Le cri silencieux des sages : Comment l'intellect malien désarme la Nation

Bamako, Mali. Les échos des tambours de guerre résonnent depuis trop longtemps sur nos terres ancestrales. Les voix des politiques se perdent dans les méandres des discours, et les balles sifflent, déchirant la chair de notre nation.

15 Sep 2025 - 10:07
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Le cri silencieux des sages : Comment l'intellect malien désarme la Nation

Mais au-delà des batailles visibles et des intrigues de palais, une tragédie plus insidieuse, plus profonde, ronge l'âme du Mali. C'est le silence de nos intellectuels, la démission de nos «sachants», qui s'avère être la plus déchirante des défaites. Dans un pays où les diplômes s'accumulent et les titres universitaires scintillent, la lumière de la pensée critique semble s'être éteinte, laissant le peuple malien démuni face à l’obscurantisme et à la stagnation. L'heure n'est plus aux faux-semblants: notre véritable défi n'est pas seulement militaire ou politique, il est profondément et tristement intellectuel.

Le paradoxe douloureux: des têtes pleines, des esprits vides ?

Le constat est glaçant, d'une ironie cruelle. Dans les rues poussiéreuses de Bamako, comme dans les amphithéâtres feutrés de nos universités, on croise des hommes et des femmes bardées de doctorats, auréolés de formations prestigieuses, parfois même célébrés par l'État pour leur érudition. Pourtant, une ombre plane sur ce tableau: celle d'une incapacité flagrante à analyser les racines profondes de notre malheur collectif. Leur savoir, aussi vaste soit-il, se réduit trop souvent à un vernis académique, une érudition sans âme, qui s'arrête là où commence la compréhension des réalités les plus élémentaires de notre quotidien.

Comment expliquer qu'une élite formée aux concepts les plus complexes, censée être le phare de la nation, puisse se montrer incapable d'établir les liens les plus simples entre les causes et les effets de notre drame ? Ils dissertent, ils commentent, souvent avec une éloquence vide, répétant des discours creux sans jamais oser interroger les fondements mêmes de la situation dramatique que traverse le pays. Un docteur sans esprit critique n'est-il pas, au fond, qu'un perroquet savant, récitant au lieu d'analyser, subissant au lieu de questionner ?

Le régime militaire et l'intelligentsia: un mariage de raison ou une triste démission ?

L'avènement des régimes militaires, loin de susciter une vague de réprobation intellectuelle, a souvent révélé la face cachée de cette faillite. Nombre de ces «sachants» se transforment alors en courtisans silencieux, en commentateurs aveugles, trop soucieux de préserver leur statut, leurs privilèges, leurs chaires universitaires, que d'exercer le rôle critique et d'éveil qui devrait être le leur. Face au pouvoir, qu'il soit civil ou militaire, la plume se tait, la voix s'éteint, et l'analyse s'évapore, troquée contre une complaisance qui coûte cher à la nation.

Il est crucial de comprendre que ces régimes militaires sont souvent les conséquences directes de la faillite intellectuelle des hommes politiques au Mali. Lorsque la gouvernance civile échoue à répondre aux besoins fondamentaux du peuple, lorsque la corruption gangrène les institutions et que les élites politiques se montrent incapables d'apporter des solutions concrètes aux défis sécuritaires et sociaux, le terrain devient fertile pour les interventions militaires. C'est une démission collective de la pensée et de l'action politique qui ouvre la voie à ces basculements.

La démocratie, ce fragile édifice, ne peut se construire sur le sable d'une pensée abdicataire. Comment prétendre bâtir une société juste et résiliente quand ceux qui devraient éclairer le peuple s'éteignent devant les puissants ? Quand ceux qui ont appris à manier les concepts les plus subtils deviennent incapables de lire la situation la plus élémentaire, celle qui affecte la vie de millions de Maliens ? La différence entre l'intellectuel malien et l'idiot malien, pour reprendre les mots cinglants de Boubacar Sow, devient alors une nuance si fine que même un esprit comme Albert Einstein peinerait à la percevoir.

L'urgence d'un réveil: reconduire la pensée au cœur de l'action

Le régime militaire prospère sur cette faillite, car il se retrouve face à un peuple désarmé de sa boussole intellectuelle, une intelligentsia démissionnaire, et une élite universitaire qui, malgré ses titres ronflants, s'avère moins lucide que l'apprenti chauffeur qui comprend d'instinct qu'on ne peut conduire une voiture sans freins.

Le Mali a besoin de ses penseurs, de ses critiques, de ses visionnaires. Il est impératif de réhabiliter la pensée indépendante, de cultiver l'esprit critique dès le plus jeune âge, de refuser la complaisance et le mimétisme. Nos universités doivent redevenir des foyers de contestation intelligente, nos intellectuels des voix courageuses, capables de défier les dogmes, d'interroger les évidences et d'éclairer le chemin. Car tant que la tragédie malienne restera avant tout intellectuelle, aucune victoire militaire ou politique ne pourra nous offrir la paix durable et la prospérité que nous méritons.

A.K DRAMÉ

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