MOUSSA TOURE, ARBITRE INTERNATIONAL DE BASKET-BALL: «Avec cette profession seulement, on ne peut pas gagner sa vie au Mali»

A 38 ans, l'arbitre international de basket-ball, Moussa Touré, est l'un des deux Africains qui seront présents au championnat mondial féminin qui se...

16 Août 2006 - 10:08
16 Août 2006 - 10:08
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A 38 ans, l'arbitre international de basket-ball, Moussa Touré, est l'un des deux Africains qui seront présents au championnat mondial féminin qui se tiendra au Brésil dans quelques mois. Dans l'entretien qu'il a bien voulu nous accorder, Moussa Touré évoque son passé de basketteur et sa carrière d'arbitre qui lui a fait visiter plusieurs pays à travers le monde. Cependant, reconnaît-il, "ce n'est pas avec la profession d'arbitre de basket qu'on peut gagner sa vie".
Le Quotidien des Sports : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
 
Moussa Touré : Je suis Moussa Touré, 38 ans, j'ai une activité professionnelle, je suis passionné de basket et arbitre international.
 
LQDS : Comment êtes-vous venus à l'arbitrage?
 
MT : Cela remonte à mon très jeune âge quand je jouais déjà. J'ai commencé à jouer à l'âge de sept ans.
A treize ans, quand j'étais encore en France, j'ai eu l'opportunité de suivre un stage d'arbitre de basket-ball. J'ai passé à un premier niveau d'arbitre scolaire et j'ai officié des matches d'écoles. D'examen en examen, j'ai progressé en grade jusqu'à arriver au niveau actuel.
 
LQDS : Cela vous a-t-il été difficile de vous intégrer au Mali après la formation en France ?
 
MT : C'était un peu difficile. Quand je suis arrivé, j'étais joueur et arbitre. On m'a ensuite fait savoir qu'ici, il faut choisir.
Soit être arbitre, soit rester joueur. Mais pas les deux à la fois. Etant encore jeune, j'ai choisi de jouer et de mettre une parenthèse à l'arbitrage.
Je suis resté environ quatre ans avant de retourner en France. Là bas, j'ai repris les deux. A mon retour définitif au Mali, j'ai arrêté de jouer et, naturellement, j'ai continué à diriger des matches.
 
LQDS : Vous avez certainement porté vos baskets à travers le monde…
MT : …A travers le monde…c'est trop dire. J'ai officié des matches dans plusieurs pays européens dont la France, l'Allemagne, la République Tchèque. En Afrique, j'étais au Sénégal, en Côte d'Ivoire, au Mozambique…
 
LQDS : Est-ce la chance ou votre talent qui fait de vous le second arbitre africain à participer à la prochaine Coupe du Monde?
 
MT : Si j'ai du talent…c'est vous qui le dites. C'est certainement lié à mes performances. Les arbitres, que nous sommes, sont évalués lors des tournois internationaux.
Je pense que c'est grâce à mes prestations que j'ai été choisi parmi les deux arbitres africains qui vont participer au prochain tournoi mondial féminin au Brésil.
 
LQDS : Ce n'est un secret pour personne que l'arbitre malien de football, qui est le sport roi, est mal loti par rapport à ses homologues des pays voisins. Qu'en est-il pour ceux du basket-ball ?
 
MT : Nous souffrons certainement des mêmes problèmes. Au-delà des aspects financiers, ce n'est pas en tant qu'arbitre de basket qu'on peut gagner sa vie. Les arbitres de football gagnent déjà plus que nous. Si on dit qu'ils sont mal lotis, n'en parlons pas pour ce qui nous concerne.
Les handicaps que nous avons et qui sont réels sont que nous avons d'abord très peu de compétitions en Afrique. Chez les Européens, on a énormément de compétitions et, cela, à tous les niveaux de catégorie des jeunes. En Afrique, après les seniors, il y a quelques compétitions pour les juniors et c'est tout ! Nous avons ici peu de chance d'acquérir beaucoup d'expérience.
Quand on se retrouve avec des arbitres qui ont le contact permanent avec les matches, lors des tournois mondiaux, nous sommes handicapés.
Une autre chose est que nos championnats ont un niveau faible. On ne peut pas comparer le championnat malien à celui de la France. Or, ce sont les mêmes arbitres que nous côtoyons dans les rencontres internationales. Il ne faut pas avoir honte, c'est une réalité qui est là. Pour palier cette tare, il faut un travail individuel constant.
Ne pas se contenter du championnat malien, mais aussi visionner les matches de la France en essayant de porter son propre jugement sur les différentes actions.
 
LQDS : Vous évoquiez le travail personnel. Moussa Touré le fait certainement…
 
MT : Après le travail, je prends un peu de temps pour regarder des matches à la télé ou je visionne des cassettes. Je fais des activités physiques individuelles. J'essaie de faire trente minutes de jogging chaque matin pour me maintenir en forme. Actuellement, je suis plus régulier car je me prépare pour le mondial.
 
LQDS : Vous avez aussi souligné le faible niveau du basket-ball au Mali et les conditions peu commodes dans lesquelles les arbitres travaillent. N'est-ce pas un peu parce que ce sport est relégué au second plan ?
MT : Bon…je pense qu'on peut mieux faire. Le basket est la deuxième discipline au Mali, mais il est le premier en terme de résultats.
Nous sommes champions d'Afrique à plusieurs niveaux. Je reconnais que le département fait des efforts, mais en mettant un peu plus de volonté, je crois que le basket-ball obtiendrait plus de résultats que d'autres sports. Je ne suis pas du tout contre le football.
D'ailleurs je suis l'un des premiers supporters des Aigles. Mais nous avons plus de chance d'être champions d'Afrique seniors en basket qu'en football. Nous avons plus d'atouts qu'au football. J'espère que le département nous suivra dans notre démarche. 
La chose que nous avons demandée depuis longtemps est une salle digne de ce nom. Sans cette salle, on ne peut pas évoluer, on ne peut pas prétendre organiser un tournoi d'Afrique. Il faut cette infrastructure qui demeure un frein au développement du basket-ball au Mali. Cette salle multifonctionnelle servira aussi aux disciplines de hand-ball et de volley-ball. Nous réclamons cette salle et il est temps qu'on s'en occupe.
 
LQDS : Comment conciliez-vous votre activité professionnelle avec votre métier d'arbitre international ?
 
MT : Ce n'est pas facile. Mon travail me prend énormément de temps. C'est d'autant plus difficile quand je dois officier des matches à l'extérieur. Je suis un privé et je ne bénéficie pas d'excuses pour les absences comme mes collègues de l'administration.
La seule technique que j'ai eue aujourd'hui est d'utiliser mes jours de congé pour mes matches. Cela fait trois ans que je n'ai plus eu de congés. C'est très difficile. Sinon, le reste est une question d'organisation.
 
LQDS : On vous critique très souvent dans les salles lors de vos prestations. Croyez-vous que c'est l'émotion des supporters ou est-ce des lacunes dans votre profession ?
 
MT : On ne peut pas jeter la pierre seulement aux supporters. C'est toute une chaîne. Je suis convaincu d'abord que le spectateur ne connaît pas les règles de ce sport. S'il cherchait à connaître plus les règles, ils pourraient mieux juger les décisions de l'arbitre.
De notre côté, nous avons des efforts à faire. Des efforts qui passent par un travail permanent. Ce n'est pas parce qu'on est passé arbitre international qu'on connaît tout.
A chaque fois qu'on ouvre le Code du jeu qui est notre document de référence, on apprend quelque chose.
J'en ai un chaque fois que je suis un peu tranquille. Il faut s'améliorer car le basket est un sport où il y a constamment des changements. 
Le dernier maillon et non moins important est l'entraîneur. Quand le public voit l'entraîneur sauter ou se plaindre, il se dit qu'il y a problème. Et sa réaction est immédiate.
 Il faudra aussi que les entraîneurs améliorent leur niveau de connaissance des règles. C'est donc toute la chaîne qu'il faudra un peu revoir.
Entretien réalisé par Paul Mben

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