Le pouvoir seul sait le moment et seul il dira le pourquoi. Le problème n’est pas de livrer un décret de nomination à la querelle, mais de s’interroger sur les accommodements que prennent les rédacteurs du Journal officiel de la République.
La lucidité des journalistes doit s’exercer à la contemplation de ce décret de nomination du Capitaine Amadou Haya Sanogo à la présidence du Comité militaire de réforme et de suivi de l’armée. Un décret qui subit une double obscurité : en bas, sa non parution (à ce jour ?) dans le J.O., en haut, il est rendu public trois mois pile après. La mesure daterait du mois du 8 août 2012 où le Président Dioncounda Traoré prit le décret. C’est un souffle qui sortait ainsi de sa poitrine. Qu’a-t-il donc fait, le Pr Dioncounda Traoré, l’orfèvre ? Il achevait…quelque chose comme si les trois principaux acteurs de la transition faisaient de leur passé commun une impossibilité de vivre l’un sans l’autre.
C’est la question de rendre compte qui est en jeu
Le J.O., c’est un journal qui doit enregistrer en principe tous les décrets et lois et souvent les documents institutionnels. Une sorte de registre dans lequel tiennent le cap la vitesse et les éventuels incidents de parcours. Ajoutons que le J.O. serait comme des feuilles qui, plus tard, augmenteront les textes sacrés ou les bibles de nos républiques. Le J.O. n’aura qu’à montrer pour vous soumettre en principe. Comment cela se passe-t-il ? La décision de prendre un décret est soumis à un parcours : entre sa sortie et sa publication, le visa du Secrétariat général du gouvernement. Les signataires auront à remplir là toute responsabilité en ce qui concerne la forme du décret, son exactitude et son authenticité. Le J.O. en assurera la portée légale par une diffusion « dûment vérifiée ». C’est alors qu’on dira que nul n’est censé ignorer la loi. Ceux qui tiennent le J.O. n’ont que la faculté de transmettre tels quels les termes du décret. Mais que dire des retards de transmission, des erreurs d’interprétation ? Exemple : après la promulgation d’une loi, l’autorisation à pratiquer, si l’on peut dire, ne vient qu’après la publication du J.O. Ce qu’on condamne dans cette affaire de décret nomination, ce n’est pas qu’il tienne la route du point de vue juridique : on n’a rien à lui reprocher de ce côté. Le retard pris par la non parution dans le J.O. ne prête pas à conséquence. Dans le cas qui nous concerne, sa mise en texte n’a pas été d’une exceptionnelle diligence. Aucun délai ne semble s’imposer aux rédacteurs. On l’a vérifié de part le passé avec la non publication d’autres textes. On peut parler aussi d’une périodicité à la carte du J.O. Parce qu’elle est incertaine, elle ne va pas étendre les liens de conscience des rédacteurs. Comment faire pour rectifier ce mal de l’action ? L’écriture a une résidence et le livre de la République (le J.O.) est fait pour qu’on tourne la feuille. Domiciliation ? Est-ce au Secrétariat général de la Présidence de la République, au Secrétariat général du gouvernement (tous les deux titulaires ont rang de ministres) ou le département de la communication ? L’Etat, dit-on, est opérateur de l’identité nationale, instrument de la conscience… Le Journal officiel ne peut définir son identité à partir de lui-même. Il doit toujours rester attentif aux rythmes de notre histoire immédiate.
S.Koné