Coupe du Monde des Clubs : quand la politique migratoire de Donald Trump gâche la fête planétaire

Promue comme une célébration mondiale du football, la Coupe du Monde des Clubs 2025 aux États-Unis tourne au paradoxe.

16 Juin 2025 - 17:18
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Coupe du Monde des Clubs : quand la politique migratoire de Donald Trump gâche la fête planétaire

Entre les tribunes pleines et les pelouses impeccables, le pays organisateur est secoué par des tensions migratoires, des émeutes urbaines et une politique sécuritaire brutale relancée par Donald Trump. Alors que les projecteurs sont braqués sur les stades, l’Amérique semble se refermer sur elle-même, piégeant l’événement dans un climat politique explosif. Le beau jeu face à la brutalité de la politique migratoire.

La Coupe du Monde des Clubs 2025, dans son nouveau format à 32 équipes, marque une révolution dans le calendrier du football mondial. Inspirée de la Coupe du Monde des nations, cette compétition organisée tous les quatre ans regroupe désormais les clubs champions ou finalistes des tournois continentaux sur les quatre dernières saisons. L’objectif affiché par la FIFA est clair : créer une compétition planétaire des clubs d’élite, à mi-chemin entre la Ligue des champions et la Coupe du Monde. Les États-Unis, pays hôte de cette édition inaugurale du nouveau format, misent gros : 11 villes hôtes, dont Los Angeles, Miami, New York, Atlanta ou Dallas, des infrastructures dernier cri, et un engouement sportif savamment entretenu par la MLS et les retombées économiques promises. C’est une répétition grandeur nature pour le pays, à un an du Mondial 2026. Mais alors que les stades s’illuminent et que les caméras du monde entier se braquent sur les pelouses, l’Amérique traverse une zone de turbulences politiques et sociales qui jure avec l’image de vitrine mondiale que la FIFA cherche à projeter.

Le climat politique intérieur est électrique. Depuis le retour tonitruant de Donald Trump dans la course à la présidentielle 2024, les États-Unis connaissent un regain de tensions autour de la question migratoire. Le candidat républicain, aujourd’hui officiellement à la Maison Blanche, martèle son discours de fermeté à l’égard des migrants : mur à la frontière avec le Mexique, camps de rétention massifs, retour des expulsions accélérées et création d’une « force spéciale » pour traquer les clandestins. Ces déclarations n’ont rien de théorique : déjà, plusieurs États gouvernés par les républicains, comme le Texas et l’Arizona, ont intensifié leurs dispositifs sécuritaires, avec des milices frontalières, des drones de surveillance, et des raids policiers dans les communautés hispaniques. À cela s’ajoute une montée des tensions raciales et sociales dans les grandes métropoles, où des manifestations dégénèrent parfois en émeutes, comme récemment à Chicago, Houston ou Phoenix, sur fond de brutalités policières et de précarité grandissante. L’arrivée massive de supporters étrangers et de délégations internationales se heurte à cette Amérique fracturée, où la fête du football cohabite avec les cris des manifestants, les patrouilles armées et les arrestations arbitraires. La dissonance est saisissante, et ternit déjà l’image de ce tournoi que la FIFA voulait fédérateur.

Vitrine sportive ternie par la crise sociale américaine

La Coupe du Monde des Clubs 2025, désormais élargie à 32 équipes, revêt une dimension symbolique et stratégique pour Donald Trump. Organisée pour la première fois aux États-Unis, dans un format comparable à une Coupe du Monde nationale, elle se déroule dans 11 villes–hôtes dont Miami, Los Angeles et Atlanta, avec l’ambition de servir de répétition générale avant la Coupe du Monde 2026 et les Jeux de Los Angeles 2028. Pour Trump, c’est un outil politique : une occasion unique de faire briller “Make America Great Again” sur la scène internationale, dans des stades ultra‑sécurisés et médiatisés, illustrant selon lui le retour de l’Amérique au sommet mondial. Derrière l’engouement global et les coulisses bling-bling, ce tournoi XXL est aussi un test grandeur nature : logistique, image diplomatique, sécurité intérieure… tout y est passé en revue. Mais ce tableau festif contraste vivement avec la politique migratoire musclée conduite par Trump depuis son retour au pouvoir. En cent jours, il a signé près de 140 décrets visant à durcir l’immigration, révoquer le statut légal de centaines de milliers de migrants, et rétablir un « travel ban » ciblant plusieurs pays, réactivant des mesures rejetées par la Cour suprême. De plus, un tollé a accompagné les émeutes pro-immigration qui ont éclaté dans des villes comme Los Angeles : Trump a déployé la Garde nationale, évoqué l’Insurrection Act et affirmé avoir répliqué « rapidement et structuré » face aux manifestants. Sous pression, il a dû suspendre temporairement les raids dans les secteurs agricoles et hôteliers, tout en menaçant les États « sanctuaires » de sanctions. Le contraste est saisissant : tandis que le pays se drape dans ses couleurs sportives, il verrouille ses frontières et divise son territoire autour des migrants : «depuis que Trump est arrivé, il a remis en cause plusieurs choses. Il a fait un décret qui remet en cause le droit du sol et le droit d’asile. Le droit du sol est quand même garantie par le 14e amendement de la Constitution américaine. Donc c’est un décret qui rentre en conflit avec l’esprit même de la République fédérale américaine, puisque voilà, il y a une remise en cause complète du droit du sol par le premier décret qu’il a signé dans les jours qui ont suivi son investiture le 20 janvier 2025. Il y a un deuxième décret qui a été signé par Trump et qui est effectivement un décret qui met en place un état d’urgence dans les frontières sud-états-uniennes, donc avec le Mexique, et qui en gros veut stopper l’immigration illégale criminelle et massive», analyse Rémy Coquelle, diplômé d’histoire contemporaine et de droit/sciences politiques en études européennes et internationales aux universités de Lorient et de Nantes.

Alors que des dizaines de milliers de supporters affluent des quatre coins du globe pour suivre leur club dans cette édition inédite de la Coupe du Monde des Clubs, beaucoup découvrent une Amérique en tension. À l’aéroport, les contrôles sont renforcés, les files d’attente interminables, et certaines nationalités – notamment d’Amérique latine, du Moyen-Orient ou d’Afrique – sont ciblées de manière visible. Plusieurs témoignages évoquent des interrogatoires humiliants à l’arrivée, des fouilles poussées, voire des refus d’entrée pour des raisons jugées floues. Des groupes de supporters brésiliens, égyptiens ou marocains ont dénoncé un climat de suspicion généralisée. Certains fans hésitent désormais à se rendre à certains matchs, particulièrement dans les États les plus conservateurs, où les tensions autour de l’immigration sont exacerbées. Le rêve d’un tournoi mondial et festif se heurte à la dure réalité d’un pays qui, sous Trump, regarde l’étranger avec méfiance. Les délégations officielles – joueurs, staffs, encadrants – sont elles aussi affectées. Des retards dans l’obtention de visas ont été signalés, notamment pour des membres de clubs africains ou asiatiques, en raison d’une bureaucratie renforcée par les nouvelles directives migratoires. Dans certains cas, des entraîneurs ou traducteurs ont dû être remplacés à la dernière minute. Les clubs évoluant avec des joueurs d’origine latino-américaine ou disposant d’un statut migratoire sensible ont exprimé leur inquiétude quant aux déplacements internes, soumis à un contrôle accru par les forces de l’ordre : «je trouve que cette politique a des conséquences sur les autres décisions qui en découlent qui vont mettre à mal la cohésion sociale et nationale des États-Unis qui n’étaient pas au beau fixe ces derniers temps. Cela va aggraver encore plus la situation et ça va aggraver encore plus la polarisation de la société américaine, où on a vraiment l’impression d’une société américaine coupée en deux et qui est irréconciliable. Et ça va continuer parce qu’on a vraiment cette impression qu’on a deux visions des États-Unis qui s’affrontent, une vision multiculturelle qui est celle des États-Unis de ces dernières décennies», conclut Rémy Coquelle. L’ambiance dans certains camps d’entraînement est marquée par la prudence : consignes de sécurité, déplacements limités, contacts encadrés avec le public. Même la fête semble surveillée. La politisation du tournoi rend difficile pour les équipes de se concentrer exclusivement sur le sportif.

L’hostilité envers les migrants brouille le message d’ouverture que devait incarner ce tournoi. Pour de nombreux observateurs, cette compétition est en train de devenir non pas une vitrine, mais un miroir grossissant des contradictions américaines : vouloir accueillir le monde tout en le rejetant aux frontières. «La Coupe du monde des clubs 2025, voulue comme vitrine globale du football par la FIFA, s’ouvre dans un climat d’insécurité administrative et symbolique pour une partie de son public. L’annonce de la présence massive d’agents de l’ICE et de la CBP aux abords des stades a fait naître un malaise palpable. Des contrôles renforcés sont attendus, les fans étrangers doivent désormais fournir des preuves de leur statut légal, et des événements promotionnels — comme la croisière Telemundo à Miami — ont même été annulés suite à des descentes des autorités fédérales. Le contraste est saisissant entre la promesse d’un tournoi festif et l’ambiance de surveillance généralisée, accentuée par les tensions entre Donald Trump et le gouverneur de Californie autour des émeutes sur le sujet des migrants. Plus encore, cette politique migratoire risque de dissuader de nombreux supporters, notamment sud-américains, africains ou originaires du Moyen-Orient, de faire le déplacement. Le décret signé par Trump le 9 juin 2025, interdisant l’entrée à 12 nationalités et restreignant partiellement sept autres, cristallise cette crispation. Certes, les footballeurs professionnels sont exemptés… mais le public, lui, ne l’est pas. À l’heure où la FIFA prétend mondialiser le football de clubs, les États-Unis semblent refermer leurs frontières, brouillant profondément le message d’universalité que l’événement voulait incarner, et alors même que les deux précédentes Coupes du monde avaient ouvert des brèches dans le déplacement de supporters avec des pass spéciaux (Russie 2018, Qatar 2022),», nous explique Kévin Veyssière, fondateur du FC Geopolitics, le média qui vulgarise la géopolitique et le sport, et qui rassemble plus de 70 000 abonnés sur les réseaux sociaux. Pour la FIFA, organisatrice de la compétition, le contexte devient de plus en plus embarrassant. L’instance dirigeante du football mondial avait fait le pari des États-Unis pour leur capacité logistique, leur puissance économique et leur poids géopolitique. Mais elle se retrouve désormais accusée d’avoir fermé les yeux sur une situation politique explosive.

La FIFA sous pression

Alors que la FIFA comptait sur cette Coupe du Monde des Clubs pour renforcer le soft power américain et vanter les mérites de son modèle sportif, l’effet inverse se fait sentir. À l’international, les images d’émeutes réprimées, de migrants menottés ou de discours incendiaires de Trump sur « l’invasion étrangère » tournent en boucle sur les réseaux. Des ONG, des intellectuels et même des fédérations sportives pointent l’ironie de faire cohabiter un tournoi mondialiste et une politique migratoire ultra-restrictive :«ce Mondial des clubs agit comme un test grandeur nature, non seulement pour l’organisation logistique d’un tournoi planétaire, mais aussi pour la compatibilité entre la diplomatie sportive et la ligne politique dure de l’administration Trump. La désignation d’agents de l’immigration comme partenaires sécuritaires, l’injonction aux fans de porter leurs papiers, et les raids menés dans certaines villes, donnent un ton répressif à un événement censé rassembler. Dans une Amérique fracturée, le football se retrouve involontairement enrôlé dans une mise en scène du pouvoir fédéral. À un an de la Coupe du monde 2026, les signaux d’alerte se multiplient. Les tensions migratoires aux abords du Rose Bowl de Pasadena, les appels au boycott, et les déclarations hostiles du gouverneur DeSantis envers les manifestants dessinent les contours d’un tournoi potentiellement clivant. Dans un contexte où Trump veut faire de ce Mondial le plus grand événement sportif de l’Histoire et un outil de glorification nationale, l’inquiétude est légitime. Et la question qui se pose c’est est-ce que Donald Trump va véritablement pouvoir envoyer l’image d’une Great America à l’occasion de la Coupe du monde 2026 si les conditions ne sont pas réunies pour accueilli sereinement le monde, en sachant que la compétition sera scrutée par plus de 4 milliards de téléspectateurs», a poursuivi Kévin Veyssière. Les discours sur « l’unité par le sport » et « l’inclusion » résonnent de manière étrange à l’heure où des familles de migrants sont arrêtées à quelques kilomètres des stades.

Des ONG sportives et humanitaires réclament une prise de position, tandis que Gianni Infantino reste silencieux. Ce tournoi révèle une ligne de fracture de plus en plus nette entre deux visages des États-Unis. D’un côté, les grandes villes cosmopolites et libérales – New York, San Francisco, Seattle – tentent de jouer la carte de l’ouverture et de la tolérance, accueillant les délégations avec chaleur malgré le climat politique. De l’autre, des États plus conservateurs appliquent avec zèle les nouvelles directives fédérales, multipliant les contrôles migratoires, et tolérant mal la présence de supporters ou journalistes étrangers. Le football est peut-être global, mais la neutralité revendiquée de ses institutions l’empêche souvent de regarder la réalité en face. La compétition mondiale, au lieu d’unifier le pays sous la bannière du sport, cristallise au contraire les tensions internes. L’Amérique du football semble en décalage complet avec l’Amérique politique, prise dans une guerre culturelle et identitaire. En façade, rien ne manque à cette Coupe du Monde des Clubs : mascottes, fan-zones, retransmissions en 4K, slogans multilingues, spectacles d’ouverture grandioses… Tout semble calibré pour célébrer la mondialisation du football. Mais dans les coulisses, le déploiement sécuritaire est sans précédent. La présence policière est omniprésente dans et autour des stades, les drones survolent les villes hôtes, et les contrôles dans les hôtels, gares et transports en commun se sont multipliés depuis le début du tournoi. Officiellement, il s’agit de garantir la sécurité de tous. Officieusement, cette militarisation progressive sert aussi à dissuader les rassemblements hostiles au pouvoir.

À un an de la Coupe du Monde 2026, coorganisée par les États-Unis, le Canada et le Mexique, cette Coupe du Monde des Clubs prend des allures de répétition générale – mais les dissonances diplomatiques sont déjà visibles. Si le terrain sportif exige une collaboration transfrontalière sans faille, la réalité géopolitique est tout autre. Donald Trump, revenu au pouvoir avec une rhétorique plus agressive que jamais, a déjà ravivé les tensions avec ses deux voisins. Il menace de renégocier – ou de suspendre – certains accords commerciaux et migratoires avec le Mexique, tout en critiquant ouvertement la politique d’accueil du gouvernement canadien. La coopération entre les trois pays s’annonce donc fragile, voire conflictuelle, dans un climat où les priorités politiques prennent le pas sur l’esprit du jeu. La Coupe du Monde 2026 devait symboliser une Amérique du Nord unie et accueillante : à ce stade, elle risque de se transformer en un exercice périlleux de diplomatie sportive. L’Amérique de 2025, sous Trump, offre l’image d’un pays en fête… sous surveillance. À vouloir transformer une compétition de football en démonstration de puissance nationale, Donald Trump expose aussi, malgré lui, les failles profondes de son pays. Derrière les paillettes du tournoi, les slogans de campagne et les chants de supporters, l’Amérique donne à voir un spectacle à double visage : celui d’une fête du sport mondialisée, et celui d’un régime qui instrumentalise le ballon rond tout en érigeant des murs. La Coupe du Monde des Clubs 2025 devait être une vitrine. Elle devient un révélateur. La fête du foot a été rattrapée par l’Amérique de Trump.

Source: https://www.footmercato.net/

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