Les chantiers de la transition (3) : Redécoller une économie à terre

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Au-delà de la crise sociale, sanitaire et sécuritaire, les Autorités de la Transition doivent jeter les bases d’une véritable relance économique en redonnant confiance aux différents secteurs économiques. Une tâche qui n’est pas gagnée d’avance.

En effet, le 13 octobre 2020, le Fonds monétaire international (FMI) a, de nouveau, révisé à la baisse la prévision de croissance du Produit Intérieur Brut (PIB), qui passe à -2% pour 2020, contre 0,9% en mai et 5% plus tôt dans l’année. La pandémie de COVID-19 et l’instabilité politique du pays ont eu des incidences sur le commerce, l’investissement, l’emploi, les recettes publiques, les envois de fonds de l’étranger et les secteurs secondaire et tertiaire.

La première chose à faire pour les Autorités de la Transition sera, donc, de regagner la confiance des donateurs internationaux. Car, leurs différentes contributions ont soutenu la croissance du (PIB) du pays entre 5 et 6% au cours des récentes années. C’est indéniable, sans le soutien de ces Donateurs, notre pays continuerait de connaître une profonde crise sociale. Sur une base purement mathématique, le PIB par Habitant est de 2471 $ (soit environ 1,4 million de francs CFA) par an. Mais la redistribution effective de la richesse créée est différente. Selon les données disponibles sur le site de l’Institut national des statistiques, le seuil de pauvreté qui est de 177.000 FCFA de revenus par an est atteint par 46% de la population.

L’économie malienne est peu diversifiée du point de vue des exportations. Les ventes d’or brut ont représenté environ 85% des exportations en 2019 et au cours du premier trimestre 2020. La production agropastorale qui a représenté près de la moitié du PIB au cours des deux dernières années reste faiblement représentée dans le commerce international.

Aussi, ce secteur occupe une part importante de la main-d’œuvre du pays, à l’exclusion des autres secteurs.

Dans une telle configuration, les importations du Mali représentent deux fois ses exportations ; ce qui le met en situation de déficit extérieur chronique.

L’autre grand défi du Pouvoir de la Transition est le maintien des grands équilibres du Budget. Les revendications populaires risquent de revenir avec force, une fois que l’euphorie de la victoire du Peuple face à l’ancien système de gouvernance va passer. Or, structurellement, le Gouvernement dispose d’un Budget limité, en raison d’un faible niveau de taxation aussi bien des individus que des entreprises.

La dernière ligne de confiance à restaurer est celle des relations avec le secteur financier. Un résultat très peu perçu de la majorité des citoyens a été la possibilité du pays à lever des financements sur le marché des capitaux de l’UEMOA à des taux intéressants. Cela a été possible grâce à une inflation (hausse des prix) maitrisée au sein de l’économie et une situation gérable de la dette.

 

Créer une croissance forte

Une croissance économique forte, soutenue et équitablement partagée est un des meilleurs moyens pour augmenter les revenus des populations, améliorant ainsi leur pouvoir d’achat et leurs conditions de vie. Aussi, une politique économique cohérente, vigoureuse et efficace pour relancer la production nationale, la consommation et les investissements est inhérente pour parvenir à stabiliser le climat social. Il est important de renforcer le capital humain en offrant des emplois aux jeunes et aux femmes qui constituent la majorité de la Population dont près de la moitié de la population a moins de 14 ans. Il s’agira d’emplois décents et durables afin d’améliorer la productivité et la compétitivité, en renforçant la demande intérieure, en diversifiant la production et l’exportation des Biens et Services à plus forte valeur ajoutée, en améliorant l’accès aux services sociaux de base, en renforçant la protection sociale, tout en réformant la règlementation du travail.

Selon la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), le taux de croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) du Mali est soutenu par les investissements publics des secteurs primaire (développement rural) et tertiaire (commerce et services, …). Soit respectivement, 39,3% du PIB et environ 36,7% du PIB en 2018.

En 2014, le taux de croissance du PIB qui était de 7,1% a atteint 5,3% en 2017, puis 4,7% en 2018 et, enfin, 5,6% en 2019. L’accumulation du capital physique et l’accroissement de la capacité de production de l’économie constituent l’un des moyens de parvenir à une croissance tirée par les exportations.

A terme, il s’agira d’aller vers une transformation structurelle de l’économie en élargissant la base productive de l’économie puis de transformer une partie importante de la production nationale pour établir une économie à base industrielle.  Surtout, mettre l’accent sur la réallocation des ressources les plus productives vers des secteurs à forte intensité d’exportation et bien intégrés dans les chaînes de valeurs mondiales semble être une condition essentielle à la croissance globale de la productivité.

 

Stimuler le secteur privé

En 2020, la pandémie de la Covid-19 a interrompu les chaînes de valeurs mondiales en ralentissant le commerce international et les activités économiques à l’échelle planétaire. Le Gouvernement  doit revoir son plan de soutien aux différents secteurs économiques en accordant une place de choix au secteur du coton, à travers un plan de relance de la filière cotonnière.  Ainsi, le Gouvernement doit aider à relancer la filière cotonnière au Mali ; car, suite à la Covid-19, depuis le début de l’année 2020, les cours sur le marché mondial du coton ont baissé d’environ 25%, suite à une baisse mondiale de la demande et une baisse du prix du pétrole. Parmi les mesures que pourraient prendre les Autorités maliennes, les soutiens directs aux centaines de milliers de familles qui produisent le coton en améliorant le prix du kg au producteur.

Les principales priorités en matière de développement doivent être la simplification de la règlementation, l’instauration d’un véritable Etat de Droit, l’amélioration des infrastructures, le renforcement des capacités de production, l’exploitation des possibilités de diversification des exportations et l’identification des secteurs présentant un potentiel élevé de valeur ajoutée et de chaîne des valeurs.

Il faudra aussi réduire substantiellement la dépendance du pays par rapport à l’Aide publique au développement (APD) dont les flux sont en baisse, imprévisibles et souvent assortis de conditionnalités qui retardent les taux de décaissement. Aussi, le Gouvernement doit améliorer l’efficacité de sa fiscalité, réduire substantiellement les flux illicites des capitaux vers l’extérieur, mieux capter (ou formaliser) le secteur informel, éliminer les préférences fiscales (exonérations) et améliorer la transparence et l’équité dans la négociation des contrats avec les sociétés multinationales, surtout dans les domaines des télécommunications et des mines.

 Mémé Sanogo

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