique espèrent de la sorte anéantir les vrais partis politiques.
 
De telles pratiques sont mises en œuvre par des opportunistes de tous les temps. Ce sont le plus souvent des clans et/ou des groupements d’intérêt où se retrouvent des personnes motivées par l’appât du gain. Platon les qualifiait d’amateurs, d’improvisateurs, d’impatients qui ne s’intéressent qu’à l’immédiat. La relation triangulaire qui les unit est l’intérêt, le court terme, le profit.
 
Le Mouvement « citoyen » prend naissance et se renforce au détriment des partis politiques qui ont renoncé à leurs principes fondateurs et leur orientation première. En vérité, ce n’est qu’une coterie organisée autour de l’attrait du moment. Il est circonstanciel, conjoncturel. Il se nourrit de non-dits qui déforment la perception de la réalité.
 
Le mot citoyen du Mouvement « citoyen » n’est qu’un habit de camouflage. Ne sommes-nous pas tous des citoyens de la République du Mali ? Et, pour quelles raisons certains se sentiraient plus citoyens que les autres ? Un tel mouvement dépourvu de raisons qui ne sont pas clairement définies et de prospective ne peut que nous interroger.
 
Il est du devoir des partis politiques ayant une existence réelle de ranimer la confiance des Maliens en eux-mêmes et en leurs responsables. Il leur appartient de rappeler à chacun d’entre nous que sans éveil, voire sans réveil des consciences politiques, des prestidigitateurs, comme les définissait encore Platon, extorqueront le consentement du peuple.
 
Dans ces conditions, nous ne sommes pas à l’abri d’autres évènements graves comme ceux qui viennent de se produire à Kidal.
 
Il y a de cela 19 ans, en réalité c’était hier, les vertus rassembleurs des militants du Parti malien du travail (PMT), du Parti malien pour la révolution et la démocratie (PMRD), et de l’Union soudanaise RDA avaient conjuré leur division pour ne prendre en compte que le devenir du Mali et ainsi réussir la conquête de la liberté et de la démocratie.
 
Notre défi permanent reste encore et encore la consolidation et le perfectionnement de cette démocratie, qui n’a que quinze ans et qui est donc dans son premier âge. Ça n’est pas la politique de l’immédiateté, de l’apparence, du paraître et du superficiel qui va la sauvegarder, la protéger, la faire grandir, mais bien au contraire.
 
Les populations africaines réclament un développement durable qui réponde aux besoins du présent sans compromettre les capacités des générations futures à répondre aux leurs.
 
Le cri de la jeunesse malienne est : « Plus de vérité et de justice, plus de travail et moins d’incertitude, le droit de vivre dans un environnement équilibré et favorable à sa santé ».
 
Elle réclame des hommes de devoir et non des hommes de valoir et de l’immédiat car le valoir et l’immédiat comme le paraître sont des principes d’erreur. Le Mouvement « citoyen » n’a pas de propositions conformes aux attentes des citoyens maliens.
 
Dans le domaine de l’éthique de la vie publique et des affaires de l’Etat, comme dans celui de la gouvernance et de la responsabilité sociétale, l’identification des bonnes pratiques, la pression des pairs, de l’opinion publique et une opposition organisée et crédible sont des moteurs de progrès. Mettre en application de tels concepts exige l’implication de partis politiques et de mouvements syndicaux structurés, capables d’élaborer des propositions qui ne soient pas une imposture, en somme, capables de faire vivre une dynamique de progrès.
 
La démocratie est bénéfique pour le peuple et la nation. C’est pour cela que nous avons consacré la majeure partie de notre jeunesse et bien plus à son avènement.
 
Elle autorise le tri entre les responsables politiques et administratifs intègres et soucieux du bien public et ceux qui n’utilisent leur fonction que pour le profit personnel qu’ils peuvent en tirer.
 
Pour toutes ces raisons, et pour bien d’autres, je pense et je maintiens que le Mouvement « citoyen » est une tromperie, une spéculation, une absence de logique, une imposture.
 
Alors, je me tourne à nouveau vers les militants de l’Adéma-PASJ, du RPM, de l’URD et de l’US-RDA sans oublier le Parena et le Miria.
 
Nous devons reprendre conscience ici et maintenant pour faire preuve d’invention et de liberté anticonformiste en vue d’une réelle démocratie. C’est pour le Mali une question vitale. Mettre un enfant au monde n’est pas le plus difficile mais encore faut-il l’éduquer.
 
Amadou Hampâté Bâ a écrit dans un de ses nombreux ouvrages : « Cesse d’être ce que tu es, afin que je puisse faire de toi ce que je suis, ainsi notre rencontre sera possible ».
 
Le chantre ou sora de la confrérie des chasseurs chante aussi ceci : « Il est nécessaire de sauter par-dessus les conflits de personnes pour que les relations humaines perdurent et que l’humanité puisse se construire ».
 
Certes, l’année 2002 a été une année où des inconsciences et des improvisations justement orchestrées par des hommes de l’immédiat ont mis un terme à notre cohésion ; mais, nous avons en d’autres temps surmonté de telles difficultés.
 
Je conclus mes propos par deux citations :
 
« Celui qui cherche un frère sans défaut reste sans frère » : parole du Soufie Djalâl Ud Din Rûmi
 
« Chacun est seul responsable de tous » : parole d’Antoine de Saint-Exupéry
 
Nassé Sangaré
 

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