Pour ceux qui le connaissent bien ou qui l’ont approché de près, Cheick Modibo Diarra serait un gros travailleur, un baroudeur, un fonceur. Lui aussi le croit. Aussi, a-t-il eu besoin, lors de son « baroni », de révéler au peuple malien que lui le Martien et certains membres de son gouvernement n’auraient pas besoin de l’argent public. Ils travailleraient pour des prunes, sans salaires, pour l’honneur.

Les travaux abattus dans ces conditions, le Premier ministre les a évoqués à l’occasion de la présentation de son bilan de cent jours de pleins pouvoirs. Ainsi, selon lui, malgré la crise économique mondiale, le gel de l’aide au développement, l’embargo qui frappe le pays, la chute des exportations, il est parvenu à faire tenir régulièrement les cours scolaires et universitaires, à maintenir les enseignants, éternels insatisfaits, dans les classes, à organiser « normalement » les examens et concours.
Dans le langage parlé sur la « planète rouge », normalement veut sans doute dire faire des évaluations sur seulement un tiers du territoire national, pour une partie de la population, avec comme objectif pédagogique de ne jamais atteindre 15% de réussite aux examens.
Tous ces efforts ont été permis par le renoncement à leurs salaires de certains hauts commis de l’Etat et à la réduction des dépenses publiques. Mais malgré toutes ces mesures et la bonne volonté du Premier ministre, beaucoup se demandent d’où il sort l’argent pour payer les fonctionnaires alors que le Mali est sur cales depuis avril. Des esprits avisés pensent que quand Cheick Modibo Diarra est parvenu au pouvoir, quoi qu’en disent les détracteurs de l’ancien régime, les caisses du trésor étaient loin d’être vides. Vive ATT, prétendu pirate de l’économie nationale.
En tout cas, si le chef gu gouvernement a fait don de son salaire au pays, il ne se prive de rien : voyages fréquents et nombreux à bord de l’avion présidentiel, important dispositif sécuritaire lors de ses déplacements. Il est vrai qu’un président de la République dont le pays dispose d’un avion présidentiel n’empruntera pas souvent souvent des vols commerciaux, charters ou les transports en commun mais Cheick Modibo Diarra n’est pas un président de la République. dans le souci de préserver les maigres ressources de l’Etat, il ne serait jamais venu à l’idée de Mohamed Ag Hamani, Ousmane Issoufi Maïga ou Modibo Sidibé, véritables hommes d’Etat, de voyager seuls dans l’avion présidentiel. Parce qu’eux savent qu’un chef de gouvernement n’est pas un che d’Etat.
Autre fait d’arme du « baroni » à la ATT: Cheick Modibo Diarra a déclaré sur un ton péremptoire qu’il ne démissionnera pas parce qu’il ne sait pas à qui remettre sa lettre de démission. Il est vrai que Dioncounda Traoré était réfugié à Paris mais c’est tout de même lui, le président de la République, qui a signé le décret de nomination du Premier ministre.
Avec le retour de Dioncounda Traoré et l’injonction de la Cédéao de mettre en place un gouvernement d’union nationale à même de satisfaire tout le monde ou presque, une entente cordiale s’était installée. Elle sera vite perturbée parce qu’un certain ministre a eu la langue trop pendue et fait commettre une énième gaffe à l’inénarrable Premier ministre. Pour toujours montrer qu’il est un gros travailleur, obsédé par un besoin pathologique de démontrer qu’il est l’homme de la situation, à l’aise sur Mars comme sur Terre, Cheick Modibo Diarra fait communiquer au peuple malien, à la radio et à la télé, qu’il a payé le salaire d’août dès le 15 du mois. Pauvres fonctionnaires ! ils se seraient bien passé de cette publicité gratuite qui ne manquera pas d’attirer vers eux tous les créanciers, quémandeurs et nécessiteux. Le boutiquier du coin, le mécanicien, madame, les fistons ne croiront plus qu’ils doivent attendre la fin du mois. Sachant qu’au Mali, le SIDA (salaire insuffisant et difficilement acquis) ne suffit pas pour faire la fête et gérer le quotidien, les fonctionnaires étaient bien embêtés. D’autant plus que pour beaucoup d’entre eux, la publicité s’est révélée mensongère car, mardi dernier encore, des fonctionnaires faisaient la queue dans des banques de la capitale. Aujourd’hui il n’est pas certain qu’ils aient perçu ce que Cheick Modibo Diarra aurait payé depuis le 15 août.
Ces couacs n’ont pas empêché le Premier ministre de toujours se prendre au sérieux au point de devenir plus qu’un acteur de la scène tragi-comique politique. En effet, c’est en véritable guignol qu’il a tenu à remettre personnellement à l’Ortm le décret arraché à Dioncounda Traoré, décret qui valide une liste faisant la part plus que belle à Cheick Modibo Diarra et à ses amis. Mais le déplacement du Martien à l’Ortm peut avoir une tout autre explication.
Cheick Tandina