Comment renforcer l’interdiction constitutionnelle du coup d’état militaire au Mali (Le résumé)

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Que faudrait-il au Mali, pour punir de manière effective le crime imprescriptible de coup d’Etat et bannir à jamais la junte militaire des mœurs politiques de notre pays ?

Dans cette contribution, j’analyse la problématique de l’exclusion définitive des militaires du champ politique national, tout en étant conscient qu’une vraie thérapie anti-putsch ne saurait faire l’économie d’un traitement de choc d’une pratique constitutionnelle vertueuse de solidité institutionnelle.

Notre pays n’étant qu’à la phase de traitement prescriptif du putsch, le Constituant de 92 a cru bon insérer au niveau du dernier alinéa de l’article 121, que « tout coup d’Etat ou putsch est un crime imprescriptible contre le peuple malien ».

Cette disposition constitutionnelle va toutefois s’avérer une prohibition fantôme, régulièrement balayée par des tempêtes successives de putschs à l’instar de ceux intervenus le 22 mars 2012 et plus récemment le 18 août 2020.

Tout se passe comme si la prohibition formelle du coup d’Etat militaire au Mali était condamnée à une obsolescence programmée. Comment y faire face ?

Nous avant tout d’abord identifié les deux principales menaces qui pèsent sur l’alinéa 3 de l’article 121 de la Constitution et qui le privent de toute effectivité : à savoir les lois d’amnistie et la dualité constitutionnelle.

D’une part, les putschistes se sont toujours vus couronnés de lauriers d’impunité offerts par une classe politique complice, toujours prompte à leur traficoter des lois d’amnistie.

D’autre part, nous assistons à un processus de blanchiment insidieux du crime imprescriptible de coup d’Etat à travers une dualité constitutionnelle anachronique avec suprématie de textes à prétention constitutionnelle sur la Constitution démocratique du 25 février 1992.

LES PUTSCHISTES COURONNES DE LAURIERS D’IMPUNITE OFFERTS PAR DES LOIS D’AMNISTIE

Nous expliquons ici, que c’est l’amnistie absolutoire des putschistes qui a bafoué la volonté du constituant de 92 de mettre le coup d’Etat au ban de la société politique au Mali et qu’il s’agit tout simplement d’un acte de fraude concertée à la Constitution.

Nous citons les deux lois d’amnistie foncièrement anticonstitutionnelles qui ont effacé d’un trait, le coup d’État perpétré le 22 mars 2012 : la loi n°2012-020 du 18 mai 2012 et la loi n°2019-042 du 24 juillet 2019 dite d’Entente nationale venue parachever le blanchiment total de l’acte criminel putschiste du 22 mars 2012.

Nous attirons également l’attention sur le processus d’amnistie en cours en vue de laver cet autre crime imprescriptible de coup d’Etat intervenu le 18 août 2020. Ce processus, comme nous l’expliquons, est construit autour de la Charte de la Transition qui fait d’ores et déjà bénéficier, mais uniquement de manière virtuelle fort heureusement , les putschistes du 18 août 2020 de l’immunité, car la Charte précise qu’une loi d’amnistie devra être adoptée à cet effet.

Il en résulte naturellement que le crime imprescriptible de coup d’Etat perpétré le 18 août 2020 ne pourrait bénéficier d’immunité qu’à la condition d’avoir fait l’objet d’une loi d’amnistie adoptée à cet effet. Cela signifie que jusqu’à l’adoption de cette loi d’amnistie, les ex-membres du CNSP demeurent passibles de poursuites pénales au regard de l’article 121 de la Constitution du 25 février 1992 toujours en vigueur, que n’a pu à aucun moment, modifier la Charte de la Transition.

Enfin, nous démontrons comment, de manière tout à fait délibérée, toutes les lois d’amnistie sont frappées de sévère amnésie. Elles paraissent ne plus se souvenir du terme de putsch ou coup d’Etat militaire paré dans un déguisement juridique grotesque. En fait, l’infraction criminelle de coup d’Etat est déclassifiée à travers sa falsification terminologique par les lois d’amnistie. Nous faisons cas des formules incolores, indolores et sans saveur qui lui sont substituées dans les lois d’amnistie : « faits survenus lors de la mutinerie ayant abouti à la démission du Président de la République » ; « évènements allant du 18 août 2020 à l’investiture du Président de la Transition » …

Mais outre les lois d’amnistie et leurs déguisements juridiques, nous dénonçons la dualité constitutionnelle avec suprématie de textes à prétention constitutionnelle sur la Constitution de 92, qui célèbre également le blanchiment du coup d’Etat militaire au Mali.

LE BLANCHIMENT NORMATIF DU COUP D’ETAT PAR LA DUALITE CONSTITUTIONNELLE

Un ordre constitutionnel formel donné qui prohibe le coup d’Etat, ne peut aucunement coexister avec un ordre de transition politique issu d’un crime imprescriptible de coup d’Etat.

Nous rappelons à cet égard, la fâcheuse jurisprudence du système embryonnaire de coexistence entre la Constitution de 92 et l’Accord-cadre du 06 avril 2012 signé entre les militaires putschistes du CNRDRE et la CEDEAO à la suite du coup d’Etat du 22 mars 2012.

Nous soulignons que le dernier putsch du 18 août 2020 se révélant plus ingénieux en dissimulation de crime imprescriptible de coup d’Etat, va tout simplement instaurer un régime de dualité constitutionnelle pour l’absoudre dans du blanchiment normatif. Pire, cette dualité consacre la suprématie des textes putschistes à prétention constitutionnelle sur la Constitution démocratique de 92. Nous citons à cet égard l’Acte fondamental n°001/CNSP du 24 août 2020 et la Charte octroyée de la Transition.

En hissant l’Acte fondamental putschiste et la Charte octroyée au rang de soi-disant textes modificatifs de surcroît supérieurs à la Constitution de 1992, on obtient indirectement un effet de blanchiment insidieux du coup d’Etat par neutralisation de l’alinéa 3 de son article 121.

C’est comme si le coup d’Etat devenait créateur de normes constitutionnelles compatibles avec la Constitution qui le prohibe.

LES PROPOSITIONS DE REFORMES

Pour l’essentiel, elles consistent à rendre plus robuste le dispositif constitutionnel anti-putsch de la Constitution du 25 février 1992 en bannissant à jamais, à la fois l’amnistie du coup d’Etat et la dualité constitutionnelle.

  1. QUE L’ARTICLE 121 DE LA CONSTITUTION SOIT REFORMULE AINSI QU’IL SUIT : « Le fondement de tout pouvoir en République du Mali réside dans la Constitution.  La forme républicaine de l’Etat ne peut être remise en cause.  Le peuple a le droit à la désobéissance civile pour la préservation de la forme républicaine de l’Etat. Est prohibé, le coup d’Etat militaire ou putsch par l’intrusion militaire dans la vie politique perpétrée par quel que procédé que ce soit, avec pour effet le renversement d’un gouvernement légal.

Le coup d’Etat militaire ou putsch est un crime imprescriptible contre le peuple malien. En aucun cas, il ne peut, qu’elle qu’en soit la forme, faire l’objet de loi d’amnistie ou d’immunité quelconque ».

  1. QU’UN RAJOUT SOIT INSERE AUX DISPOSITIONS FINALES DE LA CONSTITUTION, FORMULE AINSI QU’IL SUIT : « La présente Constitution ne peut s’appliquer en même temps qu’un autre document juridique de nature ou de portée juridique similaire ou équivalent ».

 

Dr Brahima FOMBA, Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako (USJPB)

 

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9 COMMENTAIRES

  1. Brin
    On EXIGE quand on a les moyens de chasser le président élu.
    On DEMANDE quand on sollicite la mobilisation populaire.
    EXIGER,c’est avoir la possibilité d’autoriser L’ARMÉE à chasser le président élu.
    DEMANDER,c’est utiliser les moyens politiques d’informer les maliens afin qu’ils se mobilisent pour INCITER le président à changer la trajectoire de sa gouvernance.
    EXIGER,c’est aussi donner des instructions à une force que ne contrôle le président élu.
    DEMANDER,c’est aussi manœuvrer pour montrer la réalité de la gouvernance à l’élu car il se peut qu’on lui dit pas la vérité.
    En constatant la mobilisation populaire intense,il peut s’interroger sur la qualité de sa gouvernance et changer de trajectoire.
    Ainsi DEMANDER aura aidé l’élu à se rendre compte de la réalité de sa gouvernance alors qu’ EXIGER ne lui donne pas la possibilité de se remettre en cause.
    Ibk n’a t’il pas eu la possibilité de se remette en cause?
    Il faut dire que les militaires sont intervenus au constat qu’Ibk ne contrôlait plus le Mali.
    C’était en réalité le fils KARIM KEITA qui détenait la réalité du pouvoir.
    Les militaires qui sont intervenus sont les éléments du chef de la SÉCURITÉ D’ÉTAT d’IBK MOUSSA DIAWARA.
    C’est une indication que même eux ne se sentaient pas en sécurité avec l’attitude adoptée par IBK.
    Si IBK persistait dans son refus de se séparer des MAFIEUX qui l’entourent,une mutinerie genre SANOGO était inévitable tant les soldats tombaient comme des mouches pendant qu’un CLAN MAFIEUX profitait impunément des DENIERS PUBLICS.
    Il faut dire que ce cas de figure peut arriver à ASSIMI GOITA,s’il donne l’impression de s’éterniser au pouvoir ou d’imposer un candidat.
    On aura dit aussi que c’est la faute au M5-RFP.
    IBK est le seul responsable du COUP D’ÉTAT de part sa confiance à un CLAN MAFIEUX contre sa majorité présidentielle.
    OSER LUTTER,C’EST OSER VAINCRE!
    La lutte continue.

  2. Toujours aussi clair que pertinent. Merci professeur ! Heureusement qu’on réfléchit encore dans ce pays.

    Pensées rebelles.

  3. Seule une Assemblée nationale ou un Président de la République peuvent amnistier. – Point des simples conseillers illégaux et pire, illégitimes.

  4.  Que Dieu bénisse le Dr FOMBA pour cette vérité oh combien patente !
     Que nul n’en doute miette : cette amnistie est de nul effet, parce que nulle elle-même.
     Que nul n’en doute miette : nous allons faire appel et rouvrir le dossier de cette sordide décision.
     Pour nous, le coup d’État est un crime imprescriptible, idem pour tout casse de biens publics.
     Mais, pour toute décision ultérieure, attendons l’après transition, avec notre pouvoir non de la rue, mais légitime.
     Vive le Dr FOMBA !

  5. Bonsoir Mr Sangaré
    En démocratie, le peuple peut demander la démission du président, certes , mais exigé cette démission, équivaut à un coup d’Etat, . Je t’invite à aller regarder notre loi fondamentale, je veux la constitution de 1992,donc, assumez vous. Je ne vais rien d’apprendre de nouveau, les membres de votre comité stratégique ont reconnu la forfaiture après. Mieux, encore, souvenez vous des propos des militaires au CNSP, je les cite, “Nous sommes venus parachever le travail du M5”. C’est pas moi qui ai dit de tels propos.
    Tous les problèmes que nous connaissons aujourd’hui sont le fruit de l’aventure des membres du M5, et l’histoire jugera bientôt
    Wa salam

  6. Brin
    Si un soulèvement populaire doit aboutir nécessairement à un COUP D’ÉTAT,qu’on décide d’interdire que le peuple manifeste son mécontentement même s’il est maltraité par les tenants du pouvoir.
    MARCHER CONTRE UN PRÉSIDENT,DEMANDER SA DÉMISSION NE VEUT PAS DIRE SOUHAITER UN COUP D’ÉTAT.
    MAÎTRE TAPO le sait mieux que quiconque.
    Il est revenu sur le devant de la scène pour apaiser sa haine d’être écarté une deuxième fois du gouvernement après ANTE AN BANNA en 2017.
    C’EST IBK LE RESPONSABLE DU COUP D’ÉTAT CONTRE SON RÉGIME.
    Confier le pouvoir à un CLAN MAFIEUX aboutit nécessairement à un COUP D’ÉTAT,même si le peuple ne se manifeste.
    LE COUP D’ÉTAT CONTRE ATT CE N’EST PAS À LA SUITE D’UN SOULEMENT POPULAIRE.
    On accuse à tord le M5-RFP d’avoir provoqué le COUP D’ÉTAT.
    Le M5-RFP a exercé un droit reconnu par notre LOI FONDAMENTALE c’est à dire manifester pour demander la démission d’IBK de la présidence de la république.
    Les maliens pouvaient décider de rester à la maison,on aurait affirmé que les maliens sont contre la démission d’IBK.
    Mais qu’ils sortent massivement plusieurs fois,c’est VALIDER que les animateurs du M5-RFP sont en phase avec le peuple.
    C’était à IBK soit de démissionner,soit d’accepter de partager son pouvoir permettant à un CHEF DE GOUVERNEMENT d’exercer en fonction de certaines de ses prérogatives.
    On aurait fini avec les manifestations et la main mise du CLAN MAFIEUX sur les DENIERS PUBLICS.
    Aucun militaire n’aurait les raisons suffisantes pour intervenir.
    DEMANDER la démission d’un élu fait appel à l’arbitrage du peuple.
    Si les MALIENS ne voulaient pas la démission d’IBK,ils ne seraient pas sortis massivement.
    Les animateurs du M5-RFP seraient humiliés.
    En réalité,il y a eu plus une révolution de palais qu’un COUP D’ÉTAT.
    Si le bataillon désigné par IBK lui-même par intermédiaire de MOUSSA DIAWARA qui a choisi les éléments de son corps d’origine participe au COUP D’ÉTAT,il faut dire que ce n’est pas le M5-RFP qui a provoqué le COUP D’ÉTAT,mais que c’était tellement pourri à l’intérieur qu’on a profité du rejet d’IBK par la population.
    LE M5-RFP N’A PAS PROVOQUÉ LE COUP D’ÉTAT,A PLUTÔT VOULU QUE SES REVENDICATIONS SOIENT RÉSOLUES DANS UN CADRE DÉMOCRATIQUE PAR LA DÉMISSION DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE OU QU’IL ABABONNE CERTAINES DE SES PRÉROGATIVES JUSQU’À LA FIN DE SON MANDAT.
    DEMANDER la démission d’IBK,c’est aussi une manière d’exiger la REFONDATION DE L’ÉTAT afin d’empêcher qu’à l’avenir un autre CLAN MAFIEUX s’impose au sommet de l’Etat.
    C’est un droit qu’on ne doit pas refuser d’exercer au motif de provoquer un COUP D’ÉTAT.
    OSER LUTTER,C’EST OSER VAINCRE!
    La lutte continue.

  7. MAD es tu militaire ou civile
    Si tu es militaire et que tu as des ambitions de devenir un chef d’État par putsch alors tu ne réussiras pas . Mr FOMBA tes propositions sont pertinentes , mais ne vous en faites pas . Les Maliens vont revenir sur certaines décisions prises par ce CNT illégal ,voir abroger la loi d’amnistie et poursuivre le CNSP .

  8. Bonjour Dr Fomba
    Je vous remercie pour la qualité de vos propositions, mais, à les lire attentivement, je reste sur ma faim, surtout que ces propositions viennent de vous. Permettez moi, de vous rafraichir la mémoire, lors de l’émissions Questions d’Actualité de la Chaine ORTM1, en face de Me Tapo, vous avez soutenu les mouvements du M5 qui, tout le monde savait, allaient conduire le pays vers un Coup d’Etat, ce jour là, Me Tapo a tiré la sonnette d’alarme, mais, hélas, il n’a pas été compris, ou du moins, tu l’as pas compris ou tu n’as pas voulu le comprendre. Ce que vous devez comprendre aujourd’hui, c’est que vous avez semé de mauvaises graines au Mali par le mouvement du M5, et, tous nous allons tirer les conséquences, pendant longtemps, donc, ne vous fatigues point. Peut être, qu’au moment, où, j’écris ce commentaire, un autre groupe de jeunes militaires est entrain de planifier un autre coup d’Etat au Mali, par ce que, c’est qui semble être la règle. On ne peut pas souhaiter et alimenter une chose et prétendre aller à contrario, donc, assumez vous pour de bon. Acceptez de faire votre harakiri.
    Wa salam cette

  9. Toute personne contre le coup d état militaire n est pas démocrate, est ennemi du pays et du peuple. Le coup d état avec condition doit même être un élément de la constitution au Mali; Toute personne honnête responsable, patriote voulant le bonheur du peuple ne dirait pas non. Si le coup d état militaire avec des conditions ( quand, pourquoi etc) devient un élément de la constitution, les dirigeants feront la bonne gestion, la majorité présidentielle sera plus sérieuse, le bonheur du peuple sera mis avant celui de l intérêt personnel; alors il n y aura pas de coup d état. Les présidents et autres membres des institutions violent la constitution à longueur de journée, et des ignorants croient à la démocratie qui interdit le coup d état militaire!!! Toute personne contre le coup d état militaire ne doit jamais être à la tête d un groupe organisation etc, parce qu il ne sera pas honnête et fera du mal en imposant un règlement qui le maintienne mais en cas de mal gestion. Le peuple n arrive jamais à chasser un président malhonnête parce que soutenu parce sa majorité malhonnête aussi; alors seuls les militaires peu aider le peuple; Aussi tout président, toute institution au monde condamnant cela est malhonnête et n est pas ami du pays concerné. Il faut connaître d abord les raisons et le désir du peuple avant de condamner.

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