Tribune : La guerre du Savoir II
Il n’y a de dignité, de respect et de considération des autres, que dans la liberté d’être, de penser, d’agir et de réagir comme il se doit.

La souveraineté pour s’autodéterminer commence par la volonté libre d’être soi-même et non de se tailler à l’image d’autrui. Être soi-même suppose qu’on a une identité précise, une mémoire collective de l’ensemble d’appartenance, une connaissance de ses origines et du parcours dans le temps, la conscience de ses valeurs, une intelligence de soi. C’est ce qu’assure en grande partie l’enseignement de l’Histoire aux enfants et aux jeunes. Mais, les dizaines de tomes de l’Histoire Générale de l’Afrique ont été publiés à quelle fin ? Nous devons avoir une approche africaine commune, mutualisée, de l’écriture de notre Histoire et de son enseignement à l’école, et non chacun faire à part l’histoire des territoires coloniaux dont les frontières arbitraires servent à identifier nos pays.
Aujourd’hui, les États africains ne semblent pas très regardant aux enjeux politiques, stratégiques et humains de la connaissance, des savoirs et savoir-faire. Ils passent à côté de l’exigence vitale de la remise en ordre du passé et de la construction de la mémoire nationale, ressort de viabilisation du projet de reconstruction de l’État et de la Nation.
Que font les États africains pour que la vérité soit dite, rétablie, les solutions trouvées, les réponses apportées, au plan international sur :
L’ÉGYPTE
Ú La consécration mondiale du patrimoine nègre de l’Égypte antique, les droits de ce trésor africain, et le retour des produits du pillage de ce patrimoine exposés dans les musées européens et hors d’Afrique ?
Ú La calomnie contre la race Noire dans les livres des messagers, à dénoncer, avec les absurdités provoquées, les corrections et les réparations attendues ?
Ú Le constat objectif du trait Noir de tous les Prophètes, à commencer par Abraham, comme il ressort logiquement des sources ?
Ú Les preuves du plagiat et de la falsification des textes égyptiens par les « gens du livre » ?
L’OCCIDENT
Ú L’héritage et le patrimoine africains dans la supposée civilisation gréco-romaine ?
Ú Les concepts, sciences et théories des Égyptiens imputées de mauvaise foi à des Grecs, comme le théorème de Pythagore ou de Thalès, la géométrie d’Euclide, ou encore le serment d’Hippocrate… ?
Ú La discrimination, l’opacité et l’effacement des références de savants, créateurs, talents, héros et inventeurs Noirs de l’histoire dont les œuvres sont outrageusement attribués à des substituts Blancs dans des livres d’école, ou simplement ignorés ?
Ú La découverte de l’Amérique par les expéditions de l’empereur du Mali Mandé Abu Bakr, qui est arrivé sur les berges du nouveau continent bien avant Christophe Colombe ?
L’AFRIQUE
Ú La Charte de Kurukanfuka 1236, comme première Constitution de l’Humanité ?
Ú La Déclaration des Chasseurs, ou Charte du Mandé, premier acte déclaratif universel ?
Ú La reconnaissance de l’antériorité de la science astronomique dogon ?
LES CRIMES
Ú La qualification de crime de guerre de l’utilisation préméditée des soldats Noirs (tirailleurs sénégalais) par la France comme chair à canon dans les deux guerres mondiales ?
Ú La lâche tuerie des tirailleurs sénégalais en France métropolitaine, en mer et à Thiaroye ?
Ú Le crime de privation des combattants africains de leurs justes pensions par la France ?
Ú Les crimes du Roi des belges et les atrocités de la Belgique au Congo ?
Ú Les massacres coloniaux de populations par les troupes françaises en Afrique occidentale, en Algérie, au Cameroun, au Congo et à Madagascar ?
Ú L’ignominieux génocide des Hereros par l’Allemagne ?
Ú Le génocide arabo-musulman par l’esclavage en Afrique de l’Ouest ?
Ú L’esclavage, la traite négrière et l’extermination dans la chasse au gibier Noir, les compagnies bénéficiaires, les fortunes et les dédommagements (propriétaires, sociétés, armateurs, marques, villes, États), les réparations pour les victimes ?
Ú La barbarie coloniale contre la personne Noire (dépeçage et utilisation de la peau) ; les vaccins souillés ; la maltraitance de la Vénus Noire ; les expositions coloniales humaines ?
Ú La persistance du crime raciste et de la discrimination raciale aux États-Unis et ailleurs ?
LES COMPLOTS
Ú Les responsabilités des puissances dans les coups d’État, conflits, rebellions et guerres en Afrique : Mali, Nigeria, Mali-Haute Volta, Burkina, Mali-Burkina, Mauritanie, Tchad, Sénégal-Mauritanie, Libye-Tchad, Algérie, Libye, Somalie, Centrafrique, Côte d’Ivoire, Congo, RDC, Soudan, Soudan du Sud, RASD, Éthiopie, Liberia, Sierra Leone, Burundi, Rwanda, Comores, Madagascar, Haïti, Grenade … ?
Ú La responsabilité des puissances occidentales dans l’élimination de leaders nationalistes et souverainistes de la lutte pour l’Indépendance, contre le néocolonialisme et l’impérialisme, notamment les assassinats de : Barthélémy Boganda, Um Nyobe, Patrice Lumumba, Félix Moumié, Sylvanius Olympio, François Tombalbaye, Amilcar Cabral, Haïlé Sélassié, Samora Machel, Marien Ngouabi, Thomas Sankara, Maurice Bishop, Melchior Ndadaye, Juvénal Habyarimana, Laurent Désiré Kabila, John Garang, Mouammar Kadhafi, Idriss Deby, John Magufuli, Jovenel Moïse ?
Ú Le rôle de la France dans la guerre de sécession du Biafra et le massacre des Igbo ?
Ú Le rôle de la France et de l’ONU dans le génocide rwandais ?
Ú La Cour Pénale Internationale et les incohérences de son agenda contre les Africains ?
Ú Le tribut de l’Indépendance de Haïti payé à la France, l’introduction du cholera par l’ONU, les méfaits américains, le tremblement de terre provoqué, la violence ; l’empoisonnement des populations aux produits phyto Monsanto en Guadeloupe, Martinique, Guyane ?
Ú Les biens, documents, archives et trésors volés par les États colonisateurs et leurs fonctionnaires aux peuples et pays colonisés ?
Ú Le terrorisme dans la corne de l’Afrique depuis l’intervention américaine, la dislocation de la Somalie, les attentats au Kenya, l’intervention française, les pirates ?
Ú Les trahisons, disparitions et morts mystérieuses de personnalités africaines comme Yambo Ouologuem, Pr Cheikh Anta Diop, Pr. Ogobara Doumbo, Pr Médecin Colonel Diallo, Oumar Blondin Diop, Pr Tahiri Zagret-Boigny, Dr Samuel Ato Duncan (?) ?
Voilà quelques dossiers, cités de mémoire, à éplucher pour constituer une mémoire africaine, et ne pas être là, attentistes, à subir et suivre, comme si les autres étaient dans leurs rôles et avaient un droit de forfaiture que le monde reconnaissait tacitement, la loi de la jungle où les plus forts font la loi. En étant dans cette résignation, nul ne respectera les Africains, et ils auront toujours une tête à raser par les autres qui sont sûrs d’eux-mêmes. Ceux qui pensent que nous sommes trop faibles pour demander des comptes aux puissants, ou qu’il ne sert à rien de réagir sur ces questions légitimes, ne méritent pas de représenter les peuples africains, car aucun des sujets listés n’est excessif ou déplacé. Gouverner nécessite une intelligence politique qui réfère aussi à une culture politique.
Dans ce questionnement transparaît la vision panafricaine de l’ambition de réhabilitation de la personnalité africaine sur l’arène mondiale ; un témoin de la conscience des Africains qu’il y a un défi de leadership. La connaissance de l’histoire du continent depuis la « genèse » est essentielle pour donner à la jeunesse africaine les repères qui lui manquent, indispensables à son équilibre. Cette fonction de mémoire sert de socle pour tenir debout et prendre appui pour rebondir. C’est l’essence de la question de la refondation des savoirs pour une Afrique nouvelle, une Afrique libérée, une Afrique ressourcée, une Afrique souveraine et respectée.
17 juillet 2025
Mohamed Salikènè Coulibaly
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