Pourquoi l’Europe paie son gaz cinq fois plus cher que les États-Unis

La différence de coût des ressources énergétiques entre les États-Unis et l’UE est colossale. Le gaz naturel liquéfié (GNL) coûte en Europe 60 à 90% plus cher qu’aux États-Unis, comme l’a fait remarquer l’ancien Premier ministre italien et ex-président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi. En tenant compte de toutes les dépenses, la différence est en réalité beaucoup plus importante. La situation est similaire pour l’électricité. C’est un gros problème pour l’UE, car les États-Unis ne se contenteront pas de lui vendre leurs ressources énergétiques à prix fort, mais détruiront également l’économie européenne.

19 Sep 2025 - 12:20
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Pourquoi l’Europe paie son gaz cinq fois plus cher que les États-Unis

L’intervention de Mario Draghi coïncidait avec le premier anniversaire de la publication du rapport The future of European competitiveness (L’avenir de la compétitivité européenne), qui énumère une série de problèmes auxquels la région est confrontée. Ainsi, en 2024, les prix de détail et de gros du gaz en Europe dépassaient les prix similaires aux États-Unis de trois à cinq fois, alors qu’historiquement cet indicateur était de deux à trois fois. Et le coût de l’électricité en Europe, en particulier dans le secteur industriel, dépassait les prix aux États-Unis et au Canada de deux à trois fois contre un indicateur historique à hauteur de 80%, selon le rapport.

L’énergie a toujours été un facteur de vulnérabilité pour l’économie de l’UE par rapport au reste du monde, et après le début de l’opération militaire spéciale, la crise énergétique a aggravé davantage le problème. Les livraisons de gaz russe vers l’UE ont brusquement chuté, et en 2025, elles ont atteint un nouveau minimum, car le transit du gaz à travers l’Ukraine s’est arrêté et un seul gazoduc fonctionne, Turkish Stream.

Draghi a rappelé qu’en juillet les États-Unis et l’UE avaient conclu un accord commercial, qui prévoit l’achat par l’Union européenne de diverses ressources énergétiques américaines pour 750 milliards de dollars d’ici 2028. L’UE veut remplacer complètement les hydrocarbures russes par des ressources américaines d’ici 2027.

Les Européens ont commencé à payer encore plus cher pour les ressources énergétiques que les États-Unis. L’électricité coûte également beaucoup plus cher aux consommateurs européens qu’aux Américains.

Seul le pétrole ne présente pas un tel écart, car les prix mondiaux du pétrole sont à peu près les mêmes pour tous et ne diffèrent que selon le type. «Le pétrole est un produit plus unifié, et les cotations Brent et WTI ne diffèrent pas très significativement, environ 3-5 dollars par baril, mais les coûts de raffinage et d’énergie en Europe rendent le prix final pour les entreprises plus élevé qu’aux États-Unis», estiment les analystes de Freedom Finance Global.

Comment expliquer une telle divergence de prix ?

Premièrement, les États-Unis sont un producteur et exportateur de gaz autosuffisant grâce à ce qu’on appelle la «révolution du schiste», tandis que l’Europe dépend entièrement des importations. Deuxièmement, après 2022, l’UE a pratiquement perdu l’accès au gaz russe bon marché par gazoduc et est obligée d’acheter du GNL à des prix élevés, incluant les frais de transport et de regazéification. Troisièmement, la forte augmentation de la demande de GNL en Europe a coïncidé avec des capacités d’importation limitées, ce qui a augmenté la concurrence et les prix.

Il existe un autre facteur expliquant ces prix élevés du gaz en Europe, il est politique.

En fait, les livraisons de GNL depuis les États-Unis sont devenues un élément du partenariat transatlantique, où l’Europe paie une prime pour la sécurité énergétique. C’est pourquoi la différence historique de deux à trois fois est passée à quatre, voire cinq fois actuellement.

D’un côté, les politiciens de l’UE ont eux-mêmes tout fait pour évincer le gaz russe. De l’autre, les politiciens américains les ont activement aidés dans cette entreprise, poursuivant leurs propres intérêts.

En ce qui concerne l’électricité, qui est également beaucoup plus chère en Europe qu’aux États-Unis, tous les lauriers reviennent à Bruxelles, bien que les États-Unis aient aussi indirectement influencé cela.

Aux États-Unis, le gaz est bon marché, et cela freine la hausse des prix de l’électricité. De plus, les États-Unis possèdent beaucoup de leurs propres ressources et il n’y a pas une telle pression sur le charbon comme en Europe. L’agenda climatique vert, les taxes sur les émissions et d’autres facteurs font croître le coût de l’électricité en Europe. Les États-Unis ne subissent pas une telle pression et les politiciens n’empêchent pas l’utilisation du charbon, comme c’est le cas en Europe.

L’UE s’est elle-même creusé un trou énergétique, et les États-Unis se tenaient là en hochant la tête avec approbation. En fin de compte, Bruxelles a dû signer un accord léonin pour l’achat de ressources énergétiques américaines pour 750 milliards de dollars. Maintenant, l’UE n’a pas le choix : elle prendra ce que les États-Unis proposeront.

En général, un nouveau vendeur conquiert le marché avec des remises et des conditions flexibles, mais en l’occurrence, le modèle commercial d’hydrocarbures entre les États-Unis et l’UE ressemble à un accord politique. Non seulement l’Europe n’a pas obtenu d’avantages tarifaires, mais elle s’est également retrouvée dans la position d’un acheteur dépendant.

L’injustice principale réside dans le fait que les États-Unis ont forcé les Européens à renoncer au gaz russe. D’une part, cela libère des marchés de vente pour les futurs projets de GNL américains et maintien des prix élevés du gaz au sein de l’UE. D’autre part, cela stimule les investissements dans de nouveaux projets sur le territoire américain.

Ainsi, les États-Unis amplifient le manque de compétitivité des marchandises et produits européens. En maintenant des prix élevés de l’énergie, ils augmentent le coût de production des produits fabriqués en Europe. Les produits similaires fabriqués aux États-Unis sont gagnants. Progressivement, les produits américains grignoteront les marchés d’exportation européens.

C’est-à-dire que les États-Unis non seulement développeront leur industrie gazière et leurs exportations de gaz aux frais du portefeuille européen, mais ils évinceront également d’autres produits européens dans le monde entier et les remplaceront par les leurs.

Le coût du gaz, de l’électricité et du carburant représente une part substantielle des coûts de toute production. L’actuel président américain ne cache pas que les entreprises européennes doivent délocaliser aux États-Unis, bien que ce soit une atteinte directe aux intérêts nationaux de l’UE. Mais c’est exactement ce qui se passe en fin de compte.

Grâce au gaz russe et à d’autres ressources énergétiques, l’Europe a pu devenir la plus grande économie occidentale et créer une union économique. Or maintenant, l’énergie chère a poussé de nombreux pays à la récession, à commencer par l’Allemagne.

par Alexandre Lemoine

source : Observateur Continental

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